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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Le repli sur soi
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LE REPLI SUR SOI Mais le congrès d’Épinay, quelques semaines plus tard, marque une rupture. Après ce congrès est posée la question des rapports entre l’OURS et le Parti. Guy Mollet et ses amis étant dans l’opposition à la nouvelle direction, qu’allait-il advenir du contrat d’association signé en 1970 ? Dès le 5 juillet 1971, Jean-Pierre Chevènement, secrétaire national chargé du programme et des organismes associés, écrit au président de l’OURS pour l’informer qu’une réflexion est engagée sur la question des organismes associés : « Je serais heureux que nous puissions procéder à un premier examen, si possible avant le départ en vacances, des possibilités de travail en commun dans le domaine de l’éducation et des études de programme que le parti doit aborder à bref délai. » Un rendez-vous est organisé, suivi d’un autre avec Pierre Joxe. Des conditions de contrôle politique sont mises en avant, qui paraissent inacceptables à Guy Mollet et au bureau de l’OURS. Le 7 octobre, la direction du PS envoie une circulaire aux membres du comité directeur : « (…) l’ancien parti avait signé, avant Épinay, des contrats d’association avec un certain nombre de groupes… le parti est nouveau, ces contrats sont caducs (…) ». Guy Mollet rédige alors une lettre destinée au premier secrétaire du PS : « Comme président de l’Office universitaire de recherche socialiste, j’ai reçu successivement à quelques mois d’intervalle Jean-Pierre Chevènement, chargé des relations avec les formations associées, puis Pierre Joxe, chargé des problèmes de formation. L’un et l’autre venaient s’informer des intentions de l’Office concernant le contrat d’association qui nous liait au parti. Je leur ai répondu que rien à nos yeux n’était modifié, et que nous considérions ce contrat comme toujours valable. En réponse, nous avons reçu une lettre datée du 4 novembre, qu’accompagnait le texte d’une circulaire ronéotée. Cette circulaire nous communique les termes du rapport concernant les relations du parti avec les organismes associés. La situation concernant l’Office est évoquée dans le point 2 de ce rapport. Il y est dit : ‘ L’ancien parti avait signé (...) caducs.’ Je m’interdis ici tout commentaire sur ce texte, sauf à relever une novation certaine dans la notion de contrat. J’enregistre simplement que l’Office est par la même relevé des obligations qu’il avait contractuellement acceptées. Et je vous prie de croire à l’assurance de mes sentiments socialistes. » Cette lettre est restée à l’état de manuscrit . Dans la marge, on trouve en effet ces quelques mots de la main de Guy Mollet : « a été décidé de ne pas répondre ». Désormais, tous les liens sont rompus avec le Parti socialiste. Il faudra attendre plus de cinq ans après le décès de Guy Mollet pour que des premiers contacts soient repris, sans pour autant aboutir à l’époque. Une nouvelle étape sera franchie au début de février 1972, quand les « molletistes » annoncent qu’ils créent une tendance au sein du Parti, en reprenant une dénomination des années trente : la Bataille socialiste. Cette création fait suite à une décision personnelle de Guy Mollet, dès avant le congrès d’Épinay. Il revient donc sur ces comportement antérieurs, pour deux raisons principales. La première est liée au nouveau mode de fonctionnement du Parti : chacun sait désormais qu’il y aura des tendances organisées. D’autre part, Guy Mollet et ses amis, sont convaincus des carences politiques et organisationnelles d’Alain Savary, dès avant Épinay (13) : il faut donc se démarquer, et mobiliser quelques troupes. Cette tendance n’a pas de conséquences directes sur la vie de l’OURS. Certes, les réunions de la Bataille socialiste se tiennent dans les locaux de la rue de Lille, certes, les dirigeants sont les mêmes, tels Denis Cépède, Claude Fuzier ou Jacques Piette. A la limite, on peut penser cette démarche enlève toute ambiguïté, et que l’OURS apparaîtrait comme encore moins lié à la vie du Parti (14). Pour autant, d’aucuns au PS continueront à mélanger les genres. Tête politique de la tendance, Claude Fuzier regrettera des années plus tard le lancement de la Bataille socialiste. Il sera d’avis qu’il aurait mieux valu dès les lendemains d’Épinay, comme il me l’a déclaré en 1991, « se retirer sur l’Aventin, et mener très fortement l’affaire de l’OURS. Tout de suite démarquer l’OURS des affaires du Parti et, au travers de quelques travaux spectaculaires et doctrinaux, nous marquer fortement à l’égard du Parti. » Il fallait témoigner, certes, mais sans apparaître pour autant