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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Chambarlhac/Le monde ouvrier s'affiche
Ils sont où les ouvriers ?

par Vincent Chambarlhac
Article paru dans L’OURS n°382 novembre 2008

A propos de Frédéric Cépède, Eric Lafon, dir
Le monde ouvrier s’affiche. Un siècle de combat social
Codhos/ nouveau monde éditions, 2008, 128 p, 25 euros.

Le monde ouvrier s’affiche est d’abord une exposition dont ce livre n’est que le catalogue ; sa richesse iconographique ne peut que laisser des regrets à ceux qui –trop nombreux- n’eurent vent de celle-ci à la Galerie Becke-Odille-Boïcos qu’après-coup, une fois les portes refermées. Gageons que le Codhos, pierre angulaire de cette manifestation, puisse réitérer l’expérience.

En ouverture du catalogue, Christian Delporte présente l’évolution d’un siècle d’affiches ouvrières, de l’art prolétarien à l’art de la communication. L’on voit que l’affiche fut d’abord tract où primait le texte avant que la césure de l’Atelier des Beaux arts de 68 ne rompe cette tension au profit du graphisme avant que de s’édulcorer (se perdre ?) dans le marketing. La perspective cavalière met en appétit, prépare à des présentations plus précises d’ouvriers à l’affiche par Danielle Tartakowsky. L’ouvrier, et non l’affiche ouvrière ; soit des lacunes assumées dans cette présentation (p 31). Mais au final, ce corpus constitué à partir d’affiches tirées des fonds d’organisations, de centres d’archives, cerne une évolution, rappelle des figures cardinales de la geste ouvrière : le mineur puis le métallurgiste, les travailleuses… Les courtes pages consacrées à l’art de dire l’organisation (CGT, CFTC, FO, CFDT…) par l’image s’attachent à monter qu’en matière d’ancrage identitaire l’affiche est un outil de choix : ainsi de Force ouvrière et son inscription dans le temps long du mouvement ouvrier (p 83-85). La trop courte page 79 consacrée à la CGT qui se donne un genre à l’orée de 1990 quand prévalait auparavant la virilisation du syndicat esquisse ce que l’histoire du mouvement ouvrier par l’affiche peut gagner par des investigations proches de l’histoire culturelle. Car finalement dans l’affiche résonne une geste, une manière d’être à l’espace social, une représentation de soi, de l’organisation…

A ce point, la conclusion d’Eric Lafon et Frédéric Cépède – L’ouvrier dans l’affiche, et maintenant – mesure une disparition. Le monde ouvrier n’occupe plus l’affiche, sinon de manière excessivement allusive. Le propos fait écho aux analyses d’Antoine Prost sur la centralité perdue de la classe – et de l’histoire – ouvrière. Au terme d’une histoire séculaire, demeure à l’extrême gauche la tentation du texte chez LO et le choix du slogan à la LCR (nos vies valent plus que leurs profits) attestant de deux positionnements ; mais finalement, comme pour les partis de gauche, l’ouvrier n’est plus l’image des partis de gauche, car la classe ouvrière a évolué. Son continent s’est morcelé, si tant est qu’il fut un jour compact. Et les auteurs de noter alors qu’à cette progressive disparition correspond les glissements sémantiques du PCF, parti ouvrier, de l’ouvrier aux gens, au peuple… S’il était alors un court regret à formuler, ce serait sur le face à face PS-SFIO / PCF, présent dans les affiches mais jamais totalement abordé : si les organisations syndicales se disent par l’affiche, si le PCF s’affirme ainsi parti ouvrier (p 88), quid de la SFIO, du PS ? La matière pourtant, à contempler les reproductions, ne manque pas.

Tel quel donc, l’ouvrage séduit, introduit à une histoire de la représentation ouvrière par l’affiche que l’on aimerait encore poursuivre, les pages refermées. La bibliographie invite le lecteur à poursuivre ses investigations ; le guide des sources comble le curieux comme le chercheur.
Vincent Chambarlhac
 

 
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