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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Jaurès, Guesde, les socialistes et la Patrie
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Patrie et patriote au temps de Jean Jaurès et de Jules Guesde
Nous publions donc ici les définitions, renvois et les principaux textes choisis des entrées «Patrie», «Patriote» (pp. 614-620) du Grand dictionnaire socialiste( A. Quillet, 1924) de Compère-Morel qui puisent aussi bien les grandes références chez Jaurès que chez Guesde. Prolongeant L’encyclopédie socialiste (Aristide Quillet, 1912-1921, 12 volumes) dont il constitue d’une certaine façon l’index, ce Grand dictionnaire est une mine documentaire dans laquelle des générations et des générations de responsables socialistes se sont formées. Cette entreprise – « guesdiste », certes – avait su s’ouvrir à tous les courants de la SFIO. On constate, non sans surprise, que dans ces publications les entrées « nation » ou « nationalisme » sont extrêmement succinctes. (F. C.) Ces documents ont été publiés dans le Recherche socialiste n° 2 mars 1998
PATRIE Pays auquel on appartient par la naissance, la culture, les traditions et les mœurs. — Voir Défense nationale ; Arbitrage international ; Armée ; Guerre ; Manifeste des communistes»
Jean Jaurès, Revue de Paris, , 1er décembre 1898
« À coup sûr, le socialisme et le prolétariat tiennent à la patrie française par toutes leurs racines. Dès la révolution bourgeoise, le peuple acculé défendait héroïquement contre l’étranger la France nouvelle ; il y pressentait dorénavant son patrimoine futur. De plus, l’unité nationale est la condition même de l’unité de production et de propriété, qui est l’essence même du socialisme. Enfin toute l’humanité n’est pas mûre pour l’organisation socialiste, et les nations en qui la Révolution sociale est préparée par l’intensité de la vie industrielle et par le développement de la démocratie, accompliront leur œuvre sans attendre la pesante et chaotique masse humaine. Les nations, systèmes clos, tourbillons fermés dans la vaste humanité incohérente et diffuse, sont donc la condition nécessaire du socialisme. Les briser, ce serait renverser les foyers de lumière distincte et rapide pour ne laisser subsister que l’incohérente lenteur de l’effort universel, ou plutôt ce serait supprimer toute liberté, car l’humanité ne condensant plus son action en nations autonomes, demanderait l’unité à un vaste despotisme asiatique. La patrie est donc nécessaire au socialisme. Hors d’elle, il n’est et ne peut rien, même le mouvement international du prolétariat, sous peine de se perdre dans le diffus et dans l’indéfini, a besoin de trouver dans les nations mêmes qu’il dépasse, des points de repère et des points d’appui. »
Jean Jaurès , L’Armée nouvelle, 1910
« Quand on dit que la révolution sociale et internationale supprime les patries, que veut-on dire ? Prétend-on que la transformation d’une société doit s’accomplir de dehors et par une violence extérieure ? Ce serait la négation de toute la pensée socialiste, qui affirme qu’une société nouvelle ne peut surgir que si les éléments en ont été déjà préparés par la société présente. Dès lors, l’action révolutionnaire et internationale, universelle portera nécessairement la marque de toutes les réalités nationales. Elle aura à combattre, dans chaque pays, des difficultés particulières ; elle aura, en chaque pays, pour combattre ces difficultés, des ressources particulières, les forces propres de l’histoire nationale, du génie national. L’heure est passée où les utopistes considéraient le communisme comme une plante artificielle qu’on pouvait faire fleurir à volonté, sous un climat choisi par un chef de secte. Il n’y a plus d’Icaries. Le socialisme ne se sépare plus de la vie, il ne se sépare plus de la nation. Il ne déserte pas la patrie ; il se sert de la patrie elle même pour la transformer et pour l’agrandir. L’internationalisme abstrait et anarchisant qui ferait fi des conditions de lutte, d’action, d’évolution de chaque groupement historique ne serait plus qu’une Icarie, plus factice encore que l’autre et plus démodée. Il n’y a que trois manières d’échapper à la patrie, à la loi des patries. Ou bien il faut dissoudre chaque groupement historique en groupements minuscules, sans liens entre eux, sans ressouvenir et sans idée d’unité. Ce serait une réaction inepte et impossible, à laquelle d’ailleurs, aucun révolutionnaire n’a songé ; car, ceux-là