Dans ce livre singulier, Guy Putfin apparaît comme un homme qui, contre vents et marées, a cherché à imposer la culture à la « forteresse enseignante », autrement dit la FEN. À ce titre, l’essai présente un triple intérêt.
À PROPOS du livre de Guy Putfin, Syndicalisme & Culture. Itinéraire culturel dans la Forteresse enseignante, L’OURS, 2016, 320p, 18€)Article paru dans L’OURS n°465, février 2017, page 8.
En premier lieu, la reconstitution de son parcours syndical permet à Guy Putfin de décrire une évolution complexe et mal connue. Son rôle de militant au sein du Syndicat des Archives est d’abord évoqué avant que ne soit abordé le collectif FEN des syndicats du ministère des Affaires culturelles. Le tout se situe entre 1968 et décembre 1982. La création du syndicat national des Affaires culturelles (SNAC-FEN), issu de la fusion de plusieurs syndicats du collectif, et son influence grandissante au sein de la FEN entre décembre 1982 et août 1988, sont ensuite longuement commentées. Guy Putfin, qui en devient le secrétaire général, apporte là un témoignage de choix. Enfin, sa fonction de conseiller fédéral chargé de la culture au sein de la FEN, entre août 1988 et juin 1994, est passée au crible. Cette activité se révèle d’autant plus importante qu’elle correspond à un secteur nouvellement créé au sein de la fédération. L’ouvrage s’organise ainsi en trois parties claires, autour de ces scansions.
L’activité syndicale
Deuxième intérêt, le livre décrit par le menu les multiples facettes de l’activité syndicale, organisée autour de trois grandes orientations : « problématiques », « méthodes de travail », « résultats ». Le choix a été fait d’entrer dans le détail des réunions, des correspondances, des articles, des prises de position, des interventions de colloques, des notes fournies à l’occasion des congrès ou de leurs résolutions intégrant ou non la dimension culturelle. Guy Putfin a tout conservé, tout retranscrit et beaucoup restitué. Rien n’échappe à sa volonté de transmettre : du compte rendu des rencontres auprès des secrétaires d’État et ministres successifs (Michel Guy, Françoise Giroud, Michel d’Ornano, Jean-Philippe Lecat, Jack Lang ou François Léotard) à la description des réunions de la section socialiste du ministre de la Culture tenues, à son grand dam, par la CFDT. Que retenir ? Aux Archives, le souci de Guy Putfin pour les statuts, le fonctionnement et l’organisation des services s’exprime dans le Livre blanc sur les Archives. Au ministère des Affaires culturelles, son action comme délégué permanent de la FEN, aux côtés de la CGT, de la CFDT et de FO, renvoie à la plate-forme revendicative de la Fédération : priorité à la garantie de l’emploi, aux problèmes statutaires, à la formation continue, aux conditions de travail, à la mise en œuvre d’une « politique culturelle » ambitieuse. Très précisément, Guy Putfin combat pour la reconnaissance des enseignements artistiques. Il lutte contre la place grandissante prise par les associations intermédiaires. Il livre des analyses fines du budget du ministère de la Culture. Il rédige de nombreuses contributions dans les pages des bulletins, Syndicalisme et Culture ou Inter Culture. Il joue un rôle décisif au Centre fédéral dédié à l’histoire, aux archives et à la documentation.
Troisième intérêt, et non des moindres, l’ouvrage donne à voir les avanies du traitement de la culture par la FEN. En effet, si Guy Putfin juge positif le « bilan culturel » de la Fédération, il ne cache pas qu’il aurait pu l’être bien davantage.
Difficultés
L’auteur ne fait pas mystère – et c’est tout à son honneur – des difficultés rencontrées. Une certaine amertume affleure même pour l’homme qui finit par rejoindre le secteur Revendications de la FEN et participer à la création de l’UNSA-fonctionnaires. Relatant sa marginalisation dans son propre syndicat, le SNAC, comme au sein de la FEN depuis l’éviction de Yannick Simbron, il regrette que le secteur ait été, in fine, si peu reconnu.
Il faut rendre grâce au genre choisi : un rapport d’activités personnelles, retranscrites quasiment au jour le jour. En ce sens, l’ouvrage contribue de manière précieuse à une histoire des pratiques syndicales quotidiennes. Combien d’initiatives avortées, de documents non publiés, de rapports classés sans suite ! Mais aussi combien d’activités, de déplacements et de réunions ! Ce choix se fait au détriment – mais peut-on en faire le reproche ? – d’analyses sur les liens complexes entre les syndicats et la Fédération, sur les enjeux de la scission syndicale à l’origine de la création de la FSU ou sur les difficultés de définition de la « Culture », conçue ici comme une somme d’activités et d’opérations successives.
Pascale Goetschel