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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Girard/Ferro 339
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Le Temps maudit des colonies par Pascal Girard
a/s de Marc Ferro (s.d.), Le Livre noir du colonialisme XVIe-XIXe siècle: de l’extermination à la repentance Hachette Littératures, Pluriel 2004, 1123 p
La publication en 2003 du Livre noir du colonialisme, disponible aujourd’hui en édition de poche, répond à une louable ambition : contribuer à établir l’histoire des méfaits et des crimes imputables à la colonisation, certains étant désormais reconnus comme crimes contre l’humanité.
Il n’a pas reçu l’excès d’honneur ou d’opprobre du Livre noir du communisme, probablement en raison du consensus apparent sur sa légitimité. L’amnésie, la justification assumées sont désormais essentiellement le fait d’historiens isolés comme Bernard Lugan ou Pierre Guillaume. Mais la place encore restreinte de ces crimes dans les programmes scolaires souligne l’intérêt mémoriel et historique de ce livre. Il s’ouvre sur les deux courtes parties consacrées aux questions les plus lourdes d’enjeux, l’extermination et l’esclavage, mais le corps de l’ouvrage porte sur les processus de conquête et de domination, à partir de contributions classées géographiquement. Englobant jusqu’aux colonisations russe, japonaise et arabe, elles montrent comment ont pesé, souvent plus que les guerres et les massacres, la coercition, l’exploitation économique et la déstructuration – quand ce n’est pas la destruction - des sociétés indigènes. L’ensemble se clôt sur les représentations et les discours (idéologie raciste ou anticolonialiste, chansons, films), partie passionnante, même si elle n’évite pas toujours la " galerie de portraits ".
Un juste procès mais… L’accent est quelquefois un peu outré, mais face à une telle tâche, on peut " promettre d’être honnête, pas d’être impartial ", et le ton est tout aussi fréquemment dépassionné (voire bien indulgent avec le Japon). Le problème est celui de l’apport scientifique, inégal et parfois médiocre. Certes, on remarque entre autres l’étude sur l’Indonésie (bâtie sur des sources néerlandophones), les deux synthèses sur l’Amérique latine – combinant les approches des diverses sciences humaines pour cerner avec finesse les conséquences de la domination coloniale – ou encore l’analyse du cas guyanais, révélateur des aspirations françaises. Cependant, seul l’article sur l’Indochine est étayé par des archives, et celui de Catherine Coquery-Vidrovitch sort du lot par son assise de travaux récents et universitaires. D’autres sont manifestement dépendants de sources abondement citées et de valeur variable, les articles concernant la France étant à ce titre symptomatiques. L’analyse des massacres et des résistances en Afrique équatoriale, pourtant rédigée par une sommité, aurait gagné à s’appuyer sur des travaux moins anciens, comme ceux de Nicolas Métégué N’Nah pour le Gabon. L’histoire de la décolonisation de l’Afrique française fait un récit décousu de la guerre d’Algérie, suivi d’un bilan humain tronqué loin de l’érudition précautionneuse d’un Guy Pervillé.
… un réquisitoire mal ficelé C’est en fait le traitement des points cruciaux qui donne une sensation d’inachèvement. La communication sur l’extermination des Aborigènes est solide et documentée, mais la question du génocide des Indiens caraïbes et américains aurait mérité, eu égard à son importance, un meilleur argumentaire. L’esclavage aux États-Unis est traité avec nuance tandis que l’article sur la traite, équilibré mais anecdotique, ignore des pans de l’historiographie actuelle. Quant à l’introduction et à la conclusion, elles ne sont pas à la hauteur de leur tâche et ne tracent guère de perspective. Le maître d’œuvre Marc Ferro n’éclaire ni les notions (comme le colonialisme) ni les enjeux, et " l’épilogue " sur le problème des réparations est une compilation journalistique fragile qui ne rend pas justice à la complexité des débats en cours, notamment chez les Afro-Américains. Au vu de la masse d’informations délivrée, on pardonnera aisément des erreurs ou les poncifs. On regrettera plutôt les références et les bibliographies souvent vieillies, surtout françaises ou anglo-saxonnes (avec de fréquentes lacunes) et la reprise d’articles déjà publiés et pas toujours de première jeunesse. On aurait peut-être pu éviter cela en ouvrant ce projet à d’autres chercheurs, issus notamment d’États anciennement colonisés. Tel quel, c’est un bilan foisonnant et nécessaire, mais disparate et un peu décevant. Pascal Girard L’OURS n°339 juin 2004 | Revenir au sommaire du n° |
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