mêmes qui veulent remplacer l’Etat centralisé par une fédération, ou des communes ou des groupes professionnels, transforment la patrie ; ils ne la suppriment pas, et Proudhon était Français furieusement. Il l’était au point de vouloir empêcher la formation des nationalités voisines. Ou bien il faut réaliser l’unité humaine par la subordination de toutes les patries à une seule. Ce serait un césarisme monstrueux, un impérialisme effroyable et oppresseur dont le rêve même ne peut pas effleurer l’esprit moderne. Ce n’est donc pas par la libre fédération de nations autonomes répudiant les entreprises de la force et se soumettant à des règles de droit, que peut être réalisée l’unité humaine. Mais alors ce n’est pas la suppression des patries, c’en est l’ennoblissement. Elles sont élevées à l’humanité sans rien perdre de leur indépendance, de leur originalité, de la liberté de leur génie. Quand un syndicaliste révolutionnaire s’écrie, au récent congrès de Toulouse : «A bas les patries ! Vive la patrie universelle !», il n’appelle pas de ses vœux la disparition, l’extinction des patries dans une médiocrité immense, où les caractères et les esprits perdraient leur relief et leur couleur. Encore moins appelle-t-il de ses vœux l’absorption des patries dans une énorme servitude, la domestication de toutes les patries par la patrie la plus brutale, et l’unification humaine par l’unité d’un militarisme colossal. En criant : «À bas les patries !» il crie : «À bas l’égoïsme et l’antagonisme des patries ! À bas les préjugés chauvins et les haines aveugles ! À bas les guerres fratricides ! À bas les patries d’oppression et de destruction !». Il appelle à plein cœur l’universelle patrie des travailleurs libres, des nations indépendantes et amies. Qu’on ne dise point que les patries, ayant été créées, façonnées par la force n’ont aucun titre à être des organes de l’humanité nouvelle fondée sur le droit et façonnée par l’idée, qu’elles ne peuvent être les éléments d’un ordre supérieur, les pierres vivantes de la cité nouvelle instituée par l’esprit, par la volonté consciente des hommes. Même si elles n’avaient été jusqu’ici que des organismes de force, même si on oubliait la part de volonté, de pensée, de raison, de droit, de libre et sublime dévouement, qui est déjà comme incorporée dans la patrie, c’est dans les grands groupements historiques que doit s’élaborer le progrès humain. L’esprit, même s’il est le premier dans le monde, a accepté de se produire dans la nature, selon sa nature. Sa force, sa victoire, ce n’est pas de répudier la nature, c’est de l’élever à soi, de la transformer par degrés. L’individu humain, lui aussi, est le produit d’une terrible évolution de nature. Il est l’héritier de bien des forces brutales, il porte en lui bien des instincts d’animalité. Va-t-il maudire en lui la nature et la refouler ? Où sera son point d’appui pour s’élancer plus haut ? Et que sera le prix de sa victoire s’il n’offre en quelque sorte, au gouvernement de la raison, qu’une âme morte et une sensibilité éteinte ? Dès maintenant, c’est une joie pour tous les militants du socialisme international, c’est une fierté et une force de faire appel, en vue de l’ordre nouveau, à ce que les patries ont de plus noble dans leur tradition, dans leur histoire, dans leur génie. Tous les actes de courage et de noblesse qui marquent le niveau où peut se hausser la nature humaine, tous les efforts d’invention, toutes les audaces de l’esprit, tous les progrès de liberté, de démocratie et de lumière, qui ont préparé une civilisation supérieure et qui ont disposé le peuple à y participer, nous les appelons à nous, nous les évoquons. Nous disons aux hommes : «Pourquoi ce mouvement s’arrêterait-il ? Pourquoi tous ceux qui sont restés jusqu’ici dans la dépendance et dans l’ombre ou dans la pénombre ne seraient-ils pas élevés à la liberté et à la clarté ?» Mais n’est-ce pas dans un régime de coopération sociale que toutes les initiatives trouveront la garantie que toutes les intelligences et les consciences auront leur plein essor ? Nous prenons à témoin la patrie elle-même dans sa continuité et dans son unité. L’unité sera plus forte quand, à la lutte des classes dans chaque patrie, sera substituée l’harmonie sociale, quand la propriété collective servira de fondement à la conscience commune. La continuité sera plus profonde quand tous les efforts du passé aboutiront à l’universelle libération, quand tous les germes d’égalité et de justice