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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
L'OURS hors série Recherche socialiste 60-61
L’OURS, hors série RECHERCHE SOCIALISTE 60-61
juillet-décembre 2012, 192 p, 14 €
(commande à l’OURS 12 Cité Malesherbes 75009 Paris)

SOMMAIRE
p. 3 .Alain Bergounioux, Avant-propos

L’événement : Monde(s) du travail
p. 5. Florent Le Bot, Ce que travailler veut dire

p. 9. Michel Sapin, « La gauche doit se réapproprier la valeur travail », entretien avec Alain Bergounioux et Florent Le Bot

p. 21. Claude Didry, Le contrat de travail comme apport en capacités. Portée sociohistorique de l’analyse du développement par Amartya Sen

p. 49. Laure Machu, Conventions collectives et monde(s) du travail

p. 65. Alain P. Michel, Les mondes du travail et leurs images

p. 87. Cédric Perrin, Promouvoir son travail. La publicité des artisans en France au XXe siècle

Notes de lecture
p. 105. Anaïs Albert, Maurice Halbwachs et Le destin de la classe ouvrière (à propos de Maurice Halbwachs, Le destin de la classe ouvrière, introduction de Chr. Baudelot et R. Establet, coll. Le lien social, PUF, 2011) ……

p. 111. Florent Le Bot, Les ouvriers en France au XXe siècle (à propos de Xavier Vigna, Histoire des ouvriers en France au XXe siècle, Perrin, 2012) …

p. 117. Pierre Boisard, Un dictionnaire du travail (à propos de Antoine Bevort, Annette Jobert, Michel Lallement, Arnaud Mias (dir.), Dictionnaire du travail, PUF, 2011)

Document
René Viviani, La création du ministère du Travail. Discours à la Chambre des députés, le 8 novembre 1906

Histoires socialistes
Alban Bargain-Villéger, S’imposer en milieu hostile. Le 1er mai des socialistes en Bavière et en Bretagne (1920-1933/1940)

Massimo Nardini, La SFIO et la réunification du socialisme italien. La naissance du PSDI, la mission Commin et la rencontre de Pralognan (1949-1957)

Recherche
Gilles Vergnon, Les usages de la Résistance dans le débat public au XXIe siècle : un mythe de substitution ?

Exposition
Guy Bordes, La révolution Caravage. Toulouse-Montpellier, quand la province expose et s’internationalise

In memoriam : Claude Cheysson, André Delelis, Pierre Lauxérois, Henri Marc


Avant-propos
par Alain BERGOUNIOUX


Le dossier de ce numéro explore le(s) monde(s) du travail, ses structures et ses représentations, d’hier à aujourd’hui.

Piloté par Florent Le Bot, chercheur en histoire économique et sociale, enseignant à l’université d’Evry-Val d’Essonne et à l’École normale supérieure de Cachan, ce dossier éclaire de manière originale bien des questions liées à l’évolution du travail dans ses dimensions juridiques (cf. l’article de Claude Didry sur la question du contrat), sociales, techniques, de santé publique ou privée, voire ergonomiques. Multiples dimensions qui sont au cœur de la grande négociation sociale que le gouvernement vient d’ouvrir, et que Michel Sapin, ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social détaille ici en répondant à nos questions.

C’est un rendez-vous qui peut être important pour l’évolution des rapports sociaux dans notre pays. Dans une société de crise, les réformes structurelles ont besoin d’être enracinées dans la société par le concours de ses principaux acteurs. C’est une condition pour parler sérieusement de social-démocratie… Terme souvent utilisé sans trop de précautions et qui ne veut pas dire seulement « réformisme »… Les conditions de la réforme importent tout autant que la nature des politiques menées. Les exemples de la Suède et de l’Allemagne sont là pour le rappeler.

Ce dossier offre aussi, à travers notamment les études de Alain P. Michel et Cédric Perrin, de stimulantes réflexions sur l’image du travail et des travailleurs, ouvrier et artisans. De même, il interroge la gauche et son histoire, s’agissant notamment des avancées sociales du Front populaire, les conventions collectives, étudiées ici par Laure Machu. Il est également inscrit dans une actualité éditoriale riche sur ce thème, approfondissant des comptes rendus de lecture que nous faisons dans notre mensuel L’OURS. Ces « critiques » ou « notes de lectures » d’Anaïs Albert, Florent Le Bot et Pierre Boisard participent aussi pleinement de la recherche et de sa diffusion dans le public, il est toujours utile le rappeler.

