Pineau/simple vérité 345

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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE

Pineau/simple vérité 345

PINEAU EN SIMPLE VERITE, par Françoise Nouailles

Christian Pineau
De Buchenwald aux traités de Rome
Alya Aglan et Denis Lefebvre (dir.)
Bruno Leprince 2005 206 p 18 e

Mélant interventions d’universitaires ou d’historiens et témoignages de compagnons, camarades et de membres de la famille, les actes de la journée d’études organisée en 2003 par l’OURS et les amis de Christian Pineau, restituent les multiples dimensions d’un homme à bien des égards attachant et déroutant. Les vies de Christian Pineau (1904-1995), qui le conduisirent à jouer un rôle non négligéable dans des pages importantes de l’histoire nationale et internationale, mettent à mal la tentation rationnaliste de l’historien. Elles l’invitent à observer les engagements et les choix d’un homme aux moments où ils se posèrent, à ne pas les analyser comme le fruit de stratégies ou de calculs. Comme le notent plusieurs des intervenants, Christian Pineau ne s’identifia jamais aux fonctions qu’il occupa ni aux organisations, politique ou syndicale où il milita et prit d’éminentes responsabilités. Sans atteindre cependant les premières places, dans le syndicat, le parti ou la polique, de celles qui peuvent permettre de graver son nom dans la mémoire collective nationale. Le parcours du militant cégétiste disciple de Jouhaux avant-guerre (rappelé par son biographe Jean-Frédéric Desaix), du résistant syndical fondateur de Libération-Nord (Alyan Aglan), ce compagnon de la Libération qui fut pour de Gaulle " un vaillant compagnon ", de l’économiste réformateur (Michel Margairaz), du militant et ministre socialiste (Denis Lefebvre), signataire des traités de Rome en 1957 (Gérard Bossuat), le mérite. Mais que privilégier ?
" S’il faut chercher la grandeur dans notre objet d’étude, c’est pourtant dans ce moment résistant qu’elle est le plus indubitablement présente ", écrit Claire Andrieu, professeure des Universités à l’IEP de Paris, dans sa conclusion. Jacques Moalic, compagnon de déportation de Christian Pineau, témoigne : " Nous avons appartenu au même convoi, celui parti du camp de Compiègne le 14 décembre 1943 et arrivé à Buchenwald à l’aube du 16. C’était le cinquième convoi de Français à entrer à Buchenwald. […] Il n’est à Buchenwald qu’un détenu inconnu, Jacques Grimaux, arrêté le 3 mai 1943, devenu n°38418. [… ] Ce pseudo, c’est pour lui la vie, et les rares camarades qui savent garderont le silence. Pourtant, ne pas pouvoir faire entendre sa voix comme l’un des chefs de la Résistance sera pour lui une épreuve, notamment devant le prétentions de certains, qui ne possédaient pas ses titres. " Au moment de la célébration du 60e anniversaire de la libération des camps, l’émotion saisit le lecteur au rappel des faits ordinaires, sans affect, des conditions que subirent ces déportés, organisant leur survie en maintenant les liens d’humanité et de solidarité, comme le fit avec autorité un Christian Pineau doublement privé de son identité et de sa liberté. La saisissante photographie publiée en double page de Jacques Grimaux et de ses compagnons, prise au moment de la libération du camp porte témoignage des épreuves traversées.
Il y a beaucoup à découvrir dans ce livre sur cet atypique député de la Sarthe, ce nouvelliste et conteur – son violon d’Ingres – publié dans la bibliothèque étoilée (Hachette) appréciée des enfants sages dans les années 1950 et 1960, ce subtil mémorialiste de la Résistance dans La simple vérité. Christan Pineau, passeur et témoin d’un siècle, homme de convictions et simple militant, est un bon guide pour relire le XXe siècle.
Françoise Nouailles