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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Amédé Dunois, Archives socialistes, 1933
Amédée Dunois,
« Pour la bibliothèque du Parti »,
La vie du Parti, n°42, 10 avril 1933

Est-il encore question de créer à Paris un Institut d’histoire des doctrines socialistes et des mouvements ouvriers ? Le projet en fut formé, il y a quelques mois, tout au plus, par un “ bureau provisoire ” à la tête duquel se trouvait Ernest Poisson. Une circulaire de prospection, répandue à quelques douzaines d’exemplaires, fit recueillir sur le champ un certain nombre d’adhésions, lesquelles permirent de constituer un comité de patronage, où se lisent les noms de plusieurs camarades du Parti, Bracke, Delépine, Dunois, Longuet, Poisson, de communistes indépendants, comme Boris Souvarine et Maurice Dommanget, l’historien de Babeuf et de Considérant, d’anarchistes comme M. Pierrot, Paul Reclus et Jean Grave ; de professeurs comme MM. Prud’hommeaux, l’historien de Cabet, et Aftalion ; de gens de lettres comme André Gide, Hans Ryner, André Lebey, Pierre Hamp, A. Zevaès, J.G. Prod’homme, On y voit même, et l’on s’en étonne, le nom de M. Albert Willm, ancien député du Parti. Mais M. Willm, qui conférencia cet hiver à l’institut d’Action française, a dû en une seconde de distraction, faire erreur et se tromper de porte.

J’ignore où en sont les travaux d’approche et s’ils aboutiront au résultat qu’on se propose. Je le souhaite bien vivement. Le socialisme et le mouvement ouvrier, entendus l’un et l’autre au sens le plus extensif, ont derrière eux une longue et magnifique histoire, dont rien ne devrait être perdu, dont notre soin constant devrait être de remettre en lumière les moindres particularités. Que faisons nous pourtant à cet égard ? Si peu, que ce peu-là pourrait bien être égal à rien !

Un vieux projet !
Je me souviens qu’à la fin de 1912 je rédigeai à l’intention de l’excellent Louis Dubreuilh, alors secrétaire général du Parti, une sorte de rapport dont la conclusion était qu’il fallait créer, en annexe au secrétariat, ce que j’appelai le « Musée social socialiste », c’est-à-dire une bibliothèque doublée d’archives, où seraient rassemblés et classés sous les documents imprimés, manuscrits ou autres se rapportant au passé de la classe ouvrière ou intéressant soit son présent, soit son avenir.

– Pourquoi, disais-je à Dubreuilh, abandonner aux bourgeois conservateurs du Musée social - gens fort aimables au surplus – ce que nous pouvons faire aussi bien et mieux qu’eux ?

Dubreuilh me remercia beaucoup de mon initiative et mit – en homme d’ordre qu’il était – mon rapport dans un tiroir. Il n’en est jamais sorti.
Mais lorsqu’il y a un peu plus de deux ans – déjà ! – fut créé, au centre du Parti, l’Office de documentation et de propagande, mon projet de 1912 me revint en mémoire et je m dis qu’un jour il ne serait sans doute donné de la réaliser.

Le temps, jusqu’à maintenant, m’a fait défaut. Mais on ne peut tarder davantage. Il importe de se mettre à l’œuvre et de poser les premiers jalons. Je le dis bien vite : il ne s’agit aucunement, en ma pensée, d'aller sur les brisées de l’Institut d’histoire projeté par l’ami Poisson. Le champ est vaste et il y a place pour tous les ouvriers qui ne seront jamais très nombreux. Entre l’Institut d’histoire et ce que nous voulons faire, il ne saurait être question de concurrence, mais, au contraire, de coopération.

