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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Jaurès Orateur
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| JAURÈS OU LA VOIX DE L'INVINCIBLE ESPÉRANCE
par Gilles Candar
À propos de ALAIN BOSCUS Jean Jaurès orateur préface de Denis Lefebvre Éditions d’Art vivant 2002 67 p 25 e
et de
Jean Jaurès texte de JEAN-NOËL JEANNENEY Nathan 2001 144 p 80 photos 10,52 e
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| Jean Jaurès reste pour les socialistes le plus étincellant des orateurs. Si les nombreux témoignages étudiés avec talent par Alain Boscus ont vanté l’excellence de son art oratoire, aucun enregistrement de sa voix n’a été effectué. Une chance laissée à notre imagination qui peut habiller du timbre qu’elle choisira ses images, caricatures, photos - célèbres ou oubliées - qui nous montrent Jaurès en action devant les foules assemblées du Pré-Saint-Gervais et d’ailleurs, ou face à ses collègues de la Chambre des députés.
L’éloquence se meurt. L’éloquence est morte, entend-on parfois. Est-ce si sûr ? Les conditions du débat politique et social évoluent, les conduites de séduction, les formes prises pour emporter la conviction et mobiliser les votes ou la sympathie aussi. Les assemblées parlementaires ne sont plus des lieux de pouvoir et un discours réussi ne risque plus d’y entraîner un changement dans les prises de position des uns ou des autres. Mais il existe toujours un art oratoire, adapté à l’âge de la radio, de la télévision, de l’Internet et de ses chats… Tout est plus complexe, car la réunion de masse existe encore, mais il faut à la fois savoir la conduire… et songer à l’impact qu’auront les quelques images données dans les journaux télévisés. Faut-il pour autant laisser aux amateurs d’antiquités les orateurs de la Troisième République ? Outre le fond de leurs discours, le grain des choses, la paille des mots a- t-elle perdu toute signification pour nous ? Pour le savoir, il faut d’abord s’entendre sur ce qui constituait cette éloquence, sur ses fondements, son agencement, ses évolutions.
JAURES, LA PAROLE ET LE GESTE Alain Boscus, l’actif et efficace directeur du Centre musée Jean Jaurès de Castres s’est posé ces questions. Dans un livre magnifiquement illustré, grâce aux très riches fonds de son musée, il recense les témoignages d’époque sur l’art oratoire de Jaurès, qu’ils soient émis par des amis ou par des adversaires (rarement des indifférents ! Mais il existe des nuances et des degrés dans l’éloge comme dans le blâme !). Son livre s’appuie sur le travail accumulé par la Société d’études jaurésiennes, dont il est un animateur éminent, et plus particulièrement sur l’œuvre de Michel Launay, qui a profité de la parution du volume des Œuvres de Jaurès qu’il dirigeait sur la Critique littéraire et critique d’art (Fayard, 2000) pour publier une étude de jeunesse consacrée à Jaurès orateur (Éditions Jean-Paul Rocher, 2000). Néanmoins, si Michel Launay fondait son analyse sur une étude serrée des textes, de la formation et des procédés de rhétorique du député de Carmaux, Alain Boscus, homme de l’image et des documents, accorde une très grande place à l’iconographie. Son point de départ est le célèbre tableau d’Eloy Vincent, Croquis pour servir à l’histoire de l’éloquence (1910). On regrette un peu d’ailleurs qu’en dehors de la couverture aucune reproduction d’ensemble ne permette d’étudier cette œuvre avec les citations appropriées, qui s’intègrent au tableau : les paroles de Jaurès ne peuvent se séparer de son image. Heureusement, plusieurs reproductions de détail en sont données et caricatures, photos, dessins de presse abondent. Alain Boscus dresse le bilan des moyens physiques et des références culturelles, des procédés de rhétorique utilisés par Jaurès, en recourant aux témoignages des contemporains. Il conclut que la force oratoire de Jaurès n’était pas affaire de technique, mais qu’elle reposait en somme sur l’unité intime de l’homme, de la pensée et de l’action au service de " l’invincible espérance ". C’est sans doute désigner délicatement ce qui peut poser problème dans l’éloquence socialiste du début du siècle. La confiance dans l’avenir ne peut plus s’exprimer avec la même force. L’enthousiasme cède la place à l’invention du possible. L’éloquence du possible peut-elle être celle de l’enthousiasme ? Un peu de possibilisme nous éloigne de Jaurès, beaucoup de possibilisme nous y ramène ? L’espérance de Jaurès sait assez vite, le plus souvent en tout cas, se détacher des pièges du messianisme. Il est aussi l’homme du détail, de la réforme, des avantages provisoires et de la complexité politique : dans l’affaire Dreyfus, sur la question des retraites, et sur bien d’autres sujets, il ne cède pas à la facilité de la protestation déclamatoire, mais il se met à la recherche de solutions qui puissent faire avancer la société. Le pastiche de Reboux et Müller n’est pas à prendre au pied de la lettre. Jaurès appartenait à un temps où il fallait décrire un autre horizon que celui de la société bourgeoise et capitaliste. Mais il savait s’adapter : de même que journaliste il apprit à écrire de courts billets de polémique, à manier la forme brève, à être incisif, de même son éloquence ne se réduisait pas au seul cadre de l’enceinte parlementaire ou des grands meetings populaires. Il était aussi orateur de petites réunions, homme de conversations et de salons, mais cette activité a laissé moins de traces dans la conscience publique. Au final, ce beau livre permet de réduire quelques légendes et de combattre les approximations faciles. Sans nier les changements historiques, on devine mieux les conditions politiques et sociales dans lesquelles se déployait l’éloquence jaurésienne. De l’antiquité charmante, on passe au combat politique, avec ses complexités et ses choix difficiles. Le tableau n’est certainement pas achevé, mais le croquis commence à prendre jolie figure. Signalons aussi un bel album de photographies, largement issues elles aussi du fonds du musée de Castres. La qualité des tirages est conforme à la réputation de la collection Photo poche de Nathan, qui a su renouveler le stock des reproductions usuelles. Peut-être la présentation historique comme les légendes des documents auraient pu être plus approfondies et revues avec une rigueur plus soutenue. Mais on retrouve avec plaisir l’élégance d’expression et le bonheur d’écriture de Jean-Noël Jeanneney, qui aurait su réconcilier Jaurès et Clemenceau, et qui s’apprête à donner un nouvel élan à la Bibliothèque nationale de France. Gilles Candar
Pour commander cet ouvrage, adressez un chèque de 25 € (par exemplaire) à l’ordre de J.-H. Delbos, Éditions d’Art vivant, 31 av F. Verdier 81000 Albi.
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