s’épanouiront en une magnifique floraison humaine, quand le sens vivant de l’histoire de la patrie se révélera à tous par un accomplissement de justice, quand les œuvres les plus fines et les plus hautes du génie seront enfin, dans la culture individuelle et la culture sociale agrandies, l’orgueil et la joie de toutes les intelligences. Par là, la patrie sera le miroir vivant où toutes les consciences pourront se reconnaître. Par là, les prolétaires qui n’eurent, au cours des temps, qu’une possession partielle et trouble de la patrie en auront enfin la possession pleine et lumineuse. Elle sera bien à eux, même dans le passé, puisque, par leur effort suprême, tout le travail des siècles aura abouti à leur exaltation dans la justice. Ainsi les patries, en leur mouvement magnifique de la nature à l’esprit, de la force à la justice, de la compétition à l’amitié, de la guerre à la fédération, ont à la fois toute la force organique de l’instinct et toute la puissance de l’idée. Et la classe prolétarienne est plus que toute autre classe dans la patrie puisqu’elle est dans le sens du mouvement ascendant de la patrie. Quand elle la maudit, quand elle croit la maudire, elle ne maudit que les misères qui la déshonorent, les injustices qui la divisent, les haines qui l’affolent, les mensonges qui l’exploitent, et cette apparente malédiction n’est qu’un appel à la patrie nouvelle, qui ne peut se développer que par l’autonomie des nations, l’essor des démocraties et l’application à de nouveaux problèmes de toute la force des génies nationaux, c’est-à-dire par la continuation de l’idée de patrie jusque dans l’humanité. Voilà pourquoi, en tous ses congrès, l’Internationale ouvrière et socialiste rappelle aux prolétaires de tous les pays le double devoir invisible de maintenir la paix, par tous les moyens dont ils disposent, et de sauvegarder l’indépendance de toutes les nations. Oui, maintenir la paix par tous les moyens d’action du prolétariat, même par la grève générale internationale, même par la révolution. Combien de malentendus volontaires ou involontaires, combien de méprises et de calomnies les adversaires du socialisme ont accumulé sur cet objet ? »
Appel de la commune de Paris 6 septembre 1870
En présence de l’ennemi, plus de partis, ni de nuances. Avec un pouvoir qui trahissait la nation, le concours était impossible. Le gouvernement sorti du grand mouvement du 4 septembre représente la pensée républicaine et la défense nationale. Cela suffit. Toute opposition, toute contradiction, doivent disparaître devant le salut commun. Il n’existe plus qu’un ennemi, le Prussien, et son complice, le partisan de la dynastie déchue, qui voudrait faire de l’ordre dans Paris avec les baïonnettes prussiennes. Maudit soit celui qui, à l’heure suprême où nous touchons, pourrait conserver une préoccupation personnelle, une arrière-pensée, qu’elle qu’elle fût. Les soussignés, mettant de côté toute opinion particulière, viennent offrir au gouvernement provisoire leur concours le plus énergique et le plus absolu, sans aucune réserve ni condition, si ce n’est qu’il maintiendra quand même la République et s’ensevelira avec nous sous les ruines de Paris, plutôt que signer le déshonneur et le démembrement de la France. Basenq, Auguste Blanqui, Casimir Bouis, Breuillé, Brideau, Caria, Eudes, Flotte, E. Gois, Granger, Lacambre, Ed. Evraud, Léonce Levraud, Pilhes, Regnard, Sourd, Tridon, Henri Verlet, Emile Villeneuve, Henri Villeneuve. »
Manifeste du Conseil National du Parti Ouvrier Français, juin 1893
« L’internationalisme n’est ni l’abaissement, ni le sacrifice de la patrie. Les patries, lorsqu’elles se sont constituées, ont été une première et nécessaire étape vers l’unité humaine à laquelle nous tendons et dont l’internationalisme, engendré par toute la civilisation moderne, représente une nouvelle étape, aussi inéluctable. Et de même que la patrie française ne s’est pas organisée contre les différentes provinces qu’elle arrachait à un antagonisme caduc pour les solidariser, mais en leur faveur et pour leur plus libre et large vie, de même la patrie humaine que réclame l’état social de la production, de l’échange et de la science ne s’opère, ne peut pas s’opérer aux dépens des nations de l’heure présente, mais à leur bénéfice et pour leur développement supérieur. On ne cesse pas d’être patriote en entrant dans la voie internationale qui s’impose au complet épanouissement de l’humanité, pas plus qu’on ne cessait, à la fin du siècle