Par Sylvain Boulouque
Repensez le politique par le local, tel était le pari proposé par le penseur libertaire. À propos de Murray Bookchin, La révolution à venir. Assemblés populaires et promesses de démocratie directe. Agone, 2022, 296p, 22€
Murray Bookchin (1921-2006)1 a été une des figures de proue de la rénovation théorique d’une partie du mouvement libertaire et plus largment de la nouvelle gauche américaine. En s’appuyant sur la relecture des assemblés locales existant depuis l’antiquité, il a développé le concept de municipalisme libertaire, d’une part, et d’écologie sociale, d’autre part. Une partie de ses textes, inédits en français, et préfacés par l’autrice de romans de sciences fictions, Ursula Le Guin, est aujourd’hui publiée.
Pour mémoire, Bookchin, fils d’immigrés juifs de Russie ayant fui le tsarisme, installés aux États-Unis, a commencé à militer dans la Ligue des Jeunes communistes américains, dont il est vite exclu pour trotskisme. Il rompt pour développer une approche novatrice des problèmes environnementaux et sociaux. A partir des années 1950, il s’interroge sur les formes de la démocratie et sur les questions environnementales. Sa réflexion porte sur la rénovation démocratique de la vie de la cité par la participation et parfois la création d’instances locales donnant aux citoyens la possibilité de s’exprimer développant le concept de communalisme.
Le communalisme
Il est convaincu que la et le politique ne peuvent intéresser qu’à partir du moment où les personnes voient une implication concrète de leur participation à la vie de la cité permettant ensuite d’envisager les autres questions économiques et sociales. Pour ce faire, il procède à une relecture des expériences locales de la démocraties athénienne jusqu’aux assemblées populaires de la Révolution espagnole. Il ne restreint pas ses prises de position aux seuls libertaire, engageant un débat avec l’ensemble des forces de gauche en souhaitant les entraîner dans une réflexion sur cette expérience de transformation sociale. Bookchin a eu ainsi une influence déterminante sur le parti des travailleurs du Kurdistan, qui a repris la majeure partie de ses thèses pour tenter de les mettre en œuvre au Rojava, y compris dans le contexte de la double guerre contre les islamistes de Daech et des nationalistes turques. Le deuxième axe de sa réflexion est l’écologie sociale, sous-jacente dans l’ouvrage. Il propose d’abandonner le modèle productiviste, mais surtout de se fonder sur les énergies locales et renouvelables pour changer les rapports entre l’homme et l’environnement.
Ces idées méritent au minimum d’être discutée pour retrouver des formes de participation à l’action publique.
S. B.
(1) Janet Biehl, Ecologie ou catastrophe. La vie de Murray Bookchin, Amourier éditions, 2018, 620p. L’ours 483.