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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Rémi Lefebvre:Vingtième siècle RS 42
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L�OURS hors s�rie 42, mars 2008 p. 113-118- Les nouveaux chantiers de l�histoire du socialisme, par REMI LEFEBVRE, professeur de sciences politiques � l�universit� de Reims.
La revue Vingti�me Si�cle (n�96, octobre 2007) consacre � l�histoire du socialisme qu�elle avait un peu d�laiss�e un dossier, titr� � nouvelles approches �. �tat des lieux.
Le parti, objet d�laiss� Premier constat : si renouvellement il y a, il tient plus aux perspectives adopt�es qu�aux nouvelles vocations suscit�es. La plupart des contributeurs sont des auteurs confirm�s, connus et reconnus pour leurs travaux ant�rieurs (deux doctorantes, Carole Bachelot et Aude Chamouard pr�sentent leur travail de th�se en cours). Le socialisme n��chappe pas ainsi � � l�effacement de l�analyse partidaire � qu�objective Fran�ois Audigier dans l�article qui cl�t le dossier, consacr� au � renouvellement de l�histoire des partis � et fond� sur une recension particuli�rement compl�te des travaux existants. Au Centre d�histoire de Sciences po, en 2005, sur 97 doctorants seuls trois travaillaient sur un parti politique ! Entre 2000 et 2005, Vingti�me Si�cle n�a publi� que quatre articles traitant d�un parti fran�ais. Le renouveau de l�histoire politique ne s�est pas manifest� par un regain d�int�r�t pour les partis. L�histoire sociale a quelque m�fiance � l��gard d�un objet canonique par excellence de l�approche politique. En science politique, on observe une d�saffection comparable m�me si le GEOPP, groupe de l�Association fran�aise de sciences politiques consacr� � l��tude des partis, a relanc� de mani�re tr�s dynamique l��tude des partis. Cette faible app�tence des jeunes chercheurs pour l�objet partisan n�est sans doute pas sans lien avec le discr�dit g�n�ral qui frappe aujourd�hui les partis politiques et l�engagement politique traditionnel de mani�re g�n�rale. La faible attractivit� des partis n�encourage pas les vocations d��tudes� Cette �volution ne doit pas masquer n�anmoins des transformations qualitatives : l�objet partisan n�est plus appr�hend� de la m�me mani�re. Le parti comme objet d��tude s�est d�compos� et recompos�. Ses fronti�res se sont d�plac�es. Il est cern� de mani�re plus oblique � travers le prisme des cultures partisanes, des r�seaux, des �lites, des mobilisations... Les travaux historiques sont aujourd�hui moins centr�s sur le nucleus partisan et d�borde les fronti�res de l�objet partisan, � raison. Les partis de droite, point aveugle de l�histoire des partis, font par ailleurs l�objet d�une attention plus forte. Longtemps consid�r�s comme des � partis de cadres �, invert�br�s et peu structur�s et donc non justiciables des analyses d�ploy�s pour les partis de gauche (dits parfois abusivement � de masses �), ils suscitent un regain d�int�r�t et transforment en retour l�approche sociologique des partis (� ce que la droite fait � l�approche des partis � �crit le politiste Julien Fr�tel). L�approche historique nouvelle des partis politiques semble aussi prendre en compte de mani�re plus forte les travaux de sciences politiques (discipline qui s�est elle-m�me beaucoup ouverte � l�histoire � travers le d�veloppement de la � socio-histoire �). On ne peut que saluer ces usages crois�s m�me si elles se heurtent toujours aux fronti�res disciplinaires.
Le dehors et le dedans Les articles rassembl�s t�moignent de ces �volutions en cours. On trouve certes des approches classiques qui gardent leur pertinence. Michel Winock pr�sente une synth�se de la place du PS dans le syst�me politique fran�ais, revenant sur l��nigme d�un parti qui reste longtemps aux marges du syst�me politique et constatant que les appels � la � refondation � sont r�currents dans l�histoire cyclique du socialisme fran�ais. Le num�ro de Vingti�me Si�cle commence ainsi un peu paradoxalement par un article de facture tr�s traditionnelle qui synth�tise la doxa historiographique sur le PS. Fran�ois Lafon s�attache � un th�me consacr� (mais d�laiss� de mani�re notable dans les travaux sur la p�riode plus r�cente) : l�analyse du leadership interne � travers le prisme du secr�taire g�n�ral, le gouvernement des partis. Comment le parti est-il gouvern� ? Il tente de r�soudre l��nigme historique de la dyarchie � magist�re moral/secr�taire g�n�ral � qui marque l�exercice de l�autorit� socialiste des d�buts de la SFIO jusqu�� la Lib�ration. Pourquoi les leaders marquants du Parti socialiste ne sont pas issus directement de ses rangs, ce qu�illustre la continuit� Jaur�s, Blum, Mitterrand (Guy Mollet except�) ? Cette dyarchie nous renseigne sur la nature de la l�gitimit� partisane. Il revient sur les conditions de possibilit� du long leadership de Guy Mollet et les transactions qu�il suppose avec les f�d�rations (conditions qui ne sont pas sans rappeler la mani�re dont Fran�ois Hollande a assur� son r�gne pendant dix ans, de mani�re assez identique, en s�appuyant sur les f�d�rations les plus influentes1�). C�est justement sur la p�riode r�cente, bri�vement �voqu�e en conclusion, que l�article suscite quelques frustrations. Le mod�le de la dyarchie aurait pu �tre mieux mis en regard de la situation �nigmatique de la derni�re p�riode. S�gol�ne Royal a construit son �ligibilit� pr�sidentielle en dehors et contre le Parti socialiste. Pourquoi Fran�ois Hollande ne s�est-il pas impos� � naturellement � comme le candidat socialiste ? La � d�mocratie du public �, le poids des sondages, le poids des m�dias sont des donn�es nouvelles � prendre en compte. � la fin des ann�es 70, Michel Rocard �tait plus populaire dans l�opinion que Fran�ois Mitterrand qui a pourtant �t� choisi comme candidat socialiste.
