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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Moutet/1905
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Dans le Lyonnais : la réalisation de l’unité dans le Rhône par MARIUS MOUTET, sénateur, ancien ministre, délégué au congrès du Globe
Un mot de félicitation, à l’occasion de mon jubilé, de M. Julsam, actuellement vice-président trésorier de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique, me rappelle les premiers temps de ma vie militante où nous essayions dans la région rhodanienne et à Lyon de réaliser l’unité socialiste. Jules Douchez était alors le " Petit Jules " et il agrémentait nos réunions politiques ou familiales de son talent précoce car il était le fils d’un de nos meilleurs militants, le citoyen Douchez, ouvrier métallurgiste et membre du Parti ouvrier français. Les socialistes étaient, vers 1896-1898, divisés en nombreuses fractions Il n’y avait guère que le Parti ouvrier qui fût organisé, les autres tendances constituaient des Comités de quartier ou de région, sans grande cohésion. À Lyon, un socialiste indépendant, le Dr Masson, avait été élu député ; il votait à la Chambre avec le groupe socialiste, nous ne le vîmes jamais dans aucune section. Deux prétendus " blanquistes " représentaient le quartier de la Guillotière, l’un était peintre en armoiries, l’autre pépiniériste: ils représentaient une aspiration révolutionnaire qui, au cours de la bataille pour l’affaire Dreyfus, les conduisit derrière Henri Rochefort à être les alliés de la pire réaction. Les syndicats suivaient le mouvement des Bourses du Travail, anarcho-syndicaliste, ce qui explique qu’en 1900 et pendant un an ou deux le libertaire Sébastien Faure put faire paraître un journal dénommé Le Quotidien dans lequel toutes les tendances les plus confuses du socialisme ou de l’anarchisme-libertaire pouvaient s’exprimer. Il y avait un autre journal dénommé Le Peuple qui ne fut, pour ainsi dire, jamais sous le contrôle du Parti, bien qu’il fût authentiquement socialiste, mais sa vie financière était précaire, comme celle de ses rédacteurs. En 1896, les socialistes indépendants avaient commencé à se grouper en section, et lors des premiers congrès, vers 1898, pour l’unité, constituaient une Fédération. Ils comprenaient essentiellement le groupe des Étudiants socialistes où, autour d’un certain nombre d’étudiants émigrés russes, comme le Dr Sachnine qui fit une longue carrière médicale à Montreuil où il participa à l’action du Parti ; comme Popoff que je retrouvais, en 1917, vice-président du Soviet d’une très grande ville russe, lors de la première phase de la Révolution, et qui fut, en France, par la suite un élément actif de la coopération, se réunissaient de jeunes intellectuels d’origine de petite bourgeoisie. Ce groupe des étudiants comprenait à la fois des Indépendants comme moi, suivant Jaurès, des adhérents au Parti ouvrier et même un allemaniste, le Dr Nicolet, qui fut, par la suite, député de l’Ain et auquel nous devons le " certificat prénuptial ". C’est dans cette incroyable confusion que nous devions servir de trait d’union pour tenter de créer une fédération socialiste unique. Le Parti ouvrier français était dirigé par des hommes comme Étienne Rognon, sculpteur sur bois, Voillot, menuisier, Darme, secrétaire du Syndicat des tramways. Tous furent par la suite, plus ou moins longtemps, membres du Parlement. Des socialistes indépendants se réclamaient des hommes notoires comme le professeur Augagneur, de la faculté de Médecine de Lyon ; Normand, maire d’Oullins ; Colliard, qui fut ministre du Travail du ministère Clemenceau et qui commença sa carrière politique, socialiste, en tenant le petit " bistrot " jouxtant la Bourse du Travail. Tous ceux-là furent plus indépendants que socialistes et lorsqu’en 1905 l’unité fut réalisée, ils abandonnèrent le Parti socialiste, pendant qu’y demeurait un homme éminent, Francis de Pressensé, venu au socialisme par les luttes de l’affaire Dreyfus et que nous avions pu faire élire, en 1902, député du Rhône. La période de l’affaire Dreyfus divisa assez sérieusement les socialistes, les uns, les indépendants, derrière Jaurès, poursuivaient la lutte comme une bataille pour la justice et pour la liberté, contre le militarisme, la réaction, la raison d’État, et ils faisaient de Dreyfus le symbole de la victime de la société bourgeoise, cléricale, militariste et capitaliste ; ils espéraient bien transformer et continuer cette bataille sur le plan social et spécifiquement socialiste. Les autres considéraient qu’il y avait là une déviation bourgeoise qui détournait de la révolution sociale. Néanmoins, nous nous retrouvions en masse dans les réunions données par Jaurès et de Pressensé qui réunissaient jusqu’à 10 000 personnes, dans les manifestations contre les nationalistes, les gens de Déroulède et de Cavaignac, et c’est dans ces luttes que s’opéra le rapprochement conduisant à l’unité. En 1905, après le congrès de la salle du Globe, nous eûmes la fédération socialiste du Rhône, qui fut rapidement forte et puissante, eut des élus dans les Assemblées municipales, départementales et parlementaires. Nous avions réussi à créer une société coopérative L’Unitaire qui fit construire une salle de réunion servant non seulement à nos grandes manifestations politiques, mais aussi de centre à notre action. Admirablement gérée par Darme, qui la louait aux fêtes familiales, syndicales, corporatives, elle a longtemps subsisté. Lorsque survint la scission de 1921, la fédération socialiste du Rhône avait la majorité dans le Conseil municipal de Lyon : j’avais été proposé comme maire et je m’étais effacé devant Édouard Herriot pour maintenir l’union entre les radicaux et les socialistes – il avait quatre adjoints socialistes et par notre union en 1924 nous avons fait élire la totalité de notre liste par le Cartel des Gauches Malheureusement, la scission communiste arrêta ce magnifique élan. Nous ne pouvons que le regretter car l’unité nous menait, sans violence, à la victoire totale. Lyon connaît aujourd’hui une majorité conservatrice. Mais si tous les élus du Rhône, socialistes, radicaux, conservateurs, en 1940, votèrent contre Pétain, l’action vigoureuse menée pendant quarante ans par le Parti socialiste dans le Rhône avait contribué à y imprimer fortement un esprit de démocratie républicaine et sociale, qui se retrouva dans un, moment décisif. (article publié dans la partie " documents " de Recherche socialiste 29 décembre 2004) |
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