Dans ce bref avant-propos, je voulais avant tout remercier Florent Le Bot et les chercheurs qu’il a mobilisés de leur participation à nos travaux. En effet, sa présentation qu’il a intitulé « Ce que travailler veut dire » trace les perspectives et les axes de réflexions qui ont conduit au sommaire que vous avez pu découvrir, et je me permets d’y renvoyer.

Ce numéro offre également des espaces pour d’autres articles de chercheurs et ouvre sur le monde de la recherche internationale sur le socialisme français. Alban Bargain-Villéger propose une étude originale, qui s’inscrit dans les recherches de la thèse qu’il vient de soutenir1 sur les mobilisations « en terrain hostile » des socialistes bretons et bavarois dans l’entre-deux-guerres. Cet article montre bien l’importance dans la culture et l’identité de la gauche en général et des socialistes en particulier du 1er mai, fête du travail justement, et leur capacité d’adaptation aux terres de mission. Quant à Massimo Nardini, il apporte des éléments passionnants sur le rôle de la SFIO dans la réunification du socialisme italien dans les années 50.

L’étude de Gilles Vergnon, sur les usages de la Résistance dans le débat public au XXIe siècle, prolonge les réflexions que nous conduisons régulièrement dans notre revue sur les « usages de l’histoire »2. Thème sur lequel nous aurons l’occasion de revenir dans le prochain numéro qui abordera les socialistes et la Grande Guerre pour préparer l’année de commémoration du centenaire de « 1914 ».

Pour finir ce numéro en beauté, Guy Bordes nous invite à revisiter les expositions Caravage de Toulouse et de Montpellier qui ont drainé la grande foule en province. Au moment où s’ouvre le Louvre-Lens, cet article illustre la réalité de la décentralisation culturelle.

Bref, à ce riche numéro, il ne manque que la couleur.
Alain Bergounioux

(1) Mobilis in Mobile: The French and German Socialists in Hostile Environments, 1920-1933/40, York university, Toronto, novembre 2012.
(2) Vincent Chambarlhac, « Jaurès en campagne (septembre 2006-avril 2007) », Recherche socialiste, n°39-40, 2007. « Recherche : Histoire, mémoire(s) et commémoration(s). 4 livres, 3 articles pour un dossier » Éric Lafon, Noëlline Castagnez,Vincent Chambarlhac, Recherche socialiste, n°50-51, 2010.


Ce que travailler veut dire, par FLORENT LE BOT

Trois dimensions ont été privilégiées dans l’élaboration du dossier Monde(s) du travail : la question de la relation contractuelle entre apporteur(s) de capitaux et apporteur(s) de travail ; l’image du travail vue du côté de son émission autant que de sa réception ; de manière plus large, le travail au fondement de l’organisation sociale.


L’entretien avec Michel Sapin, ministre du Travail, intervient alors que les lois Auroux ont vingt ans. Celles-ci ont eu pour ambition de transformer en profondeur les relations sociales au sein de l’entreprise. Nous n’avons pas ici pour objet de contribuer à l’évaluation de leurs effets – d’autres publications de qualité se sont engagées sur ce terrain et leurs auteurs, n’en doutons pas, poursuivront cette tâche1. En revanche, nous avons souhaité interroger Michel Sapin sur les conceptions de l’actuel gouvernement en matière de temps de travail hebdomadaire et au long de la vie, de formation initiale et continue, d’accès à l’emploi, de mobilité et de sécurité dans l’emploi. La notion de flexisécurité à la mode néerlandaise ou danoise gagne des adeptes dans le débat public français. Pour autant, les craintes dominent parmi les salariés, qui de fait y sont déjà soumis, de voir la flexibilité prendre le pas sur la sécurité. Le débat sur l’encadrement contractuel, dans un contexte de chômage de masse, ne peut sans doute pas s’exonérer du vécu, de la connaissance et des représentations que se font les salariés de leurs conditions d’accès et de maintien dans l’emploi. Les extraits, publiés dans ce numéro, d’un discours fameux de René Viviani à la Chambre des députés, dans le contexte de la création du ministère du Travail en 1906, offrent matière à penser quant au chemin parcouru en un siècle.

