|
|
Nous joindre | L'OURS 12 Cité Malesherbes 75009 Paris | Tél. 01 45 55 08 60 | Pour être informé de nos activités (réunions, parutions, séminaires…), laissez nous un message électronique : | e-mail : info@lours.org |
|
|
|
|
L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
|
BlancaGuernica368
|
26 avril 1937 : Guernica
Gordon Thomas (et Max Morgan-Witts), Les dernières heures de Guernica, Nouveau Monde 2007 344 p 22 €)
Retour sur un des événements les plus douloureux de la Guerre d’Espagne.
Gordon Thomas nous avait habitué (avec son ami Max Morgan-Witts) à ses enquêtes parfaitement documentées, narrées en outre avec le talent d’un maître du roman d’espionnage. On se souvient de Histoire secrète du Mossad et de Les armes secrètes de la CIA, l’un et l’autre devenus des best-sellers internationaux. Avec ce nouvel ouvrage, qui a exigé un travail titanesque de recherche et de préparation, qui les ont occupés pendant plusieurs années, le grand journaliste et son camarade reviennent sur la guerre civile espagnole. Plus précisément sur l’épisode le plus symbolique de l’intervention de l’Allemagne nazie dans le conflit. Illustration, dans toute sa dimension et son horreur, du drame du peuple basque qui combattait avec le camp de la République. Je retiendrai ce commentaire du quotidien madrilène El Pais : « Enfin la vérité. Superbe. Dommage que l’Espagne ait dû attendre que deux auteurs anglo-saxons nous la livrent ... Mais comme nous leur en sommes reconnaissants ! »
Des sources de première main Pour écrire cet ouvrage, les auteurs ont retrouvé les survivants, qu’ils soient Basques d’Espagne ou Allemands, civils ou militaires, officiers ou simples soldats. Ou ont obtenu de leurs proches, l’autorisation d’avoir accès à leurs archives personnelles. Ce fut le cas pour la veuve du lieutenant-colonel Wolfram baron von Richthofen, chef d’état-major de la Légion Condor. Son mari consignait méticuleusement, chaque jour, ses observations et ses réflexions sur le dé roulement de la mission que le gouvernement hitlérien lui avait confié. Si bien que nous découvrons, heure par heure, comment s’organisa l’attaque, avec quels types de bombardiers et de chasseurs, les noms et les grades des officiers en charge de la destruction de la petite ville chargée d’histoire et de légendes pour tout un peuple.
Mais on va vivre aussi ces heures précédant le désastre, avec le boulanger en tournée, au volant de sa bien-aimée Ford T de distribution du pain ; avec le garagiste qui échange un bon d’essence contre une portion de tarte d’anniversaire ; avec le capitaine-chirurgien qui ampute à tour de bras les blessés ramenés du front tout proche ; avec les infirmières, religieuses ou laïques, qui font auprès de lui des tours de dix-huit heures ; le patron du café et celui du restaurant réputé ; avec les voleurs de chats pour les convertir en lapins domestiques ; avec les curés des deux paroisses de Guernica, l’un jeune et militant de la cause nationaliste d’Euzkadi, l’autre plus traditionnel ; avec le maire accablé par des responsabilités qu’il peine à assumer ; avec le tout jeune lieutenant républicain, venu de la classe ouvrière catalane, qui se révélera un organisateur de génie pour improviser la défense de la ville et arrêter la débandade de certains bataillons ; avec Juan Silliaco le pompier volontaire... Et beaucoup d’autres personnages, jeunes ou vieux, bourgeois (comme l’industriel Uceda qui fabrique, des armes et espère la victoire de Franco), paysans, ouvriers, femmes au foyer, jeunes filles espérant un retour d’un fiancé combattant, tous et toutes vivent avec le lecteur les dernières heures de la ville martyre. Ce n’est pas un ouvrage militant. C’est un travail de journaliste, très professionnel, avec le génie du conteur en prime.
L’Espagne, un terrain d’essais Les dernières heures de Guernica est aussi l’occasion de revivre la lutte de tout le peuple basque, de ses bataillons de gudari, aux côtés des forces du gouvernement légal, le républicain. Car d’autres bombardements massifs avaient frappé, avec la même volonté avouée d’anéantir le moral des citoyens, la population civile, ses biens et ceux de la communauté. Y compris par la destruction d’églises, surtout au Pays basque où la majorité du clergé appuyait la République qui avait accordé à Euzkadi une large autonomie. Des villes voisines de Guernica (et Bilbao fut bombardée quotidiennement des mois durant) avaient servi de banc d’essai à l’aviation de guerre allemande, comme l’Espagne servait de banc d’essai à la méthodologie fondée sur la terreur aérienne qui allait mettre à genoux la Pologne, d’abord, puis le reste de l’Europe continentale. Et, en premier lieu, la France. C’est une méditation aussi sur la supercherie de la « non intervention » que nazis et fascistes italiens ignorèrent effrontément. L’aviation de Goering joua, dès le premier jour de la guerre, un rôle déterminant aux côtés de Franco.
Sous la protection de la Légion Condor, les troupes mercenaires marocaines furent transportées pour conquérir une grande part de l’Andalousie puis, arrivées dans le Nord, elles contribuèrent puissamment, avec les « carlistes » du général Mola, à la chute de Bilbao à l’été 1937. Pour les pilotes allemands, le jeu de massacre était sans risque. Leur supériorité dans cette partie du ciel espagnol était totale.
Un massacre À Guernica, ils ne trouvèrent pour les contrer que quelques mitrailleuses anti-aériennes. Ils manquèrent pourtant, après plusieurs passages et des heures de bombardement lourd, de lancer de bombes incendiaires et de mitraillage, la seule cible stratégique qui avait été le prétexte militaire de l’opération, un pont. En revanche, Guernica n’était plus que ruines fumantes et les morts qui s’amoncelaient se comptaient par centaines. Le monde, horrifié, refusa l’explication officielle du camp fasciste : les Basques avaient incendié, eux mêmes, la ville qui symbolisait la liberté de leur peuple... Reste le tableau de Picasso, seul « monument » républicain existant dans l’Espagne démocratique. Il peut être visité dans un musée madrilène portant le nom d’une reine épouse d’un monarque Bourbon. Je recommande au lecteur de ne pas manquer l’introduction à l’édition française du livre du journaliste Patrick Pépin, anciendirecteur de la rédaction de France Culture et de l’École supérieur de journalisme de Lille (aujourd’hui médiateur de Radio France). Il est l’auteur également d’un passionnant, et original Histoires intimes de la Guerre d’Espagne (Nouveau Monde éditions, 2006)
Antoine Blanca article paru dans L'OURS n°368 mai 2007 | Retour au sommaire |
|
|
|
|
© L'OURS - 12 cité Malesherbes 75009 Paris
|
|