La d�connexion entre l�gitimit� partisane et l�gitimit� externe est justement un des axes de la contribution de Fr�d�ric C�p�de et Fabrice d�Almeida qui analysent � la tradition militante � l��preuve des logiques m�diatiques � nouvelles. On ne peut aujourd�hui analyser les partis ind�pendamment de l�environnement m�diatique dans lequel ils baignent et qui tend � diluer ou � mettre � l��preuve leurs cultures et leur identit�. Les fronti�res entre le � dedans � et le � dehors � du parti se sont bien d�plac�es, tout comme celles entre le � public � et le � priv� �. Le socialisme, rappellent les auteurs, n�est pas seulement une id�ologie mais une morale individuelle, une pr�sence au monde, d�o� les tensions de � l��tre socialiste � (les auteurs rappellent opportun�ment les r�actions suscit�es par la communion de la fille de Jaur�s, le go�t de L�on Blum pour � l�argenterie �..). Le parti politique est � la fois marqu� par des enjeux propres, un � entre-soi �, des prescriptions de r�le et d�identit� et une organisation ouverte et � d�mocratique � (les rituels du congr�s t�moignent bien de cette ambivalence constitutive). L�id�ologie m�diatique de la transparence, le go�t des journalistes pour les coulisses, le primat du jeu sur les enjeux, la personnalisation des probl�mes mettent sous tension les normes partisanes, la discipline, l�esprit de parti, l�identit� de l�organisation qui se cristallise dans des rites, des symboles, un langage� L�identit� socialiste, m�me � variable et peu contraignante � historiquement, en est affaiblie et corrod�e. Les � pr�sentations de soi � du leader socialiste ont beaucoup �volu�, de la rigueur asc�tique des premiers dirigeants � la frivolit� � people � de S�gol�ne Royal (qui ne s�embarrasse pas des codes empes�s de l�entre soi socialiste et se r�v�le d�ailleurs tr�s peu attach�e � son patrimoine historique). On rapprochera utilement ces analyses du dernier ouvrage de Philippe Marli�re qui interroge la fabrique de la m�moire socialiste et le faible int�r�t du parti pour son histoire2. Le pass� socialiste n�engage plus que des controverses de sp�cialistes ou est instrumentalis� pour ressusciter l�opposition rituelle entre r�volutionnaires et r�formistes, par les entrepreneurs de la � modernisation � socialiste notamment. Cet abandon de l�histoire, notons-le au passage, laisse disponible le patrimoine socialiste, pr�empt� par Nicolas Sarkozy lors de la derni�re �lection pr�sidentielle (� travers la figure de Jaur�s notamment).
