Cette galerie de portraits de militants et élus de la fédération de Loire-Atlantique restitue la diversité des parcours au PS : itinéraires syndicaux pluriels (CGT, FO, CFDT, syndicalisme enseignant et paysan) ; générations, sociologies et espaces militants variés qui couvrent l’ensemble du spectre partisan du département ; engagements divers (féminisme, éducation populaire, focus sur les trajectoires des « chrétiens de gauche », ou plutôt des « chrétiens à gauche », dont l’empreinte est majeure dans l’Ouest) ; positions différenciées dans le parti (du « militant de base » à un des piliers de la fédé, Michel Audic, en passant par l’ancien député-maire de Nantes, Alain Chénard, ou la nouvelle génération des candidat-e-s du PS des années 2010.
François Caillaud, Acteurs du changement. 44 portraits de militants, Ed. de l’OURS 2014 150 p 15 €
Cette connaissance impressionniste du PS 44, saisi à travers 44 portraits, quoique très représentatifs, s’explique par l’origine du projet, soutenu par l’OURS (éditeur du livre). Pour l’essentiel, ces tranches de vie socialistes sont parues dans l’excellent organe fédéral, Ensemble, attaché à rappeler les disparitions des anciennes figures socialistes et à faire connaître les nouveaux visages du PS (une chance pour l’historien que de disposer de ces sources internes, fréquentes au temps de la SFIO). Car cette démarche s’inscrit dans un désir d’histoire, de réflexion sur son histoire, de la part de la fédé du PS 44, objet de plusieurs études[1].
Soulignons quelques limites de l’exercice, comme la survalorisation des entretiens oraux avec les militants, source première de l’auteur, ce qui laisse des angles morts dans les parcours. Très peu d’erreurs factuelles cependant dans ce livre qui remplit son objectif de cerner la singularité et le sens de ces engagements des « acteurs du changement » (une génération 2012 ?) dans un territoire marqué des mutations géopolitiques profondes : depuis le socialisme à visage urbain en 1977 qui accélère les lentes mutations de l’implantation du PS, des années 1968 au basculement du Conseil Général et du Conseil Régional en 2004. Le livre aborde peu les nouvelles têtes du PS, en recomposition depuis une décennie (un portrait de Johanna Rolland, maire de Nantes, aurait été une bonne idée), ce qui induit une féminisation et une professionnalisation des élus locaux.
L’attachement particulier aux trajectoires des espaces ruraux, pertinent au regard de la configuration locale (poids des syndicalistes paysans, y compris dans les réseaux d’élus), est assurément lié aux parcours des parents de l’auteur : Thérèse Caillaud (conseillère régionale PS en 1986) et Joseph Caillaud (JAC, CFTC, PSU, PS).
On regrettera l’absence d’une conclusion faisant la synthèse des trajectoires individuelles/trajectoires collectives, voire d’une bibliographie ou de données statistiques autorisant une radiographie militante de cette fédération, qui joue un rôle au plan national (notamment dans l’entourage de Jean-Marc Ayrault, auteur d’une préface neutre du livre, avec Marie-Françoise Clergeau ou Dominique Raimbourg). Mais l’exercice, très réussi, offre un témoignage vivant d’une organisation partisane qui produit de l’intelligence collective et dont les idées ou stratégies s’incarnent dans des hommes et des femmes aux engagements et pratiques caractérisés par la lutte contre les inégalités.
François Prigent
Article paru dans L’OURS 445, février 2015.
[1] Yves Laurent et François Naud, Le cœur et la passion. Chronique du parti socialiste en Loire-Inférieure (1936-1988), Ed. Crocus, 1988, 318 p. Sabine Prin, Les socialistes et la résistance en Loire-Inférieure, Ed. de l’OURS, 2008, 128 p. Alain Besson, Jean-Marc Ayrault, une ambition nantaise, Ed. Coiffard, 2004, 433 p.