Guerrières du Néolithique, révolutionnaires prêtes à prendre les armes en 1789, résistantes au nazisme durant la Seconde Guerre mondiale, combattantes dans les mouvements de libération nationale, terroristes ou encore soldates dans les armées régulières : voici la diversité des profils de femmes que brosse cet ouvrage. (a/s de Camille Boutron, Combattantes. Quand les femmes font la guerre, Éditions Les Pérégrines, 2024, 296p, 20€)
À partir de trois enquêtes de terrain menées auprès de femmes ayant pris les armes en Amérique du Sud (Colombie et Pérou) et rejoint les mouvements nationalistes révolutionnaires (FARC et Sentier lumineux), et des militaires de l’armée française, Camille Boutron livre une analyse sociologique de l’expérience combattante. Afin de saisir l’ensemble des modalités d’entrée en militance, l’auteure choisi d’évoquer « l’expérience combattante » pour faire tenir ensemble le combat et les tâches annexes nécessaires à sa préparation ainsi qu’à sa réussite.
À partir de trois enquêtes de terrain menées auprès de femmes ayant pris les armes en Amérique du Sud (Colombie et Pérou) et rejoint les mouvements nationalistes révolutionnaires (FARC et Sentier lumineux), et des militaires de l’armée française, Camille Boutron livre une analyse sociologique de l’expérience combattante. Afin de saisir l’ensemble des modalités d’entrée en militance, l’auteure choisi d’évoquer « l’expérience combattante » pour faire tenir ensemble le combat et les tâches annexes nécessaires à sa préparation ainsi qu’à sa réussite.
Femmes et violences ?
Avec des temporalités, des géographies et des situations de lutte éloignées, la sociologue interroge l’expérience combattante des femmes pour en faire une grille de lecture des différentes situations de guerre et de conflit et cherche à montrer « comment la guerre et le patriarcat s’alimentent l’un et l’autre afin de perpétuer un système mondial » et propose « une lecture critique de la guerre et du militarisme en tant que dispositifs de domination entre les peuples et les nations ».
Les questions sont multiples : est-ce qu’une femme se bat comme un homme ? Est-ce que l’entrée des femmes dans les armées régulières ou irrégulières influence les stratégies comme les manières d’exercer la guerre ? Les femmes peuvent-elles faire usage de la violence ?
L’expérience combattante des femmes souffre d’invisibilisation puisqu’elle transgresse les normes de genre et vient bouleverser l’ordre patriarcal établi. La violence bien qu’elle soit inhérente au combat « est taboue, anormale, dérangeante » dès lors qu’elle est exercée par des femmes. Lorsqu’elles ne sont pas invisibilisées, ces femmes en armes sont portées soit en héroïnes à l’image des résistantes, soit perçues en tant que victimes dès lors qu’il s’agit de terroristes. L’instrumentalisation des femmes combattantes empêche tout questionnement quant à leurs motivations et la nature politique de leur engagement.
Révolutions, guerres et patriarcat
Aussi, l’auteure interroge les liens et les possibles imbrications entre les idéaux révolutionnaires et le féminisme. Les mouvements indépendantistes et de libération nationale défendent l’émancipation féminine, en partant du postulat que la lutte des classes suffit à atteindre l’égalité des genres. Sauf qu’à l’heure des démobilisations des combattantes, en particulier chez les FARCS, l’auteure observe un retour à l’ordre patriarcal traditionnel. Les anciennes combattantes sont invitées à se conformer au rôle traditionnel, de mère et d’épouse, dans la société civile. Dans l’armée française, l’instauration de programme de mixité tend à répondre à ces enjeux d’émancipation et d’égalité des sexes. La permanence des comportements misogynes en limite la portée que le mouvement Me Too a récemment mis en lumière.
Grâce à cet ouvrage, Camille Boutron vient combler un vide historiographique sur la situation des femmes en guerre. En adoptant une lecture féministe, elle réussit à déconstruire les images d’Épinal entourant les combattantes. À cette démonstration, l’auteure y apporte aussi des notes personnelles et militantes à travers un point de vue réflexif sur son travail en tant que sociologue. Nous pouvons suivre son cheminement intellectuel et la construction de son engagement féministe.
La lecture de cet ouvrage tombe à point nommé alors que le fait guerrier occupe l’espace public avec le retour de la guerre aux portes de l’Europe en Ukraine et à Gaza. Camille Boutron nous invite à repenser la guerre comme un système alimenté par le capitalisme, qui s’appuie sur le modèle patriarcal et le consolide. Cet essai encourage le combat pour une société pacifiée.
Amandine Tabutaud
L’ours n°536 juillet-août 2024.