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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Florent Le Bot / Refaire société / L'OURS 414
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| Individus, démocratie et capacités par Florent Le Bot
A propos de La république des idées (collectif), Refaire société (préf. Pierre Rosanvallon), Seuil, 2011, 96 p., 11,50 €
Article paru dans L’OURS, n°414, janvier 2012, p.1.
Retour au XIXe siècle ? Pierre Rosanvallon en ouverture du livre signale des éléments de flagrante proximité : l’exacerbation de « l’individualisme » (terme inventé par le socialiste Pierre Leroux pour en dénoncer les méfaits) ; la figure balzacienne du rentier qui « s’enrichit en dormant » ; les diatribes xénophobes barrésiennes… Mais le constat, le préfacier en convient, paraîtrait court, s’il ne se prolongeait par une analyse des spécificités contemporaines : à l’injonction « d’autonomie parfaite » (« soyez entrepreneur de votre vie ! »), l’ouvrage répond par une mise en questions des capacités effectives des individus à sa réalisation.
Promouvoir les capacités des individus ? « Un individu ne tient pas debout tout seul : à défaut de points d’appui assurés, il risque la mort sociale. » Tel est le ferme constat du sociologue Robert Castel à partir duquel s’établit la nécessité de promouvoir la constitution d’un socle de ressources ou encore les supports nécessaires afin de pouvoir se conduire socialement en tant qu’individu. Pourtant, la généralisation des indicateurs de performance, le « benchmarking » généralisé, les notions en cascade de « gouvernabilité », « d’employabilité », etc., contribuent à une « chosification » de l’individu plus qu’à la promotion de son autonomie, au risque d’ailleurs de la démocratie. Qui fixe les indicateurs, selon quelles logiques et sous quel contrôle ?
Défendre l’Entreprise face à la Finance ? C’est à l’une de ces notions de notre postmodernité, l’un de ces « démonte-pneus » de la pensée, que s’attaque l’un des textes les plus stimulants du livre (parmi six contributions qui traitent entre autres de « la fabrique des solitudes », de « la lutte contre les discriminations raciales », etc.) sous la plume de Blanche Segrestin et Armand Hatchuel. Ainsi, la « corporate governance », qui fait référence aux dispositifs permettant aux actionnaires d’encadrer le pouvoir des dirigeants, contribue puissamment à déprécier d’éventuelles stratégies de long terme. Milton Friedman indique à ce propos, dans un célèbre article de 1970, que « la responsabilité des dirigeants est de servir les intérêts des actionnaires ». Nous en mesurons pleinement les effets et les conséquences aujourd’hui… Merci Milton ! La parade pour les deux auteurs est à trouver du côté de la création d’un droit de l’entreprise (en droit, seules les sociétés ont une existence, l’entreprise n’émergeant qu’à travers le droit commercial ou le droit du travail – par la voie des contrats) permettant de relégitimer l’autorité des dirigeants et d’asseoir leur marge de manœuvre vis-à-vis des intérêts particuliers (et notamment des actionnaires) tout en refondant les relations dirigeants-salariés autour d’un intérêt commun – mettre les dirigeants en capacité de et dessiner des perspectives stabilisées pour les salariés.
Enrichir la vie démocratique ?
Mise à part cette proposition précisément articulée d’un droit de l’entreprise, mise à part l’affirmation de quelques grands principes (le triptyque « priorité à l’individu », « priorité à l’égalité », « priorité à la démocratie ») et de courtes réformes nécessaires (« la limitation des très hauts revenus » ; cette option bien qu’essentielle ne fait pas une politique dans la durée…), le livre offre malheureusement peu de perspectives. Peut-être aurait-il pu, pour trouver lesdits prolongements, se tourner vers des penseurs tel que le prix Nobel d’économie Amartya Sen qui mène une réflexion autour de la question des « capacités » : quelles voies à suivre, quelles politiques, quelles institutions, etc. afin de promouvoir les capacités des individus ? De manière lapidaire, la Justice pour l’égalité d’accès au développement plutôt qu’une pure égalité … dans le ciel des idées.
De ce point de vue, la démocratie n’est pas que l’expression du vote (un Homme = un autre Homme = une voix) ; c’est aussi la promotion de l’accès aux connaissances : s’emparer par exemple de la novlangue des évaluateurs de tous poils s’avère plus que jamais un enjeu décisif.
Florent Le Bot
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