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| Chevandier / Piketty / L'OURS 413
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Résistances,
par CHRISTIAN CHEVANDIER
à propos de Guillaume Piketty, Résister. Les archives intimes des combattants de l’ombre, Préface de Raymond Aubrac, Textuel 2011 192 p 39,90 €
Article paru dans L’OURS n°413, p. 6
Connu depuis sa biographie de Pierre Brossolette (parue chez Odile Jacob en 1998), Guillaume Piketty a édité il y a deux ans une série de textes (carnets, correspondances, journaux personnels) de « Français en résistance ». Pour le présent ouvrage, il opère un changement de focale, continue à publier la parole des résistants mais s’attache à sa forme, matérielle notamment, et c’est un des attraits de cet ouvrage que les reproductions de textes manuscrits.
Si le terme « beau livre » ne semblait trop frivole pour un tel sujet, nul doute qu’il conviendrait. Photographies d’albums personnels ou reproduction de sommiers de la police et de registres d’écrou, dessins également (tel celui de Roger Guiret, conservé au Musée de la Résistance nationale, qui le montre de retour de Buchenwald, effrayant par son arrivée un enfant qui se précipite vers sa mère), c’est un large corpus qui est mis à la disposition du lecteur.
En six parties (« S’engager » ; « S’organiser » ; « Lutter » ; « Souffrir, mourir, disparaître » ; « Récits et représentations de la Résistance » et « Sortir de la Résistance »), l’auteur nous présente ce singulier engagement que les risques encourus n’ont pas empêché. Les textes y tiennent une place de choix. Inédits pour certains des plus anonymes, ils peuvent être plus connus pour d’autres, et l’on rencontre tout au long du livre Jean-Pierre Vernant, René Char ou Albert Camus (le dernier document de l’ouvrage est un cliché qui le représente, fait à Paris moins de dix ans après la Libération). Avec des pièces bien présentées, encadrées par le texte toujours efficace de Guillaume Piketty, cet ouvrage se distingue des publications où l’on se contente d’éditer des documents plus ou moins inédits, plus ou moins intéressants, sans que soit esquissée la moindre approche critique.
Ce sont les travaux menés ces dernières années et leurs problématiques (l’entrée en Résistance, les sorties de guerre, etc.) qui sont ainsi mis en perspective. À un moment où le prêt-à-penser à propos d’un peuple opportuniste ne s’intéressant que peu aux événements lors des années d’Occupation, repris aux pétainistes et collaborateurs trop heureux de pouvoir se sentir moins isolés (pensons aux Quarante millions de pétainistes d’Henri Amouroux !), tend à s’estomper après quelques décennies d’indéniable succès (qu’analyse avec brio Pierre Laborie dans Le chagrin et le venin. La France sous l’Occupation, mémoire et idées reçues, paru au printemps chez Bayard), cet ouvrage permet, par la nature même des documents qui le construisent, de saisir, en ces approches du particulier, un inattendu collectif. Un collectif construit bien au-delà des acteurs et même des témoins tant, nous le rappelle l’auteur, « la Résistance fait indissolublement partie de l’identité française ».
Christian Chevandier |
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