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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Le Bot / X Nerrière / Images du travail/L'OURS 444
À la Une : Des clichés pour l’histoire

par FLORENT LE BOT

à propos du livre de Xavier Nerrière, Images du travail. Les collections du Centre d’histoire du travail de Nantes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 172 p, 24 €

article paru dans L’OURS n°444 (janvier 2015), page 1

Xavier Nerrière nous offre un beau livre présentant à la fois les collections du Centre d’histoire du travail de Nantes (CHT), espace dédié à l’archive ouvrière et paysanne (environ 50 000 photos en dépôt à l’heure actuelle), et des éléments de réflexion afin de les mobiliser dans le cadre d’une recherche historique sur le travail dans notre société.

Environ 170 clichés illustrent et soutiennent le propos organisé en huit chapitres. Les photographies conservées par le CHT s’inscrivent dans la tradition de la photographie sociale et permettent d’illustrer l’histoire de ce courant s’attachant notamment à dénoncer la misère humaine, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1990.

Auto-représentation
La photographie la plus ancienne conservée au CHT date des années 1880. On peut y voir le personnel d’un atelier de charronnage posant pour l’objectif. L’histoire des collections du CHT nous renseigne sur l’origine et la nature de ces documents. Celles-ci se composent notamment de fonds syndicaux (fonds photos des Unions départementales CGT, CFDT, etc.), de fonds déposés par des photographes professionnels (notamment le très important fonds de la photographe de presse Hélène Cayeux ou encore celui de La Tribune de Loire-Atlantique) et de fonds familiaux. L’ouvrage souligne qu’en matière de conflits sociaux les manifestants apparaissent peu ou prou comme les co-auteurs des images. Le dispositif des photos posées pour immortaliser la grève renvoie notamment à la solennité du moment pour les grévistes. L’auto-représentation des travailleurs est une dimension particulièrement explorée par Xavier Nerrière. Les photographies réalisées par les salariés sur leur lieu de travail, et à leur initiative, sont un apport sociologique irremplaçable. Elles permettent accessoirement d’observer la nature des rapports hiérarchiques dans l’entreprise.

Un chapitre explore le thème du « paysan, du monde rural et de la photographie ». À travers la description des fonds FDSEA-Confédération paysanne et Mouvement rural de Jeunesse chrétienne (MRJC), nous comprenons que le monde paysan s’est aussi bien emparé de la photographie que le monde ouvrier. L’image d’une faucheuse-lieuse à Lublé en Indre-et-Loire à la fin des années 1930 fait partie d’une série de photographies réalisées par le photographe attitré (et reconnu) d’une partie au moins de ce village. Celles-ci pourraient faire de lui ce que Marin Dacos appelle un « photographe commun » (« Le regard oblique », Études photographiques, n° 11, mai 2002), terme choisi en référence à ces terres collectives à la disposition de tous les habitants d’un village.

Usages
La remarque est d’autant plus intéressante à l’heure où les sciences sociales se préoccupent de plus en plus de la question du commun comme alternative à la privatisation ou à la nationalisation des biens (cf. notamment Pierre Dardot et Christian Laval, Commun. Essais sur la révolution au XXIe siècle, La Découverte, 2014). S’agissant d’un centre d’archives nantais, l’industrie navale offre un cas d’étude privilégié. Comment ont été réalisées les images des chantiers navals et par qui ? Quel rapport les militants ouvriers entretenaient-ils avec ce médium, quel usage en ont-ils fait ? Au fil de l’ouvrage, des textes encadrés mettent l’accent sur telle ou telle problématique liée à l’usage de la photo comme document : la photographie, un objet juridique complexe ; les procédés photographiques (argen­tiques puis numé­riques) ; la photographie comme « littérature mineure » ; les limites de l’auto-repré­sentation, etc.

Ce recueil de photographies est bien plus qu’un « beau livre ». C’est un manifeste à l’usage des chercheurs et des amateurs autour de la photo­graphie populaire. Une démarche à faire fructifier.

Florent Le Bot
 

 
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