dernier, d’être Provençal, Bourguignon, Flamand ou Breton, en devenant Français. Les internationalistes peuvent se dire, au contraire, les seuls patriotes, parce qu’ils sont les seuls à se rendre compte des conditions agrandies dans lesquelles peuvent et doivent être assurés l’avenir et la grandeur de la patrie, de toutes les patries, d’antagoniques devenues solidaires. En criant : «Vive l’Internationale !» ils crient : «Vive la France du Travail ! Vive la mission historique du prolétariat français qui ne peut s’affranchir qu’en aidant à l’affranchissement du prolétariat universel !». Les socialistes français sont encore patriotes à un autre point de vue et pour d’autres raisons : parce que la France a été dans le passé, et est destinée à être dès maintenant un des facteurs les plus importants de l’évolution sociale de notre espèce. Nous voulons donc - et ne pouvons pas ne pas vouloir - une France grande et forte, capable de défendre sa République contre les monarchies coalisées et capable de protéger son prochain 89 ouvrier contre une coalition, au moins éventuelle, de l’Europe capitaliste. »
Congrès national du Parti ouvrier français de Paris octobre 1893
« En réponse à la campagne de calomnies menée contre lui par une presse à la solde du ministère de l’Intérieur, de l’ambassade de Russie et de la haute banque, le Parti ouvrier français, par l’organe de son XIe congrès national, affirme plus haut que jamais la nécessité pour les prolétaires de s’organiser et d’agir internationalement contre l’internationale capitaliste, gouvernementale et policière. L’exploitation du travail ne connaît pas de frontières. L’affranchissement du travail ne saurait être poursuivi et obtenu que par-dessus les frontières supprimées entre les exploités de tous les pays. Mais pas plus que la solidarité ouvrière n’exclut ou ne limite le droit et le devoir pour les ouvriers de se défendre contre des ouvriers traîtres à leur classe, la solidarité internationale n’exclut ou ne limite le droit et le devoir d’une nation de se défendre contre un gouvernement, quel qu’il soit, traître à la paix européenne. La France attaquée n’aurait pas de plus ardents défenseurs que les socialistes du Parti ouvrier, convaincus du grand rôle qui leur est réservé dans la prochaine Révolution sociale. Le XIe congrès national ne peut donc que s’en référer au manifeste du conseil national (en date de juin 1893), qu’il confirme dans toutes ses parties. »
Charles Rappoport, Un peu d’Histoire, Encyclopédie Socialiste…, Aristide Quillet, 1911, pp. 365-366
« C’est avec reproche et en manière de critique du régime capitaliste que le Manifeste dit que «les ouvriers n’ont pas de patrie». En effet, ceux qui n’ont rien, ou ne sont rien dans la patrie, peuvent être considérés comme des “ sans- patrie ”. Pis encore. Ils en ont les charges - l’impôt d’argent et celui du sang - sans en avoir les avantages. Mais le Manifeste se hâte d’ajouter que le prolétariat de chaque nation est obligé avant tout de combattre sa bourgeoisie, c’est-à-dire celle de la nation à laquelle il appartient. La patrie nationale n’est pas un idéal. Notre vraie patrie, c’est le socialisme. Notre véritable nation, c’est l’Internationale. C’est l’avenir ! Mais, en attendant, la patrie est un fait dont il n’est pas possible de ne pas tenir compte. L’antipatriotisme n’est qu’une formule de protestation violente, grosse de malentendus, dirigée contre les charlatans du patriotisme de parade, contre le chauvinisme primitif, l’idéalisme des barbares modernes ou des inconscients. »
Jean Longuet, <>La politique internationale du marxisme. Karl Marx et la France, 1918, pp. 105-108
« Mais une fois que la guerre a éclaté (entre l’Autriche et la Prusse en 1868), Marx lui applique sa conception réaliste des problèmes internationaux, qui s’oppose fortement à l’idéologie nuageuse des jeunes proudhoniens dont la pensée est alors traduite principalement par le Courrier français de Vermorel et qui, placés en pleine abstraction physique, considèrent toutes les questions de nationalité comme des préjugés. Le 7 juin, il écrit à ce sujet à Engels : «Voilà donc la guerre, à moins d’un miracle. Les Prussiens payeront cher leurs hâbleries, et de toute façon l’idylle est finie en Allemagne. La bande proudhonienne parmi les étudiants de Paris (Courrier français) prêche la paix, déclare que la guerre est surannée, que les nationalités sont des bêtises, attaque Bismarck et Garibaldi. Comme polémique contre le chauvinisme, leur