Ces deux ouvrages reviennent chacun à leur manière sur des pages sombres de l’histoire de l’Amérique du Nord. A propos de Laurent Olivier, Ce qui est arrivé à Wounded Knee. L’enquête inédite sur le dernier massacre des Indiens, Flammarion, 2021, 518 p., 23,9 € et de Thomas C. Holt, Le Mouvement. La lutte des Africains-Américains pour les droits civiques, La Découverte, 2021, 182 p., 18 €
 Wounded Knee (Dakota), le 29 décembre 1890, est le dernier massacre de masse des Indiens par l’armée américaine. Laurent Olivier, historien et archéologue, a conduit une enquête au long court pour voir comment les derniers représentants de la résistance indienne à l’american way of life ont été assassinés par un détachement de l’armée.
Les autorités américaines veulent s’approprier une partie des territoires qu’elles avaient concédés lors du traité de 1868. L’État fédéral déchire ses promesses et, pour expulser les Indiens, fait pénétrer l’armée dans ces terres indiennes. Prétextant d’une tentative d’insubordination, les militaires ouvrent le feu puis abattent froidement plus de 300 Indiens. L’auteur, sur la base des rapports croisés avec une analyse archéologique des charniers, détaille heure par heure avec une précision extrême l’assassinat froid, massif et calculé des Indiens dont les chefs sioux Sitting Bull et Big Foot, emblèmes de la résistance indienne. Il souligne les mensonges de l’armée américaine pour inverser la chaîne des responsabilités. Il montre parfaitement l’emprise génocidaire des autorités américaines qui veulent réduire à néant toute trace de la société indienne.Â
C’est contre cette même Amérique blanche et raciste que les Afro-Américains ont lutté – et luttent encore – depuis plusieurs décennies. Thomas C. Holt se concentre sur la période 1955-1965. Il souligne à juste titre que Rosa Parks ou Martin Luther King ont focalisé l’attention, mais qu’il s’agit en fait de la construction d’un mouvement de grande ampleur. En effet, depuis les années 1940, des groupes antiracistes cherchent à obliger les autorités américaines à plier face aux mouvements antiségrégationnistes. Enquêtant dans le nouveau sud et l’ancien sud, il montre comment agissent les mouvements d’insubordination, comme celui de sa grand-mère, qui est allée s’asseoir à l’avant d’un bus réservé aux Blancs. Il analyse avec finesse le cycle répression/révolte à l’image de ces enfants voulant jouer dans les squares chassés à coup de canon à eau très puissant. Le mouvement faisant alors tache d’huile. La rivière des petits gestes de révolte aboutissant au fleuve des marches de l’été 1964 et qui, sous différentes formes, se poursuit aujourd’hui.Â
Sylvain Boulouque