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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Moreau/Canto-Sperber
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LES BASES D’UN SOCIALISME LIBERAL par Jacques Moreau a/s de Monique Canto-Sperber, Les règles de la liberté Plon 2003 312 p 19 Euros
L’opposition radicale entre socialisme et libéralisme est, depuis longtemps, admise dans notre pays quasiment comme un dogme tant par les socialistes que par les libéraux. D’où, du reste, les attaques menées contre les réformistes, censés être des adeptes d’un " social-libéralisme " méprisable. D’où, parallèlement, les attaques des ultralibéraux contre certains aspects, jugés trop " sociaux " et donc dangereux, des politiques des ministres de droite. C’est à ce dogme que s’attaque Monique Canto-Sperber dans un livre riche d’idées et d’aperçus originaux, voire inattendus, significativement intitulé Les Règles de la liberté.
Monique Canto-Sperber estime que " libéralisme et socialisme peuvent être conciliés ", car " les idées libérales, encore si actives et si fécondes aujourd’hui, doivent être portées par un projet d’émancipation que dans la modernité seul le socialisme a incarné ". D’où un double mouvement : " approfondir les idées libérales en les rattachant aux idées sociales "; " […] ramener le socialisme à sa voie libérale ", bref s’orienter vers " un socialisme libéral ". Pour l’auteure, en effet, le socialisme est " une philosophie de l’homme et du monde social qui a accompagné le développement des sociétés modernes, et ne saurait être simplement réduit au socialisme politique d’aujourd’hui ". De même, le libéralisme ne s’identifie pas à sa version étroite, héritée de Frédéric Bastiat et défendue depuis deux siècles par nos journaux financiers. Il " ne peut être amalgamé à l’ultralibéralisme des Reagan et Thatcher ". Le libéralisme a d’autres versions (Léon Walras, Stuart Mill) bien plus ouvertes. Ainsi définies, " les idées libérales incarnent une culture de la résistance : résistance à un marché sans règles, à une économie mondialisée sans ordre ni normes, à une société civile sans principe de légitimité ou de critique et à une culture uniformisée ". Le libéralisme justifie la régulation des marchés ; en outre, certains biens, comme la santé et l’éducation ne doivent pas entrer sur le marché. S’agissant du problème de la propriété, sa position s’inspire des mêmes principes : la propriété est une condition de la liberté, mais la collectivité doit donner à tous les citoyens des facultés d’agir équivalentes à celles qu’elle procure. Ce qui est clair pour Monique Canto- Sperber, dont les références sont parfois un peu trop foisonnantes, c’est que le libéralisme ne conduit nullement à l’acceptation frileuse de l’ordre existant.
Une histoire des idées Comme on le voit, l’originalité de son livre, par rapport aux écrits socialistes habituels, est de partir d’une relecture de l’histoire des idées et non d’une relecture de l’évolution de la société. Distinguant le libéralisme de l’individualisme, elle montre ainsi comment, s’étant progressivement socialisé, le libéralisme rencontre " ce qui reste du socialisme ". Ce qui est mort, selon elle, dans le socialisme, c’est une conception qui confie au pouvoir d’État " l’organisation du social afin de fournir l’assistance, d’organiser la redistribution et de structurer la vie commune, la libération de la personne étant en quelque sorte un effet résultant de cette organisation ". Ce qui est vivant, c’est " la conception qui s’en remet davantage aux initiatives des individus, des groupes, des entités locales pour créer des coopérations " et qui suppose " un marché libre où puissent s’échanger les biens, les idées et les risques ". D’où un refus de l’utopie, une philosophie libérale de la réforme, une méfiance à l’égard de l’État et une préférence pour les associations, etc. Le socialisme libéral ainsi défini lui semble, du reste, appartenir à une tradition ancienne. À l’issue d’une relecture rapide – parfois trop rapide – de l’histoire du socialisme, elle décèle sa présence en Grande-Bretagne et en Allemagne, mais aussi en France : dès le XIXe siècle chez Renouvier, voire Léon Bourgeois, mais aussi chez Jean Jaurès, Henri de Man, Léon Blum et André Philip et dans la " deuxième gauche ".