N’attendons pas davantage. N’attendons pas que le temps, ce terrible rongeur, ait fait son œuvre de lente destruction. Mettons-nous, immédiatement, à l’œuvre pour sauver tout ce qui, des témoignages du passé ouvrier et socialiste, de ce passé qui nous est cher et dont nous voulons entretenir par mi nous, sinon le culte, du moins la connaissance et l’amour, peut être sauvé encore. Dans la circulaire qu’ont envoyée le 3 janvier dernier, les promoteurs de l’Institut d’histoire, ils attiraient l’attention sur “ la perte quotidienne ” des documents relatifs à l’histoire prolétarienne :

“ Nous avons appris, disaient-ils, que la correspondance et les papiers de Benoît Malon avaient été perdus dans un déménagement : que les clichés des œuvres d’un patriarche du socialisme avaient été envoyés à la fonte ; qu’un professeur de l’École d’anthropologie, dans son irritation de ne pouvoir trouver un acquéreur ou même un dépositaire pour sa bibliothèque et ses papiers, les avait brûlés dans son jardin ; que des collections de journaux doctrinaux avaient été vendus aux vieux papiers, etc. ”

Ce que nous voulons faire
L’Office de documentation voudrait, dans toute la mesure du possible, faire opposition à cette œuvre de destruction néfaste. Il médite de réunir, au siège du Parti, rue Victor-Massé, non seulement tous les imprimés se rapportant à son objet propre qui est de documenter les militants socialistes et de leur fournir, en vue du combat quotidien, des armes et des munitions, mais encore tout ce qui touche au passé socialiste et prolétarien français : livres, revues, brochures, tracts, affiches, dessins, photographies, voire manuscrits.

Ce n'est pas, certes, que rien n'ait été fait jusqu'ici dans ce sens, au Parti. Voilà des années que notre camarade René Hug, secrétaire administratif, s'efforce, presque sans moyens - j'entends sans moyens financiers – de nous doter d'une bibliothèque, et son effort assidu n'est pas resté sans effet. Notre bibliothèque n'est pas étonnamment riche, bien sûr. Mais enfin, il n'y manque pas grand-chose de ce qui a paru en librairie depuis une dizaine d'années. Ce dont nous sentons le besoin, c'est de remonter, plus haut dans le passé. Dans une bibliothèque digne de ce nom, les ouvrages anciens ne sont pas moins nécessaires que les nouveaux.

Ce que nous possédons d'antérieur à 1914 est, pour l'heure, étonnamment pauvre. Nous avons, il est vrai, quelques années reliée de la Petite République, qui fut socialiste de 1893 à la fin de 1903, nous avons une collection presque complète (à un ou deux semestres près) de l'Humanité. Nous n'avons, malheureusement, ni la Revue socialiste, ni le Mouvement socialiste, ni la Vie ouvrière, ni l'Humanité nouvelle, ni Socialisme et lutte de classe ; nous avons le Devenir social, dont le secrétaire de rédaction, notre regretté ami Alfred Bonnet, est mort dernièrement à Nice. Mais nous n'avons pas l'Ere nouvelle (qui, en 1892-93, précéda immédiatement le Devenir social. Nous avons le Socialiste et le Socialisme, mais nous n'avons pas l'Avant-Garde (1905-1906), ni l'Action directe (1907-1908), ni la Voix du peuple, le vieil organe de la vieille CGT. Et nous souffrons de cette pauvreté.

Quant aux brochures parues avant la guerre autant dire que nous n’en possédons à peu près aucune. Nous n’avons pas davantage celles qu’ont publiées les diverses organisations socialistes d’avant la première unité, ni celle de la Bibliothèque socialiste, de Bellais, ni celles du Mouvement prolétarien, de Rivière ; ni les Cahiers du socialiste, dont notre ami Henri Lévy-Bruhl compte reprendre la publication suspendue en 1914.

