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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Levi-Sandri Europe 1967
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Allocution de Lionello Levi-Sandri Membre du comité directeur du Parti socialiste unifié d’Italie vice-président de la commission de la Communauté économique européenne
À dix ans de distance de la signature des Traités de Rome qui ont institué la Communauté économique européenne et l’Euratom, un bilan positif, imposant par les réalisations obtenues et les objectifs atteints, peut être présenté. Ces réalisations sont importantes dans tous les secteurs, même, pouvons-nous dire, dans ceux où l’on déplore des retards, des hésitations, des incertitudes. D’autre part, le programme de travail qui nous attend dans le proche avenir et sur lequel les six pays sont déjà plus ou moins d’accord, est très dense et il n’y a certes pas à craindre que les institutions communautaires doivent rester inactives ou sous-employées. Je crois que, voilà dix ans, seuls des hommes particulièrement optimistes auraient pu prévoir une telle somme de réalisations. Nous pouvons donc nous réjouir, ce soir, en cette manifestation commémorative organisée par le Bureau de liaison des partis socialistes des Pays de la Communauté européenne. Mais si nous voulons, comme nous le devons, être sincères avec nous-mêmes et avec les autres, nous devons aussi dire clairement que, malgré toutes les réalisations, nous socialistes. nous ne sommes pas, nous ne pouvons pas être satisfaits. Il ne faut pas oublier en effet que le Marché commun n’a pas été conçu comme une fin en soi. L’intégration économique, réalisée au moyen de l’union douanière et par la mise en œuvre des politiques communes, doit être seulement la base, le fondement d’une union toujours plus étroite des peuples européens, c’est-à-dire de l’union politique. Or, dans cette direction, un quelconque progrès a fait défaut. Aucun pas en avant n’a été fait, je voudrais même dire que l’on a fait des pas dangereux en arrière. Et ceci constitue non seulement une espérance déçue, mais aussi un danger pour la construction économique que nous avons entreprise. Car une union économique ne peut se réaliser complètement si une autorité politique commune n’est pas en mesure de fixer une ligne politique commune également dans des secteurs non économiques. Si cette autorité politique commune n’existe pas, la construction purement économique reste fragile, elle reste exposée à des risques, sujette à des crises, comme celle qui surgit il y a deux ans à l’occasion des discussions sur le règlement financier de la politique agricole et qui ébranla dangereusement toute la construction communautaire. Cette crise d’ailleurs a été surmontée mais non complètement résolue, elle est encore plus ou moins latente, et pourrait d’un moment à l’autre se reproduire. En célébrant le 10e anniversaire de la signature des Traités de Rome, nous ne pouvons pas nous dissimuler ces vérités. Et en prenant acte avec satisfaction des résultats obtenus, nous devons cependant souligner les lacunes qui existent dans la construction entreprise, les risques de déviation et de régression au devant desquels nous pouvons aller. Également parce que le proche avenir posera à la Communauté européenne de graves et importants problèmes. La fusion des exécutifs des trois Communautés – de la CECA de la CEE et de l’Euratom – qui aurait dû se faire depuis plus d’un an (et ce retard n’est que la confirmation de la persistance de certaines causes qui avaient provoqué la crise de 1965) la fusion des exécutifs, disais-je, pourra peut-être être réalisée prochainement et constituera le point de départ pour la fusion des trois Communautés et des Traités qui les régissent. Il faudra donc être vigilants pour que, dans le nouveau traité qui sera signé, ne soient pas sacrifiés les germes de supranationalité, de construction fédérale européenne qui sont contenus dans les Traités de Paris et de Rome. Et soyez cependant sûrs que des tentatives en ce sens c’est-à-dire dans le sens du sacrifice, seront faites. Il faudra faire en sorte qu’elles soient repoussées et que le nouveau Traité fournisse un cadre approprié et une base solide pour les développements de la construction européenne dans un sens plus proprement politique. Par ailleurs, le pas que la Grande-Bretagne semble décidée à accomplir constituera un autre événement qui influera sur les destinées de la Communauté. L’adhésion de l’Angleterre entraînera, en effet, nécessairement, celle d’autres pays de la zone de libre échange. Ainsi la Communauté sera constituée, non pas de six, mais de dix, douze pays, et peut-être davantage. Et cela posera un certain nombre de problèmes graves, tant d’organisation que de fonctionnement. Si, d’autre part, pour une raison quelconque, l’adhésion de l’Angleterre à la Communauté ne devait pas avoir lieu à brève échéance, on consacrerait une cassure qui pourrait avoir des conséquences extrêmement graves pour notre continent. Dans une telle situation, dense de possibilités de développement mais aussi de dangers pour l’avenir de nos peuples, une forte présence socialiste s’impose. Nous ne pouvons pas être seulement spectateurs et critiques de l’évolution ou de la régression de la Communauté. Au moment où l’activité de certains gouvernements sur le plan européen est devenue incertaine et hésitante, au moment où certains gouvernements semblent presque se reposer sur les résultats obtenus dans le domaine douanier et dans certains secteurs économiques, et ne demandent rien d’autre en dehors de ces domaines, il faut que les grandes forces politiques, les organisations de masse, surtout les partis et les syndicats, fassent sentir leur présence et donnent les impulsions qui pourront dégager la construction européenne de l’ornière dans laquelle elle semble s’enliser. Et parmi les partis une place de tout premier plan doit revenir aux partis socialistes. Je ne crois pas que des explications ou des justifications soient nécessaires à ce propos. Nous devons être présents si nous voulons que l’Europe de demain soit conforme à nos principes et à notre doctrine. Il faut donc un engagement européen accru des partis socialistes, dans les Parlements nationaux, au Parlement européen et dans toutes les enceintes, dans toutes les instances où notre voix peut se faire entendre. Mais, pour cela, de nouvelles structures seront également nécessaires. Dans une Europe unie économiquement et politiquement, un parti socialiste unique, communautaire, européen - articulé selon ses sections nationales - sera une nécessité absolue. Aujourd’hui, dans cette Europe en construction, pour donner plus d’efficacité à l’action socialiste à l’égard précisément de cette construction, nous devons penser à une coordination plus poussée et plus étroite de nos partis. Nous devons, nous qui demandons une organisation fédérale des États européens, commencer à aller vers une fédération européenne des partis socialistes. Nous devons donner l’exemple sur la façon dont l’intégration politique peut s’amorcer et se poursuivre. Les socialistes devront être à l’avant-garde. Les autres suivront. Et alors les gouvernements suivront aussi. Réaffirmons donc en cette commémoration notre volonté d’une présence socialiste plus résolue dans la construction européenne, d’un engagement accru en vue de réaliser une Europe unie politiquement et économiquement, une Europe libre, forte, indépendante, capable de jouer dans la politique mondiale son propre rôle de stabilité, d’équilibre, de paix. Et faisons en sorte que cet engagement se traduise dans la réalité de notre action politique quotidienne. C’est seulement ainsi que nous aurons dignement célébré le 10e anniversaire de la signature des Traités de Rome. |
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