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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Chapuis/Bédéï/L'OURS 423
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1848, la littérature dans la mêlée par ROBERT CHAPUIS
à propos de Jean-Pierre Bédéï, La plume et les barricades. De Lamartine à Baudelaire, les grands écrivains dans la révolution de 1848, Express Roularta éditions, 2012, 299 p, 19,90 e
Article paru dans L’OURS n°423, décembre 2012, page 1.
Cherchant à approfondir le lien entre politique et littérature, Jean-Pierre Bedeï a choisi de centrer son regard sur « les grands écrivains dans la révolution de 1848 ». En journaliste avisé, il a mené l’enquête à travers les archives(celles de l’Assemblée nationale notamment) et les nombreux journaux qui circulent durant cette période. La liberté de la presse est en effet une revendication primordiale depuis les années 1830 et l’année 1848 a vu naître – parfois pour deux ou trois numéros ! – nombre de titres auxquels les écrivains ont largement contribué.
L’année 1848 est découpée en quatre périodes, de la naissance de la Deuxième République, après l’éviction de Louis-Philippe le 24 février 1848, jusqu’à son extinction annoncée avec l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte comme président de cette même République le 21 décembre 1848. Dans l’intermédiaire, on aura vu comment la République s’est fragilisée entre pression populaire et riposte autoritaire : d’un côté, une promesse socialiste encore incertaine (avec Blanqui, Raspail, voire Ledru-Rollin), de l’autre, la crainte du retour de la Terreur de 1793 et le rétablissement de l’ordre bourgeois avec Cavaignac. Le 24 juin 1848, face aux barricades, l’armée et la garde nationale n’hésitent pas à tirer pour mettre fin à la révolte ouvrière. Politiques et poétiques Au fur et à mesure que se déroule cette année fort particulière, Jean-Pierre Bédéï nous fait vivre le comportement et les réflexions de 17 écrivains – « de Lamartine à Baudelaire » – auxquels s’ajoute celui qu’on appellerait aujourd’hui un politologue, Alexis de Tocqueville. Il est très intéressant de retrouver ces grands noms de la littérature dans la marmite politique prête à exploser à tout moment ! On ne saurait les citer tous, mais on s’aperçoit que les plus politiques sont aussi, en quelque sorte, les plus « poétiques ». Il s’agit de Lamartine, éphémère président du gouvernement provisoire qui instaure la République et le suffrage universel (dont il sera une victime consentante !) et de Baudelaire qui vénère Proudhon et ne craint pas de s’afficher sur les barricades. Les envolées lyriques de l’un tranchent avec le dandysme engagé de l’autre, mais ils sont honnêtes et sincères.Un autre « grand écrivain » qui a marqué le siècle de son génie, Victor Hugo, montre plus de contradictions. L’année 1848 est pour lui une césure entre la vision romantique plutôt conservatrice de sa jeunesse et l’engagement républicain qui va l’opposer à « Napoléon le petit » (pour lequel il a néanmoins voté en décembre 1848…). Il y a aussi George Sand qui essaye de naviguer entre la réalité rurale à Nohant et une société idéale dont elle voit les prémisses dans les journées révolutionnaires à Paris. Mais elle ne vote pas, comme toutes les femmes de son époque…
Ce n’est pas le cas d’Alexandre Dumas qui se porte candidat chaque fois qu’il y a une élection : hélas ! malgré des campagnes tonitruantes il n’arrive jamais à se faire élire !… La plupart des écrivains pensent que leur autorité morale et leurs succès littéraires ou théatraux suffisent à les distinguer et à leur valoir soit le suffrage soit la reconnaissance du bon peuple (ainsi de Vigny, Gautier, Mérimée…). D’autres préfèrent s’écarter d’une populace qu’ils craignent autant qu’ils la méprisent (Balzac, Barbey d’Aurevilly). Tocqueville, lui, est élu et peut participer à une Assemblée qui reste fort éloignée des principes « de la démocratie en Amérique ».
Le livre fourmille d’anecdotes et de citations fort plaisantes et instructives. Il conduit aussi à une réflexion dont on peut faire profit aujourd’hui. En 1848, on voit bien qu’un temps se termine avec la mort de Chateaubriand (dont l’ombre portera plus loin grâce aux Mémoires d’Outre-Tombe) et qu’un autre commence avec les réactions juvéniles de deux nantais (Nantes, une ville marquée par l’histoire !...) Jules Vallès qui s’enthousiasme pour les « insurgés » et Jules Verne fasciné par le monde nouveau qu’il découvre à Paris. Ne sommes-nous pas nous aussi dans un entre-temps ?
La littérature a une valeur universelle, mais quand on s’arrête sur une période donnée, on s’aperçoit que les écrivains s’inscrivent dans la contingence. La plume les porte souvent loin des barricades…Quand on y regarde de plus près, comme le fait Jean-Pierre Bédéï, on apprend à mieux distinguer la vérité des personnes et la qualité de leurs ouvrages. C’est une leçon d’humanité, sinon d’humilité.
Robert Chapuis
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