Il y a quelques mois, je reçus la visite d’un jeune Américain qui faisait en Europe de recherches d’histoire socialiste. Il était émerveillé des richesses bibliographiques rassemblées à Berlin, à Francfort et à Vienne, par la social-démocratie allemande et la social-démocratie autrichienne. Il espérait être admis à aller consulter sur place les incomparables collections – les plus riches du monde et les plus splendidement agencées – rassemblées à l’Institut Marx-Engels de Moscou par l’infortuné David Riaznov, mort récemment, mort de chagrin d’avoir été arraché brutalement à son œuvre et réduit à l’inactivité absolue. Mon jeune Américain ne put cacher la déception, nuancée d’ironie méprisante, qu’il éprouva quand je dus lui révéler combien nous étions pauvres de documents pouvant l’intéresser.

Eh bien, il fut que cela change, et cela changera. Il faut constituer enfin, rue Victor Massé, où ce n’est pas la place qui manque, une bibliothèque socialiste digne du grand parti de 137 000 membres, dont l’influence rayonne sur 2 millions de citoyens.

Le Fonds Jules Guesde
Mais avant de faire appel à ceux des nôtres qui peuvent et voudront nous aider dans notre entreprise, il convient de leur faire part d’une nouvelle encourageante.

Nous allons nous enrichir, d’ici peu, de la bibliothèque personnelle de Jules Guesde, qui, déposée jusqu’à ces jours derniers chez Bracke, va être transférée rue Victor Massé. Il y a là quantité de pièces qui ne courent pas précisément les rues. Ce sera le fonds Jules Guesde. Il constituera le noyau central de nos collections futures. Nous aurons sans doute l’occasion de revenir là-dessus.

Mais le fonds Jules-Guesde sera loin, très loin de satisfaire à lui seul nos exigences qui sont grandes, à nos ambitions qui sont démesurées… On n’y trouve même pas, me disait Bracke, toutes les œuvres personnelles de Guesde : le fameux livre rouge de la justice rurale, par exemple, en est fâcheusement absent. Nous ne désespérons pas – un bibliothécaire ne désespère jamais – de pouvoir un jour ou l’autre, nous le procurer.

Comment comptons nous parvenir à meubler les rayons de notre bibliothèque ?

Par des achats et par des dons.

Les achats donneront relativement peu, tant que l’Office ne disposera pas de crédits à cet effet. Peut-être les obtiendra-t-ils, un jour, de la munificence du Parti. Mais les dons pourraient, à notre avis, en attendant ce jour béni, suppléer aux achats que notre pauvreté nous interdit.

Appel à tous
Et voilà pourquoi nous adressons aujourd'hui à tous un premier appel – que d’autres suivront, soyez-en bien sûrs !

Nous l’adressons surtout, cet appel, aux vieux militants et aux héritiers de militants d’hier et d’avant-hier.

Nous leur disons : “ C’est bien le diable, voyons, si vous n’avez pas, sur un rayon ou dans un fond d’armoire, des brochures, des journaux, des bouquins socialistes. Vous les gardez parce que le plus souvent vous ne savez qu’en faire. Vous les gardez, sans jamais les ouvrir, jusqu’au jour où la ménagère ne voyant là que du papier poudre en allumera son feu ou les cèdera à quatre sous au chiffonnier qui passe.

“ Songez que ces vieux papiers qui dépareillés, ne valent rien, prennent si on les rassemble, un intérêt historique de premier ordre.

“ Donnez-les-nous ! Ils serviront à constituer la bibliothèque du Parti ouverte à tous, utile à tous, et qui honorera le parti !

“ Ne dites pas ! Ces vieux papiers sont certainement sans importance. Pour vous peut-être, qui n’en faites rien ; pour nous, ils en ont certainement beaucoup. ”


Nous reviendrons sur ce projet que nous n’avons fait aujourd’hui qu’amorcé. Nous publierons la liste de tout ce qui nous sera donné. Nous répondrons par lettre à toutes les offres qui nous seront faites. Avec l’aide de tous, le Parti aura sa bibliothèque. Il n’est que temps.

Amédée Dunois
 

 
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