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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Chevandier, Été 1944, Police / Raymond Krakovitch
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Été 44 : Police héroïque ou repentante ? par RAYMOND KRAKOVITCH
à propos du livre de Christian Chevandier, Eté 44. L’insurrection des policiers de Paris, Vendémiaire, 2014, 474 p, 24 €
Article paru dans L’OURS, n°442, novembre 2014, page 7.
Dix jours avant la libération de Paris, le 25 août 1944, la police parisienne se met en grève. Ses motivations justifient un ouvrage détaillé.
Durant les quatre années d’occupation la participation de la police à la répression des actions de la Résistance et à la persécution des juifs avait été marquante. Dans le cadre de cette dernière, une douzaine d’opérations d’arrestations massives ont eu lieu entre mai 1941 et février 1944. Surtout, la rafle du Vel’d’Hiv du 16 juillet 1942 a été conduite sans la participation d’un seul Allemand.
Toutefois, selon le secrétaire général de la Police, René Bousquet, l’opération n’aurait pas été menée avec l’efficacité souhaitée car il n’y a eu « que » 12 884 arrestations alors que 22 000 étaient attendues, et il demanda aux préfets de lui signaler les fonctionnaires qui auraient fait preuve de passivité ou de mauvaise volonté. En 1943 plusieurs rapports du BCRA (services secrets de la France libre) attestent que plus des trois quarts des policiers parisiens seraient hostiles aux Allemands. Le 14 juillet 1944 est l’occasion de diverses manifestations d’hostilité à l’occupant et, afin de les réprimer, les policiers ont été mis sur le pied de guerre. Le nombre de manifestants se chiffre en dizaines de milliers mais la répression est plutôt molle et de nombreux agents refusent d’appliquer les ordres de dispersion. Le débarquement de Normandie, survenu le mois précédent, joue certainement un rôle dans cette attitude.
Vers une résistance active Plusieurs organisations de Résistance de la police s’affichent de plus en plus, en dépit de conseils de modération ordonnés par Alger, qui craint que des actions intempestives soumettent les habitants à une reprise en main meurtrière, alors que les armées alliées n’ont pas encore prévu de diriger des troupes vers Paris. Toutefois, vers le 8 août, certains policiers entrent dans la clandestinité et sont aussitôt l’objet de procédures de révocation pour absence irrégulière. Mais l’histoire s’accélère. Le 14 août les responsables des trois groupes de Résistance de la Police se réunissent et décident d’un tract qui appelle à la grève générale pour le lendemain, ordre qui est très écouté. Il est suivi par la cessation du travail des employés du métro et des postes. Enfin, le 19 au petit matin, 2 000 policiers entourent puis occupent la Préfecture de police, hissent un drapeau tricolore sur le toit… et enferment dans son bureau le préfet de Police, Bussière, avant de l’arrêter. La suite est racontée avec force détails par l’auteur qui relate les hésitations de Chaban-Delmas, représentant de De Gaulle et l’impuissance de Choltitz, nommé à Paris par Hitler dix jours auparavant, qui fait planer en vain la menace d’une évacuation sanglante.
Les policiers participent à l’insurrection au côté des FFI dans les journées qui précèdent puis coïncident avec l’arrivée à Paris de la division Leclerc et des Américains, lesquels se font discrets pour laisser la gloire de la Libération aux soldats français. Les pertes totales durant ces journées approcheront 5 000 tués, dont 3 200 soldats allemands, 1 000 FFI, 600 civils, et 130 soldats de la 2e DB et, plus précisément, 152 policiers, selon un décompte effectué avec minutie par Christian Chevandier à partir des archives.
Une analyse délicate Avec le recul, les interrogations seront nombreuses sur le sens des événements. Le rôle de Choltitz, traité de façon détaillée dans d’autres ouvrages, est loin d’être glorieux selon l’auteur qui estime qu’il s’est rendu afin de préserver sa vie, tentant de faire oublier son rôle dans des atrocités commises par l’armée allemande sous son commandement, aux Pays-Bas en particulier. Mais il est plus significatif de s’interroger sur la décision de De Gaulle qui attribue en octobre 1944 la légion d’Honneur à la préfecture de Police dans son ensemble. Pierre Messmer, ancien de Bir-Hakeim, évoquera l’agacement des soldats FFI devant cette décoration à un corps dont les pertes n’eurent rien de commun avec celles des unités militaires. De Gaulle épingle en plus la croix de guerre au drapeau de la Préfecture avant de donner lecture d’une citation dithyrambique aux « courageux gardiens de la police parisienne ». La nécessité d’être assuré du maintien de l’ordre dans la capitale face à la crainte d’une agitation communiste a sans doute joué un rôle dans ces compliments.
La question essentielle est l’appréciation des motivations des policiers dans leur mouvement de grève. Etait-ce pour se dédouaner de leur action coercitive durant les années précédentes ? Et ne peut-on estimer que ses promoteurs prévoyaient l’arrivée des armées alliées dans les jours suivants, ce qui rendait probable l’issue favorable d’un mouvement impensable avant ? Dans sa conclusion l’auteur résume son analyse en écrivant « la police a collaboré et des policiers ont résisté ». C’est formellement exact mais tout est une question de date… L’ouvrage est très complet, peut-être trop disert sur les problèmes de mémoires et les célébrations. Mais les familles de policiers résistants tués s’y réfèreront car tous sont cités avec les circonstances de leur décès.
Au final, ce qu’on peut appeler une résistance de la vingt-cinquième heure ne dédouane pas des actes antérieurs, mais il est facile après coup de condamner une obéissance aux ordres quand son refus entraînait le risque de déportation ou d’exécution. La réflexion vaut pour tous les fonctionnaires menacés au minimum de radiation et de problèmes matériels en cas de désobéissance. Christian Chevandier a équitablement présenté les différentes problématiques, sans anachronisme.
Raymond Krakovitch
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