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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Bluteau/Lefebvre L'OURS n°392 novembre 2009
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69, année héroïque ? par Philippe Bluteau
à propos du livre de Denis Lefebvre, 1969 et la rénovation socialiste, Mémoire(s) du socialisme, 2009, 124 p, 11 €
En mobilisant de nombreux documents d’époque et des archives inédites, le secrétaire général de l’OURS et auteur, l’an dernier, avec Alain Bergounioux, du best-seller Le Socialisme pour les nuls, entreprend de nous conter le déroulement des six premiers mois de cette année charnière dans l’histoire du socialisme : 1969.
En principe, aucune contestation de paternité n’aurait dû surgir : le Parti socialiste est né au congrès d’Alfortville, en mai 1969. Il succède alors à la SFIO et accueille plusieurs clubs, socialistes, jusque-là demeurés en dehors de la « vieille maison ». Pourtant, demandez à quelle date fut créé le Parti socialiste dans sa forme actuelle – et l’expérience peut être tentée dans n’importe quelle section du PS – la réponse quasi-unanime fusera : en 1971, à Epinay. Et l’appendice de la réponse ne tardera pas : « par François Mitterrand ». Voici la solidité du mythe auquel s’attaque Denis Lefebvre dans son dernier essai intitulé 1969 et la rénovation socialiste.
Un accouchement dans la douleur En déformant Gainsbourg, on pourrait voir, dans cette année 69 des socialistes, une année héroïque. Denis Lefebvre nous montre combien l’accouchement de ce nouveau Parti socialiste fut difficile, combien de fois il faillit, pour un mot, un soupçon, une revendication excessive, échouer. Mais comment il naquit finalement, par l’effort de tous et non d’un seul, par la voie naturelle aux socialistes – la discussion – et non pas par césarienne.
Le récit de l’historien fait revivre des questions et des enseignements qui résonnent dans nos débats actuels.
Combien il est difficile de s’unir ! La perspective des primaires de 2012 et celle des conseillers territoriaux élus à un tour en 2014 verront peut-être la nouvelle génération de dirigeants de gauche être confrontée aux même enjeux que leurs aînés de 1969 : rassembler un espoir commun, certes, mais où ? Dans quelle maison ? À quel rythme ? En-dessous, avec, ou au-dessus des partis ? Certains prendront-ils, tel Guy Mollet en décembre 1968, la décision de laisser leur place, pour que les nouvelles structures s’incarnent dans des visages nouveaux ? Et cette abnégation fut-elle d’ailleurs si décisive à l’époque ? L’essai de Denis Lefebvre ne soulève bien sûr pas expressément ces questions, mais il donne à voir le travail de titans que fut, envers et contre toutes les rancoeurs et les suspicions, l’unification des socialistes… avant l’arrivée de François Mitterrand en son sein, deux ans plus tard. Combien il est dangereux de céder à la tentation centriste ! La catastrophique élection présidentielle de mai 1969 tient une place nécessairement importante dans ce récit. Les socialistes y sont représentés alors par Gaston Defferre, incarnant la stratégie de l’ouverture au centre, contestée au sein du parti, hier comme aujourd’hui. Le score de ce candidat, 5,07 %, quatre fois moins que le candidat communiste, sonne, à l’évidence, comme l’échec d’une telle stratégie qui connaît, pourtant, à la faveur d’un inquiétant entêtement, de nos jours, un regain d’intérêt. L’affiche présidentielle que l’auteur insère dans son ouvrage interpelle : nulle part, le mot socialiste n’y figure ; nulle part, non plus, le mot « parti ». Tout rapprochement avec des campagnes récentes serait, bien entendu, malveillant… Les socialistes et la Ve République Combien, enfin, étaient intransigeants les socialistes de l’époque, non seulement avec le régime capitaliste, mais aussi avec le régime politique de la Ve République ! Denis Lefebvre nous rappelle dans quel bain idéologique ces militants et ces responsables agissaient. Un bain bouillant d’une radicalité bien plus franche que celle dont les signataires actuels de motion arrosent leurs textes. Il s’agissait alors de « vaincre la division ouvrière » (Guy Mollet). Quant à l’élection présidentielle, ce rendez-vous historiquement gaullien et essentiellement gaulliste, les socialistes font toujours face au problème que soulevait Guy Mollet, cherchant celui ou celle « de chez nous qui pourrait accepter d’être candidat à une fonction qu’il devra ramener à zéro, ou en tout cas à peu de choses ».
Le lecteur sourira, évidemment, en relevant les similitudes dans les comportements et attitudes rencontrés en 1969 et 2009. Même tentation centriste, mêmes accusations de tricherie lorsque le résultat final déplaît, même guérilla par médias interposés. Mais surtout le lecteur écoutera cette « autre petite musique » que Denis Lefebvre nous propose. Son morceau est une symphonie aux acteurs multiples mais soucieux de leur convergence. Il diffère du concerto en homme majeur que joue et rejoue, depuis bientôt quarante ans, la mémoire officielle collective, rue de Solférino. Son essai a déjà suscité la critique d’un ancien compagnon de route de François Mitterrand, Louis Mexandeau, dans le dernier numéro de la revue des élus socialistes et républicains, Communes de France. Tant mieux. Ce livre fait débat ; c’est bien la preuve qu’il est utile. Philippe Bluteau
Article paru dans L’OURS n°392, novembre 2009, p. 6 |
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