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Lecture d’été : Au-delà de la politique, sculpture et soleil, par Jean Grassou

Un très beau livre de l’Atelier contemporain sur deux sculpteurs, Karl-Jean Longuet (1904-1981) et Simone Boisecq (1922-2012). Anne Longuet Marx, Le soleil et l’envol. À la rencontre de Simone Boisecq et Karl-Jean Longuet, sculpteurs, Strasbourg, L’Atelier contemporain, François-Marie Deyrolle éditeur, 2022, 30 €

Le livre comprend deux parties, liées bien sûr, mais nettement distinctes. En premier lieu figure un texte de bonne taille (plus de quatre-vingt pages), intitulé France Sculpture, écrit par Anne Longuet Marx : il s’agit d’une étude précise, à la fois présentation et essai littéraire. Il est suivi d’un album photographique des œuvres des deux artistes : sculptures et dessins, quelques vues d’atelier, quelques portraits aussi. L’auteure (autrice ?) est la fille de ces deux artistes, mais elle joue habilement de la mise à distance et évite les pièges de l’anecdote familiale. Elle évoque quelques souvenirs mais cette spécialiste de Proust les utilise pour tisser sa toile, évoquer des sensations et aider à l’intelligence des formes et de la vie. Une promenade subtile où on croise Blanchot, dans un rôle familier et pédagogique qu’on n’aurait pas deviné, Segalen, Claudel, mais aussi Bram Van Velde, Brancusi et bien d’autres, la grande histoire avec le catholicisme, le socialisme ou le communisme, la Résistance et les colonies, tout comme en fait l’histoire humaine, à la fois en bloc et dans sa singularité, avec des couples qui se font et se défont – ou pas, des enfants, la vie et la mort… Chacun roule ses pierres et construit peu à peu son édifice écrit Anne Longuet Marx qui s’emploie à expliciter au mieux « la recherche du lieu et de la formule » pour reprendre une notation de sa mère, Simone Boisecq. 

La deuxième partie, de dimension équivalente, confronte le lecteur aux deux artistes et à leurs œuvres, avec la haute qualité de reproduction reconnue de l’éditeur. Ces sculptures se retrouvent aujourd’hui dans la plupart des musées ouverts à l’art du xxe siècle, du MNAM (Centre Pompidou) et du musée d’art moderne de la ville de Paris aux musées de Colmar, Dunkerque, Calais, Roubaix, Poitiers, Limoges, Lyon, Agen, Reims, Nancy, Dijon, etc., mais aussi dans l’espace urbain, comme à Vitry, Châtenay-Malabry, Rosny-sous-Bois, Loudéac, Limoges ou Auray. Ces listes ne sont évidemment pas exhaustives, mais elles nous font pressentir à quel point ces deux grands sculpteurs du siècle précédent font désormais partie intégrante de notre paysage national. Évitons tout particularisme alors que ces deux sculpteurs et cette écrivaine nous font entrer dans un dialogue entre l’homme et le monde, mais à L’Ours, journal de critique socialiste, il n’est pas interdit de s’attacher spécialement à une histoire d’espérance et de luttes : égrenons simplement quelques noms et lieux familiers à nos lecteurs : Adrien Pressemane (Saint-Léonard-de-Noblat), Jean Laville (Gueugnon), Léon Betoulle (Limoges), Salvador Allende (Châtenay-Malabry)… mais aussi ailleurs Paul Langevin, Aimé Césaire, Paul Éluard, Karl Marx et la Commune de Paris bien sûr. Cet assemblage de noms peut sembler anecdotique, mais il dessine un paysage aussi bien matériel que spirituel. Il évoque d’abord ces « meneurs » levés avant l’aube salués par Jaurès dans un discours célèbre, « l’idéal » à ne pas perdre de vue, le soleil ou la forêt, souvent sculptés et qui président à la vie humaine.

Jean Grassou

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