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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Bergounioux Pigasse Finchelstien 386
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LA CRISE EXPLIQUEE A GAUCHE, par Alain Bergounioux Au sujet du livre de Mathieu Pigasse et Gilles Finchelstein, Le monde d’après. Une crise sans précédent, Plon, Tribune libre, 2009, 232 p,19,90 €
Article paru dans L’OURS, n°386, mars 2009, p. 4
Mathieu Pigasse et Gilles Finchelstein, anciens collaborateurs de Dominique Strauss-Kahn, expliquent bien dans ce livre les mécanismes de la crise financière et économique actuelle, et en termes aisément compréhensibles (ce qui ne gâte rien).
La crise actuelle du capitalisme financier suscite la publication de nombreux essais. Une sorte de vulgate s’est déjà installée – parfois sous la plume d’économistes qui n’avaient rien prévu, mais qui se prononcent avec le même ton de certitude qu’hier… À quelques variantes près, le déroulement est balisé : la crise financière est le résultat d’une maladie spéculative du crédit, avec des produits de plus en plus sophistiqués et mensongers, elle trouve ses origines conjoncturelles dans l’éclatement de la bulle immobilière américaine, avec les « subprimes » la faillite de grands établissements bancaires et financiers a suivi, l’effondrement de Lehman Brothers constituant le point tournant ; l’intervention massive des États a suivi et constitue un fait majeur ; mais elle n’empêche pas la crise financière de se muer en crise économique et sociale, avec les fermetures d’entreprises, l’extension du chômage partiel, et les licenciements, la pauvreté ; les prolongements politiques se manifestent déjà dans plusieurs pays, la Grèce, l’Islande, les Pays baltes, etc. Si les interrogations demeurent sur la date de la sortie de crise, peu doutent que l’économie reparte, épurée, et peut-être même renforcée. Et les remèdes se ressemblent largement, l’assainissement du système bancaire, avec de nouvelles règles, des progrès dans la gouvernance européenne et mondiale, etc.
Le livre de Mathieu Pigasse et de Gilles Finchelstein recoupe ce « récit » qui présente évidemment des éléments de vérité. Mais il permet d’aller plus loin. D’abord parce que dans le diagnostic de la crise, il ne déconnecte pas les différents domaines, la finance de l’économie dite réelle. C’est un système qui est en cause, avec des exigences de rémunération du capital trop élevées, des salaires trop faibles pour la grande majorité, un privilège donné exclusivement au présent. Si la responsabilité des banques est en cause, avec la perte de la notion de risque, celle des États n’est pas moins patente, qui ont accepté et souvent favorisé un « gigantesque dérèglement ». L’échec du modèle anglo-saxon est donc déclaré. Intéressantes également sont les pages où les deux auteurs analysent le moment où, en novembre et décembre 2008, l’économie mondiale est passée « au bord du gouffre ». Les réactions – notamment américaines – qui, dans l’instant, ont été appréciées pour leur rapidité, paraissent, avec le recul, trop faibles. Surtout la coordination – malgré les efforts européens – n’a pas été à la hauteur.
Un monde nouveau La crise actuelle est donc « globale », « systémique » et difficilement maîtrisable. C’est là que se marque plus l’originalité du propos. Car, l’analyse s’élargit – et ne demeure pas trop technique. Ce sont les traits du monde nouveau qui surgit de la crise qui constituent le cœur du livre. Les auteurs examinent la situation des grands pays et zones économiques, les États-Unis évidemment, les pays du G7, les grands pays émergents. Ce tour d’horizon les amène à pointer deux problèmes majeurs pour demain – et singulièrement pour les pays européens – le danger d’une perte de contrôle des entreprises nationales et européennes, avec le rôle des fonds souverains et les risques de faillite d’États – l’excès d’endettement privé se traduisant par un surcroît d’endettement public.
Ces constats dictent largement les préconisations qui terminent ces analyses. Sept verbes permettent de tracer un programme d’action : restructurer, en allégement la dette des ménages ; relancer pour lutter contre la « stag-déflation », avec la baisse des taux d’intérêts, et de grands programmes d’investissement ; intégrer, en allant plus loin dans l’intégration européenne, et en tentant de construire une union franco-allemande (ce vers quoi l’on n’a pas vraiment pris le chemin…) : partager, en revenant sur un trop inégal partage des revenus : protéger, non par un retour au protectionnisme, qui ne résout pas les problèmes, mais peut en créer de graves, mais par des dépenses coordonnées, qui posent clairement en revanche la question de la nationalité des entreprises ; réglementer, et là les auteurs retrouvent les idées déjà largement exposées sur le système financier ; enfin, réguler les déséquilibres mondiaux, en donnant un rôle majeur et renouvelé au FMI.
Avec cet ouvrage, Mathieu Pigasse et de Gilles Finchelstein ont également l’ambition d’apporter des réflexions et des propositions pour redonner un contenu à une social-démocratie d’aujourd’hui et esquisser ce que pourrait être une sortie de crise rompant avec le dernier quart de siècle dominé par le modèle libéral. Alain Bergounioux |
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