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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Giles Candar / Pompidou / L'OURS 423

GEORGES POMPIDOU ET NOUS

Par GILLES CANDAR

A propos de Georges Pompidou, Lettres, notes et portraits, 1928-1974, édités par Alain Pompidou et Éric Roussel, Robert Laffont 2012 550 p 24 €

Biographe de l’ancien président, Éric Roussel, et Alain Pompidou, son fils, publient un livre important constitué de lettres et notes de Georges Pompidou. Son intérêt historique, politique et humain est de premier ordre.

Les lettres de jeunesse envoyées à Robert Pujol, un ami intime, font vivre un jeune homme joyeux, séduisant, talentueux et ambitieux.

Un jeune socialiste modéré
Le jeune Pompidou veut séduire les filles, jolies et élégantes de préférence, et très vite gagner de l’argent. Pas en « bourgeois » – il aime Musset et Baudelaire – mais pour vivre au mieux une vie large et généreuse. Il est socialiste alors, comme son père Léon, professeur à Albi. Ses grands hommes sont Paul-Boncour, pour le présent, et Jaurès, comme référence doctrinale. Briand aussi, pour sa politique extérieure. Pompidou milite à la LAURS (Ligue d’action universitaire républicaine et socialiste) et, par curiosité juvénile sans doute, il s’inscrit au début de 1930 à un mystérieux « Front unique » (l’Action socialiste d’Alleaume ?). Il n’apprécie pas les « doctrinaires » pourtant, il goûte l’action, l’art et la poésie. La scission « néo » met fin à ces premiers enthousiasmes et engagements.

La guerre ne vaut rien à l’ancien briandiste. Certes, il souhaite et il est convaincu de la défaite de l’Allemagne. Mais il est presque autant anticommuniste. « Fusiller chez nous quelques communistes » afin de reprendre, après la guerre, « une vie normale », même dans une lettre amicale dont les formulations ne sont pas nécessairement à prendre dans leur sens le plus littéral, était-ce vraiment ce à quoi il fallait penser d’abord au printemps 1943 ? En attendant, Pompidou construit sa vie de famille, s’amuse et s’ennuie un peu, tâte de l’édition, songe au cinéma, à faire autre chose et à s’engager à nouveau le moment venu, après la guerre justement... C’est ainsi qu’en septembre 1944, grâce à ses réseaux normaliens, il intègre le cabinet du général de Gaulle. La suite est connue d’une certaine manière, mais ce livre aide à mieux comprendre un certain nombre de choses. La construction d’une carrière d’abord : excellent organisateur, esprit clair et net, Pompidou se rend vite indispensable et progresse. Il sait accompagner, et dominer ses sujets, suivre de Gaulle dans la lutte contre « le régime » sans s’illusionner sur les chances du RPF et prendre quelques distances quand il le faut. Il n’est jamais vulgaire : il gagne beaucoup d’argent chez Rothschild, mais le dépense joyeusement avec son épouse, achetant des œuvres d’art, l’offrant aux amis et à ceux qui peuvent en avoir besoin, lisant et préparant son anthologie poétique.

Le livre aide aussi à revaloriser le rôle de Léon Blum sous la IVe République. Face à de Gaulle, celui-ci représente une autre autorité morale, qui bloque le retour rapide aux affaires escompté par le général. Le lecteur apprend ou complète son information sur mille aléas de la vie parlementaire, les gaullistes oscillant entre la recherche du blocage et de la crise majeure ou l’insertion dans une logique parlementaire pour parvenir au pouvoir, à condition pour le général et son fidèle Pompidou que celle-ci serve le seul Charles de Gaulle, et non ses lieutenants Soustelle, Palewski, Chaban et autres... Il faudrait vérifier ainsi la portée exacte d’une note datée du 1er mars 1956 sur une rencontre à l’hôtel Lapérouse entre Mendès France et de Gaulle où le premier aurait proposé au second « de renverser Guy Mollet » et de le faire appeler au gouvernement après une démarche de Lacoste, Jacquinot et lui-même auprès du président Coty ?

Après le superbe De Gaulle à Matignon (Fayard, 2012) de Georgette Elgey, nous avons aussi confirmation ici du rôle majeur joué par Pompidou, directeur de cabinet du Général en 1958. Il est en effet l’homme de confiance du général, plus amical envers Michel Debré que nous aurions pu le penser, à la fois hésitant à se lancer dans un destin politique que redoute son épouse et ardemment désireux de le faire... Comme le canard va à l’eau, selon l’expression jaurésienne consacrée, il y va et devient Premier ministre (1962-1968) et président de la République (1969-1974). Ne racontons pas le livre, signalons seulement les beaux et féroces portraits de Poher, Edgar Faure, Chaban-Delmas et Mitterrand, entre autres, préparatoires à d’éventuels mémoires…

Un conservateur cultivé
Revenons à notre souci premier : Pompidou et le socialisme. Homme politique, homme d’État, Pompidou est un conservateur. Pas un réactionnaire certes, un conservateur cultivé, et c’est déjà beaucoup, mais un conservateur affirmé qui veut conforter le principe d’autorité dans la société et la famille, dans l’entreprise notamment, qui bloque les projets sociaux, un peu flous, de De Gaulle et des gaullistes « de gauche », notamment sur la participation, de Chaban sur « la nouvelle société », d’Edgar Faure sur l’Université…, qui industrialise et encourage la croissance économique, mais en freinant au maximum la progression du pouvoir d’achat. Homme de culture, il est du côté de Barrès, de Taine aussi, et non plus avec Jaurès, quand il se bat pour maintenir la domination des élites et qu’il se prononce en faveur de la peine de mort.

Gilles Candar
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