Cet ouvrage de l’historien Christian Ingrao, recueil d’articles et d’études sur des thèmes distincts, allant d’une analyse sur les historiens européens du temps présent aux attentats et à la médecine d’urgence – en passant par une réflexion sur la science –, constitue une intéressante approche de la violence extrême. (A propos de Christian Ingrao, Le soleil noir du paroxysme. Nazisme, violence de guerre, temps présent, Odile Jacob, 2021, 312 p, 24,90 €)
Il s’inscrit dans le prolongement de sa thèse sur les intellectuels nazis et la mise en œuvre du génocide. Son travail sur le massacre des Juifs sur les terres soviétiques pratiqué par de jeunes intellectuels allemands a mis en lumière l’entre-soi comme l’un des marqueurs forts permettant le passage à l’acte.
Christian Ingrao effectue un détour par la physique quantique pour faire comprendre la démarche de l’historien de l’extrême violence : la physique pousse le raison jusqu’au bout de son illogisme. C’est aussi ce que lui suggère l’étude de la violence extrême : il incite les historiens et les citoyens à regarder en face la violence et la mort pour mieux les qualifier et ne jamais détourner le regard. Il s’agit de dépasser les étapes de l’incompréhension et de la sidération pour atteindre celles de la description, y compris à son acmé, en utilisant tous les raisonnements des sciences.
On serait tenté de lui faire remarquer que même avec tous les efforts du monde celui qui ne veut pas regarder et celui qui ne veut pas parler à aussi la possibilité de le faire y compris si il est historien. Evoquer la mort d’enfants à coups de machette comme au Rwanda, ou le crâne fracassé contre des troncs d’arbres comme au Cambodge, peut heurter et demeurer pour certains impossible à lire. Penser la discipline historienne sous-entend aussi de prendre en compte les affects des lecteurs au-delà de la description de la mort et de la violence.
Sylvain Boulouque