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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Chambarlhac/Ménard 375
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Ménard, témoin engagé de 1848 par Vicent Chambarlhac a/s de Louis Ménard, Prologue d’une révolution, février-juin 1848, édition présentée par Filippo Benfante et Maurizio Gribaudi, La Fabrique, 2007, 299 p, 18 €
Cette réédition commentée de l’ouvrage de Louis Ménard (1822-1901), Prologue d’une révolution, paru en 1849, invite à une réflexion sur l’écriture de histoire, les sources et les témoignages.
«Si j’écrivais l’histoire ancienne, je citerai mes auteurs ; j’écris l’histoire contemporaine, je cite mes témoins. » Louis Ménard verse là une pièce au procès politique des journées de juin 1848 ; Maurizio Gribaudi et Filippo Benfante font de même, plus d’un siècle après. Le procès est ici historiographique, politique aussi. Ce que narre Ménard procède finalement peu du carnage évoqué dans les dernières pages avec la sécheresse et la concision de l’acte d’accusation ; ce dont il témoigne scrupuleusement ressortit davantage à la politique du Peuple, aux logiques de l’événement. Le sel de cette réédition du travail d’un enfant du siècle réside là.
Ménard et Le Peuple L’introduction campe un auteur intéressant à plus d’un titre. Intellectuel engagé, fils d’une famille de l’édition, Louis Ménard est un proche de Proudhon, Baudelaire… Il croque à chaud, pour le journal Le Peuple, les logiques d’un massacre qui clôt une séquence révolutionnaire (inaugurée avec Robespierre, cité en ouverture du récit) et exprime la scission du Peuple vis-à-vis de la politique républicaine. Le sang dessille les yeux. Le récit de Louis Ménard n’a pas d’autres fins, en témoigne l’épilogue de ses pages : « Voilà l’oeuvre des hommes qui depuis février ont accaparé le pouvoir ; lâcheté chez les uns, trahison chez les autres, tous, à des degrés divers, ont perdu la révolution. Désormais, le Peuple sera le seul acteur du drame révolutionnaire, et il ne jouera qu’à son heure : il repoussera les provocations de ses ennemis et, si les diverses factions dynastiques appellent la guerre civile au secours de leurs intérêts égoïstes, il leur laissera la responsabilité de cette lutte impie ».
Le procès qu’intente Louis Ménard est donc celui d’une République et de partis républicains qui concouraient, dès les lendemains de février, à une Saint Barthélemy prolétaire pressentie par Blanqui. La question des Ateliers nationaux ourle cette trame, tant selon Louis Ménard ils furent créés contre Louis Blanc, contre le socialisme, contre les prolétaires. Il chronique ainsi les calculs du gouvernement provisoire, les jeux politiques à l’Assemblée, mais surtout le travail des factions dynastiques (bonapartistes, monarchistes) dans l’opinion publique, soit la manière dont la réaction use de la question sociale.
Une autre histoire En creux, puis de manière plus explicite, il expose une autre politique possible, celle du peuple, campant là un récit dissonant de ce que fut la séquence février-juin 1848, dévoilant l’illusion d’un gouvernement fraternel drapé dans les plis européens du printemps des peuples. Lamartine gagne là ses galons de politicien, lui qui, dès février, « se chargea de la tâche d’endormir le peuple ». L’efficace de la charge découle du style concis comme des preuves fournies à l’occasion du procès qui lui fut intenté (cf. les annexes). Cet horizon du récit de Louis Ménard sert également sa réédition aujourd’hui. L’introduction, nourrie des réflexions de Michèle Riot-Sarcey sur l’événement qu’est 1848 (Le réel de l’utopie 1998), prend explicitement comme cible le récit donné par La nouvelle histoire de la France contemporaine en grande partie codifié par les travaux de Maurice Agulhon (cf. la note 1 p 12). Pièce d’archive, le Prologue d’une révolution repère d’autres possibles de 1848 qu’écarta l’historiographie au titre de leur inachèvement, de leur caractère brouillon. Il constitue un utile contrepoint au travail de Thomas Bouchet sur la question du droit du travail à l’Assemblée en 1848 (Un jour à l’Assemblée, Nota Bene, 2007, cf. L’OURS n° 370).
Revenant sur ces pages de Louis Ménard, plaidant implicitement pour l’intérêt que les historiens auraient à s’emparer de ces marges, de ces « sauvages » que symbolise le Peuple, Maurizio Gribaudi et Filippo Bonfante concourent au procès du récit républicain qui s’ouvre depuis quelques années sur les front de l’antifascisme, du colonialisme, des politiques du peuple (Dupuy, La politique du peuple, 2002). On pénètre là, par l’archive, dans l’atelier de l’histoire. J’écris l’histoire contemporaine, je cite mes témoins. Vincent Chambarlhac | Revenir au sommaire du numéro 375 |
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