comme les battus d’Épinay, animés par un esprit revanchard. L’OURS a-t-il subi les conséquences des changements au sein du Parti socialiste ? On peut le penser, dès après Épinay : les publications continuent de sortir, certes, la machine tourne, mais au ralenti. On le mesure par exemple au vu du courrier reçu, qui devient moins nombreux, moins intéressant. On le voit aussi en février 1972, quand Guy Mollet lance un appel, dans le Journal : « Est-ce que les ours connaissent leur crise de croissance vers la fin de leur troisième année ? Nous l’ignorons, mais nous avons l’impression qu’il faut secouer notre plantigrade, et ne pas lui permettre de ronronner comme un gros chat. » D’autre part, les comptes annuels font apparaître de légères - mais régulières - pertes d’exercice, compensées par des souscriptions et dons. Surtout, on peut penser que les nouvelles orientations du Parti, mais aussi ses nouvelles pratiques quotidiennes (méthodes de communication et de formation des militants) ne pouvaient que marginaliser l’OURS. Ici ou là, quelques prises de position politiques émaillent la vie de l’Office. Ainsi en 1972, dans le cadre du référendum sur l’Europe présenté par Georges Pompidou. Guy Mollet, dans l’OURS de mars, donne sa position. Il appelle à voter nul, et déclare qu’il introduira dans son enveloppe « deux bulletins : OUI à l’Europe démocratique et sociale, NON à l’Europe des trusts ». On peut comprendre un tel article, lié à un choix fondamental de société, dans son esprit, celui de la construction européenne, dont il a été l’un des artisans depuis la fin des années quarante. Plus surprenant, peut-être, pourrait paraître son article de janvier 1973, dans lequel il se félicite de la signature récente du programme commun de gouvernement, entre socialistes, communistes et radicaux de gauche, quand on connaît le jugement qu’il portait ailleurs sur ce même programme commun, qui ne réglait aucun des problèmes fondamentaux entre les partis de la gauche. Un peu plus tard, dans le cadre de la campagne présidentielle de 1974, Guy Mollet prendra position en faveur de François Mitterrand, « candidat le l’ensemble des forces représentatives de la gauche française » . C’est, écrit-il dans l’OURS d’avril, « une nouvelle et importante étape. A chacun de faire que ce soit une nouvelle et importante victoire ». Pour lui, l’OURS prime tout, et l’ultime étape est franchie le 6 avril 1975, quand il décide de se retirer davantage encore de toute activité politique. Il écrit ce jour-là à Léon Fatous, secrétaire général de la section socialiste d’Arras, pour l’informer qu’il ne sollicitera pas le renouvellement de ses mandats de maire, de député et de président du district d’Arras à leur expiration normale, c’est-à-dire en 1977 et 1978 : « Il faut savoir s’en aller. (…) Il faut que de plus jeunes assurent la relève. » En conclusion de sa lettre, il affirme sa volonté de se consacrer « au sein de l’OURS à la recherche au service du socialisme ». Mais il décède le 2 octobre 1975 à Paris. Les réactions sont innombrables. Parfois un peu gênées pour le PS, qui s’en remet avec prudence, sur l’action et la vie de Guy Mollet, au jugement de l’histoire, comme en attestent ces propos tenus par François Mitterrand devant le comité directeur socialiste du 4 octobre : « Le rôle rempli par Guy Mollet dans l’histoire du socialisme est tellement important que c’est aux historiens qu’il incombera de le décrire et de l’expliquer. » Le communiqué officiel du PS aborde de son côté l’OURS : « [Guy Mollet] avait choisi depuis plusieurs années de consacrer son expérience, son intelligence et son goût de la pédagogie à la recherche théorique et à l’étude des problèmes idéologiques dans le cadre de l’Office universitaire de recherche socialiste. Ce travail considérable, qu’il laisse malheureusement inachevé, aura largement contribué à enrichir la pensée socialiste ». Jacques Piette dans son discours aux obsèques n’oublie pas le fondateur de l’OURS, qui « retrouvait dans la dernière phase de son action militante la répétition des efforts et des choix de sa jeunesse ». Lui aussi, dans la conclusion de son discours, fixe rendez-vous à l’Histoire. Très vite, cependant, l’OURS est confronté à la dure réalité.
notes (13) Un premier numéro de la Bataille socialiste, sorte de « numéro 0 », a été publié en février 1971 par Jacques Fleury. (14) Dans un même registre, la création après 1975 de la Fondation Guy Mollet (devenue ensuite Centre Guy Mollet) avec le lancement d’un bulletin contribuera à dissocier l’OURS de la mémoire de l’ancien président du Conseil, là aussi pour lever toute ambiguïté.
| Vivre sans le fondateur |
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