Le socialisme dans le social Mais dans l�ensemble les contributions rassembl�es sont marqu�es par le souci de r�encastrer l�objet � parti � dans le social et dans le local. Le dossier nuance ainsi la th�se de � la faiblesse � g�n�tique du socialisme fran�ais, l�apesanteur sociale qui le caract�riserait mais aussi celle de sa faible int�gration institutionnelle. La question du poids des �lus est ainsi reconsid�r�e dans le prolongement d�autres travaux. On a beaucoup parl� dans la presse (Le Monde notamment) lors de la derni�re campagne municipale du poids du � socialisme municipal � qui fut longtemps un double impens� historiographique et historique. La force que repr�sente pour le PS les collectivit�s locales est d�sormais une r�alit� prise en compte � la fois par les observateurs et les dirigeants. Aude Chamouard qui consacre une th�se au socialisme municipal dans l�entre-deux-guerres revient sur l�importance des maires dans le socialisme. Elle analyse le processus d� � acculturation aux r�gles r�publicaines � qui se produit au niveau local et montre que les relations avec les pr�fets (� la fois adversaires et partenaires des �diles socialistes d�s lors que ces derniers cherchent � d�velopper l�interventionnisme municipal) contribuent � domestiquer le socialisme municipal. No�lline Castagnez analyse le processus de notabilisation qui marque la IVe R�publique selon elle (ne s�amorce-t-il pas d�s l�entre-deux-guerres comme les travaux de Guillaume Marrel ou R�mi Lefebvre sur le socialisme municipal semblent le montrer ?). Elle montre chiffres � l�appui que professionnalisation et d�souvri�risation vont de pair (la notabilisation n�affecte-elle pas y compris les �lus ouvriers ?). Sa d�marche est tr�s proche des politistes qui se sont int�ress�s aux �lites et aux notables qu�elles citent (Pierre Gr�mion, Denis Lacorne, Philippe Garraud�). Histoire et sciences politiques dialoguent ici parfaitement dans un m�me � espace �pist�mologique �, dirait le sociologue Jean-Claude Passeron.
Gilles Morin propose dans un article qui fera date une synth�se passionnante et suggestive de la transformation des r�seaux socialistes entre 1905 et 1981, partant de l�id�e que ce parti � faible � a d�montr� sur le si�cle une exceptionnelle capacit� de rebonds et de r�sistance, ce qu�il nomme � l�adaptabilit� de l�organisation �. Il faut forger selon l�auteur de nouveaux outils pour penser un parti qui ne rel�ve ni du parti de masses, ni du comit� �lectoral, ni de la contre-soci�t�. Il met en r�cit � la force des liens faibles � qui marque les rapports entre le PS et les syndicats. Son analyse de l��volution du milieu la�que dont l�influence est d�cisive, des r�seaux enseignants et ma�onniques, qui tient � la fois de l��tat des lieux et du programme de recherche est particuli�rement stimulante. L�outil prosopographique constitue une m�thodologie pertinente pour explorer ces diverses probl�matiques.
La parenth�se � militante � des ann�es soixante-dix pendant laquelle le PS reconstruit ses liens avec une soci�t� en mutation fait l�objet d�une contribution sp�cifique d�H�l�ne Hatzfeld. Les ann�es soixante-dix sont marqu�es par une humeur � anti-institutionnelle �, la politisation de la vie quotidienne, l��mergence de nouvelles causes � post-mat�rialistes � (cadre de vie, f�minisme, d�mocratie�), une volont� de � faire la politique autrement �, de d�passer les logiques de d�l�gation, d�exp�rimenter de nouvelles pratiques politiques� port�e par divers groupes (PSU, CFDT, club Jean Moulin, associations�). Le PS, en pleine refondation organisationnelle et id�ologique, l�gitime, porte et accompagne ces �volutions qui traduisent des transformations de son �lectorat mais, pris dans une logique repr�sentative-�lectorale et marqu� par le poids de ses �lus locaux, tente aussi de les domestiquer. Il est pris dans une double injonction et un double syst�me de contraintes : appara�tre comme un parti ouvert et devenir une machine �lectorale performante en s�appuyant sur l�armature de ses �lus locaux. On retrouve en somme dans cette p�riode les contradictions du socialisme fran�ais.
L�article de la politiste Carole Bachelot propose enfin une analyse comparative, autre voie de renouvellement de l�approche du socialisme, souvent excessivement � franco-centr�e �. L�unique politiste du num�ro mobilise beaucoup l�approche historique pour comprendre l�ethos des organisations (pr�gnance d�un mythe fondateur de l��galit� dans les deux cas analys�s, fran�ais et anglais). Elle analyse la transformation des groupes dirigeants au PS et au Labour en lien avec les transformations de l�organisation. Malgr� des processus de d�mocratisation diff�rents, les deux partis ont adopt� des nouvelles r�gles similaires (l�individualisation du vote pour se moderniser) qui produisent des effets contrast�s. Les processus de � d�mocratisation � interne ob�issent ainsi � des logiques tr�s diff�rentes. Elle concilie analyse du pr�sent et prise en compte du poids des cultures partisanes, h�rit�es du pass�, montrant par l�-m�me l�int�r�t d�une fertilisation crois�e des approches politistes et historiques. Esp�rons que nous n�attendrons pas trop longtemps le prochain num�ro de Vingti�me Si�cle consacr� au socialisme� R�mi Lefebvre (1) Les r�centes d�clarations de Georges Fr�che sur sa volont� d�assurer le soutien de cinq f�d�rations � S�gol�ne Royal a encore d�montr� que les pr�tendants � la direction du PS doivent composer avec ce poids de la p�riph�rie. (2) Philippe Marli�re, La m�moire socialiste, Paris, L�Harmattan, 2007. |
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© L'OURS - 12 cit� Malesherbes 75009 Paris
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