Claude Didry propose une réflexion de fond sur la place du contrat de travail comme élément de régulation sociale et de développement en confrontant ses analyses à celle du prix Nobel d’économie Amartya Sen autour de la notion de capacité (capability). Dans cette perspective, travailler ne signifie pas simplement pour un individu « gagner sa vie », mais se révèle également constitutif de la capacité de ce dernier et, partant, au fondement même du développement. Un retour réflexif sur le principe de la liberté du travail, tel qu’il s’établit en France au lendemain de la Révolution, conduit à dénaturaliser le rapport salarial en tant qu’appartenance à l’entreprise. La démocratie dans l’entreprise, telle qu’elle se manifeste à travers la reconnaissance d’institutions représentatives du personnel, apparaît ainsi comme une condition de développement analogue à celle que constitue la démocratie politique pour Sen.

Laure Machu revient sur l’expérience de la mise en place des conventions collectives durant le Front populaire relativisant, arguments à l’appui, les effets de cette armature contractuelle aussi bien sur les conditions de travail (pénibilité du travail, risques sanitaires), sur les conditions salariales (disparités sectorielles et géographiques) et sur les modalités de rupture des contrats de travail. Il faut, par exemple, attendre la Libération pour que, l’État s’emparant de la régulation salariale, s’instaure un salaire minimum interprofessionnel. Les conventions collectives contribuent toutefois à une évolution des rapports patronat/salariat dont le potentiel n’échappe pas aux acteurs. Sur cette base, on comprend qu’elles demeurent présentées comme une conquête ouvrière qui aurait permis de faire échapper les salaires « au jeu des forces de la concurrence et d’émanciper le collectif ouvrier de la tutelle patronale ».

Alain P. Michel livre une réflexion stimulante sur le potentiel d’informations que recèlent les images des mondes du travail pour la compréhension de ce que travailler veut dire. Le lien substantiel entre organisation du travail et représentations de cette organisation émerge de l’analyse des réalisations concrètes par le constructeur automobile Renault, durant le premier XXe siècle, en matière de chaîne de production, dont la fluidité s’avère prescrite comme indice de modernité quand, dans les faits, son emploi se révèle plus hétérogène. Fluidité, mobilité et organisation du travail, constituent un autre angle d’approche privilégié dans ce dossier. Le hangar « Potemkine » installé par Renault en 1930 pour convaincre, de manière fallacieuse, des journalistes que l’entreprise maîtrise la technique des flux continus, nous ramène pour sa part aux liens entre représentations, discours et organisation du travail.

Cédric Perrin s’intéresse aux travailleurs indépendants que sont les artisans. Il aborde la question d’une manière originale, à travers les modes de promotion de leurs activités. Pour être rarement spectaculaire, la publicité des artisans est omniprésente au quotidien, que ce soit à travers les documents papiers ou par le biais des enseignes, sur des supports d’une grande variété et même d’une grande originalité. Ainsi, l’historien se fait ethnologue pour rendre compte d’une expression du travail qui, par sa supposée banalité, confine à l’invisibilité. La nécessité pour les sciences humaines et sociales de se confronter à la matérialité du travail émerge ainsi comme l’un des enjeux de cette contribution.

Enfin, il nous est apparu qu’en matière de travail la sociologie et l’histoire connaissaient un véritable élargissement de perspectives, dont les articles présentés ici témoignent. Des notes de lecture portant sur la consommation ouvrière étudiée par Maurice Halbwachs (Anaïs Albert), l’histoire de la classe ouvrière due à Xavier Vigna (Florent Le Bot) et, ni plus ni moins, qu’un dictionnaire du travail pluridisciplinaire (Pierre Boisard), nous ouvrent à ces perspectives.

Florent Le Bot

(1) Cf. Jacques Le Goff (dir.), Les lois Auroux, 25 ans après, 1982-2007 : où en est la démocratie participative ?, Rennes, PUR, 2008, 166 p. Matthieu Tracol, Changer le travail pour changer la vie ? Genèse des lois Auroux, 1981-1982, Paris, L’Harmattan/Fondation Jean-Jaurès, 2009, 237 p. Récemment : Matthieu Tracol, « Les lois Auroux ou l’ambition de la démocratie sociale », Note n° 144, Fondation Jean-Jaurès, 5 septembre 2012.
 

 
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