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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Lefebvre/Jospin-Hollande/LOURS 396
JOSPIN ET HOLLANDE, BILANS ET PERSPECTIVES
par Denis LEFEBVRE

A propos de :
François Hollande, Droits d’inventaires, entretiens avec Pierre Favier, Seuil, 2009, 398 p, 20 €
Lionel Jospin, Lionel raconte Jospin, entretiens avec Pierre Favier et Patrick Rotman,
Seuil, 2010, 284 p, 18,50 €

Article paru dans L’OURS, mensuel de critique littéraire, culturelle, artistique, n°396, mars 2010, p. 4

Pour exprimer leurs idées, leur regard sur le monde, les hommes (et les femmes) politiques se confient désormais volontiers à des journalistes : c’est une réalité d’aujourd’hui. François Hollande et Lionel Jospin, deux acteurs majeurs de la vie politique française et du socialisme contemporain, n’ont pas failli à ce qui devient une habitude.

Deux livres d’entretiens, donc, réalisés qui plus est par le même journaliste, Pierre Favier. Il faut d’entrée de jeu signaler que celui de Lionel Jospin a une origine différente que celui de François Hollande, puisqu’il est dans la droite ligne du film éponyme diffusé il y a quelques semaines par la télévision, film composé pour l’essentiel d’échanges avec Pierre Favier et Patrick Rotman. De nombreuses coupes ayant dû être effectuées dans le film… décision a été prise de réaliser un livre reproduisant l’intégralité des échanges initiaux, revus stylo en main par l’auteur.

Récits de vie
Ces deux ouvrages sont semblables et différents à la fois, sur la forme, le fond et les objectifs. S’il s’agit en effet de deux récits de vies, l’un est rédigé par un acteur qui ne s’est pas retiré de l’action politique contemporaine, et qui entend encore jouer un rôle important (voir le plus important) dans la vie de notre pays ; l’autre au contraire est celui d’un homme qui a exercé les plus hautes responsabilités (butant certes sur la dernière marche), et qui s’est retiré de la vie politique active, même s’il reste très présent dans le paysage. Le livre de Lionel Jospin s’apparente à des mémoires, mais l’auteur récuse ce terme dès son avant-propos, nous précisant qu’il nous offre un « récit de [sa] vie ». Au lecteur de se prononcer sur ce distinguo…

Sur les questions d’ordre biographique, on notera que Lionel Jospin consacre de plus amples développements que François Hollande à sa jeunesse et à ses premiers engagements. Les deux hommes, il est vrai, n’ont pas les mêmes racines familiale au niveau de l’engagement, mais il fallait aussi que l’ancien Premier ministre revienne en détail sur ce qui a agité le Landerneau il y a quelques années autour de son passé trotskyste.

Au-delà des aspects strictement biographiques, nous disposons avec ces deux ouvrages de deux regards parallèles sur bien des pans de notre vie collective que les deux auteurs ont vécu pour partie ensemble, certes à des places différentes, car il faut intégrer la différence d’âge et, donc, de prise de responsabilité… l’un était déjà acteur d’événements sur lesquels le second revient en témoin. La lecture croisée des deux textes sera pour les historiens en général et les curieux en particulier du plus grand intérêt, davantage encore pour les périodes pendant les deux hommes ont été ensemble en prise directe sur l’action et la prise de décision. Les caractères profonds de nos deux auteurs apparaissant bien sûr au fil des pages, et on ne s’étonne pas que les propos de François Hollande soient plus « personnels » dans leur forme et donnent le sentiment d’être plus vivants et percutants que ceux de Lionel Jospin, même si l’ancien Premier ministre « fend l’armure », pour reprendre une expression désormais consacrée. Chacun a son tempérament et sa sensibilité, qui transparaissent tout naturellement, on le mesure facilement à l’usage fréquent par François Hollande des points de suspension et des points d’exclamation, voire par l’emploi de mots qui traduisent aujourd’hui encore son trouble, ainsi quand il se déclare « mortifié » par telle prise de décision. De tels mots n’apparaissent pas sous la plume de Lionel Jospin, qui se retient davantage.

Inventaires personnels
Les lecteurs ne pourront que se plonger avec grand intérêt dans ces deux livres pour retrouver des périodes qu’ils ont vécues, et exercer leur propre droit d’inventaire (avec ou sans “s” !)… avec leurs regards et leurs souvenirs sur les dernières décennies, déjà autour de quelques grandes dates symboliques : 1981, 1983, 1990, 1995, 2002, 2005, 2007 (sans oublier la campagne interne du Parti socialiste pour régler la question de la candidature, moments bien absents du présent livre de Lionel Jospin), 2008 !

L’avenir, enfin, est présent dans ces deux ouvrages. Mais là est ce qui les sépare. On ne peut s’empêcher de noter que Lionel Jospin évoque cette question en conclusion (respect classique de la chronologie oblige !), dans un passage intitulé « L’avenir du socialisme »… un avenir lié pour lui pour une grande partie à l’unité des socialistes : « Le socialisme redeviendra une réponse, dit-il, si les socialistes, loin de se lamenter, de s’interroger et de se déchirer, se retrouvent ensemble pour penser et agir. » 2002 n’est jamais loin pour lui, bien sûr, et il maintient cette ligne. Cet avenir, François Hollande s’y attaque dès l’avant-propos de son livre qui a, il est vrai, un statut différent, quand il note de son côté : « Le socialisme a un avenir, celui qu’il saura préparer s’il comprend ce que le présent exige et ce que le passé autorise. » C’est donc là que réside la différence fondamentale entre ces livres, tous deux pédagogiques, de rappels des faits, d’explications et de commentaires, tous deux tournés vers l’histoire récente, mais celui de François Hollande regardant davantage vers l’avenir, dans l’esquisse d’un projet qui permettrait à la gauche de l’emporter. S’il défend son bilan de premier secrétaire (comme Lionel Jospin assume avec fierté son bilan de Premier ministre), son existence dans le Parti et sans doute 2012 l’amènent à publier un ouvrage dont les dernières pages peuvent s’apparenter à un programme. Pour la gauche, ou pour lui ?

Denis Lefebvre
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