attitude est utile et justifiable. Mais comme disciples de Proudhon - et mes très bons amis Lafargue et Longuet en font partie aussi - ils sont ridicules. Ils croient que toute l’Europe devrait tranquillement rester assise sur son séant jusqu’à ce que ces messieurs aient aboli en France la misère et l’ignorance à laquelle ils participent avec leur science sociale.» Quelques jours après, revenant sur les conceptions antipatriotiques puériles des jeunes proudhoniens, il écrit à Engels le 20 juin : «Hier, il y a eu discussion au Conseil de l’Internationale sur la guerre actuelle. Elle avait été annoncée d’avance et la salle était comble. Mais les Italiens nous avaient de nouveau envoyé du monde. Ainsi que c’était à prévoir, la discussion se termina sur la question des ‘nationalités’ en général et l’attitude que nous observons. La fin est ajournée à mardi prochain. Les Français, très nombreux, ont donné cours à leur antipathie cordiale contre les Italiens. Les représentants de la ‘Jeune France’ (qui ne sont pas des ouvriers) émirent cette idée que toute nationalité et les nations elles-mêmes sont des ‘préjugés surannés’. C’est du Stirnérianisme proudhonisant. Ils veulent tout dissoudre en petits ‘groupes’ ou ‘communes’ qui formeront ensuite une association, mais non un Etat. Et cette ‘individualisation’ de l’humanité et le ‘mutuellisme’ qui y correspond doit se faire pendant que l’histoire s’arrêtera dans tous les autres pays et que l’univers attendra que les Français soient mûrs pour faire une révolution sociale. Ensuite, ils nous feraient voir l’expérience et, vaincu par la force de l’exemple, le reste du monde ferait la même chose. Tout à fait ce que Fourier attendait de son ‘phalanstère moderne’. Au reste, ‘tous ceux qui chargent la question sociale’ des ‘superstitions’ du Vieux Monde, sont des ‘réactionnaires. Les Anglais rirent beaucoup lorsque je commençai mon speech en disant que notre ami Lafargue, qui voulait abolir les nationalités, nous avait parlé en français, c’est-à-dire en une langue que les neuf dixièmes de l’auditoire ne comprenaient pas. Je remarquai encore qu’inconsciemment il semblait comprendre sous l’idée de négation des nationalités leur absorption par la nation française modèle.»
Sous la forme familière du style épistolaire et avec l’âpreté habituelle que Marx y donne à sa pensée, on trouve ici une déclaration critique de l’antipatriotisme anarchisant. »
Patriote Qui aime sa patrie.
Charles Rappoport, La Révolution sociale, Encyclopédie socialiste, 1912, p. 220
« Blanqui fut patriote dans le noble sens révolutionnaire de 1793 et de 1848. En défendant la France, il défendait la patrie de la Révolution. Ce n’était pas le patriotisme louche et mensonger des capitalistes de nos jours qui sont capables de faire massacrer une partie de la France pour s’enrichir. Blanqui aimait la France passionnément, comme tout socialiste et tout révolutionnaire doit l’aimer, pour ses qualités humaines révolutionnaires.»
Pierre Lavroff, Lettres historiques, traduit par Marie Goldsmith, pp. 188-189
« A cet effet, le vrai patriote visera à fournir à sa patrie ces conditions sociales dont nous avons parlé plus haut, sans lesquelles le développement progressiste de la société est peu probable ; il tâchera de répandre aussi largement que possible parmi ses compatriotes le confort hygiénique et matériel ; il sera, dans son milieu natal, le propagandiste de l’intelligence critique, d’un point de vue scientifique, des théories sociales qui répondent le plus à l’idée de justice ; il prendra une part active aux mouvements réformistes et révolutionnaires qui tendent à introduire dans le régime politique et économique de sa patrie une possibilité plus grande pour l’individu de se créer des convictions fermes et de les défendre ; il sera partisan de la liberté de penser, de la liberté de parole, des formes de contrat social qui facilitent le remplacement des lois et des institutions caduques par d’autres plus parfaites. Il voudra mieux comprendre les problèmes contemporains de la science et de la justice. Enfin, il tâchera, dans la mesure des forces, de faire de sa patrie le représentant supérieur de la science et de la justice parmi les nations contemporaines. En dehors de cela, il n’existe pas de patriotisme, mais seulement un masque dont se couvrent les bavards stupides, les publicistes égoïstes ou les exploiteurs intéressés des passions bestiales de l’humanité. »
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