Les idées et les hommes Cette relecture, stimulante à maints égards, appelle sans doute bien des observations, notamment en ce qui concerne l’usage historique de l’étiquette " libéral ". Des auteurs comme Renouvier, voire Léon Bourgeois, qu’elle cite avec bonheur, étaient sans nul doute des libéraux dans le sens où elle emploie ce terme, mais pas du tout comme on l’entendait en France à une époque où, comme le notait Charles Gide, toute institution sociale semblait aux libéraux patentés un " mal social ". Ces auteurs trop oubliés étaient les héritiers du socialisme de 1848 ; ils se rattachaient au courant des " démocrates-socialistes " qui en 1849 avaient décidé d’ancrer la République dans des réformes socialistes. C’est pourquoi le " pacte républicain " tire sa source beaucoup plus des aspirations socialistes de la Seconde République que du souvenir de 93… De même, peut-on, après Marx, attribuer automatiquement l’étiquette libérale à tous les socialistes qui ont, à un moment ou un autre, contesté son système ? Par exemple, ce sont les planistes qui ont forgé le programme des socialistes français (plan, nationalisations, redistribution, etc.) que conteste l’auteur, et ceci contre les guesdistes qui refusaient ce type de réformes de structure en attendant la Révolution. Ces planistes n’étaient donc pas si libéraux que cela et on pourrait en dire autant d’autres auteurs qu’elle range dans le " socialisme libéral ". C’étaient des réformistes, dont le programme a vieilli avec l’évolution de la société et de l’économie, ce qui n’a rien d’anormal. Mais il est vrai que c’est le " planiste " devenu " dirigiste , André Philip, qui, au sein de la SFIO, a préconisé l’un des premiers la construction de l’Europe sous la forme d’un " marché commun " (et du reste c’est le gouvernement du guesdiste Guy Mollet qui a signé le traité de Rome). Au-delà de ces remarques de détail, on voit que cette réinsertion du libéralisme dans la pensée socialiste a pour objectif, non de freiner l’ardeur réformatrice des socialistes, mais de l’ancrer dans la réalité. C’est pourquoi elle se livre à une critique décapante du radicalisme verbal à la mode : pour elle l’antilibéralisme conduit à l’intolérance, " mondialisation libérale " est une expression vide de sens, etc. C’est pourquoi aussi, dans une partie finale sur le " Libéralisme à l’ouvrage ", elle définit les grands traits d’une orientation réformiste. Le socialisme libéral n’apparaît pas comme un compromis pragmatique entre les principes et la réalité, c’est une orientation logique et cohérente. Ce livre, en définitive, s’adresse tout autant aux actuels prétendus libéraux qu’aux socialistes, car si nombre de ces derniers peuvent se reconnaître dans le libéralisme de Monique Canto-Sperber, on ne saurait en dire autant des premiers. Si nous nous rangions à ses thèses, nous pourrions même les accuser de trahir la pensée libérale dont nous serions les authentiques défenseurs. Il ne faudrait donc pas que le caractère apparemment paradoxal de cet ouvrage nous empêche de percevoir ce qu’il peut apporter de fécond et de novateur dans nos débats, en nous aidant à sortir du champ des polémiques habituelles. Jacques Moreau
Monique Canto-Sperber avec Nadia Urbinatti Le Socialisme libéral Une anthologie : Europe-Etats-Unis Éditions Esprit 2003 311 p 28 e
Sortie au même moment, cette anthologie, dirigée par Monique Canto-Sperber (avec Nadia Urbinatti, Steven Lukes, Otto Kallscheuer, Mitchell Cohen) invite à la relecture des intellectuels socialistes français, italiens, britanniques, allemands et américains, au prisme du socialisme libéral. Le retour aux sources – de la critique du libéralisme et de la critique interne d’un " au-delà du socialisme " –, est sans doute nécessaire, dans une approche du socialisme qui s’intéresse plus aux idées qu’aux hommes et à l’anecdote. Ces lectures parallèles sont riches d’enseignements sur le poids des cultures et des histoires nationales dans l’exposé de la définition d’une alternative " socialiste " au capitalisme. Doit-on s’inquiéter que les auteur français proposés ici – contrairement aux autres pays – soient tous morts ? C’est plutôt une invitation à pousser plus loin la réflexion. F. C. |
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