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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Castagnez / G. Monnier E Cohen / République
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La république en représentation par NOELLINE CASTAGNEZ
A propos du livre de Gérard Monnier et Évelyne Cohen (dir.), La République et ses symboles. Un territoire de signes, Publications de la Sorbonne, 2013, 439 p, 40 €
Article paru dans L’OURS 436, mars 2014, page 1
Qu’il est loin le temps où l’image n’avait qu’une seule valeur illustrative chez Lavisse et ses émules ! Son historicité n’est plus aujourd’hui à démontrer, en particulier, en histoire politique, grâce aux travaux fondateurs de Maurice Agulhon sur le rôle de Marianne dans la diffusion de l’idée républicaine(1). Ils ont contribué à acclimater l’analyse des représentations figurées de la République, jusque dans les programmes scolaires.
À l’étude de la puissance publique et de l’action rhétorique, les historiens ont donc ajouté l’histoire des politiques symboliques, que Pascal Ory définit, dans son introduction, comme une « troisième instrumentation » dont dispose le pouvoir pour renforcer le lien social et qui prétend à l’absolu des valeurs immémoriales. Pour ce faire, il est nécessaire de croiser les approches des historiens du politique, du culturel et des formes. Or cet ouvrage, fruit d’un colloque organisé à Paris 1-Panthéon Sorbonne du 10 au 12 septembre 2008, est l’occasion de faire le point sur cette foisonnante historiographie. Il se propose, en effet, d’interroger les signes, écritures, décors et symboles de la République sur le territoire français, tant sur les monuments que sur les objets de la vie quotidienne, au travers d’une trentaine de contributions, que nous ne pourrons malheureusement toutes évoquer, mais qui confirment la richesse et la diversité de l’objet.
Enjeux politiques Structuré en cinq parties, cet ouvrage rappelle d’abord « les approches initiales » des précurseurs. Avec l’analyse de la symbolique républicaine sous la Révolution française, Michel Vovelle montre comment la représentation anthropomorphe de la République se distingue parmi plusieurs images concurrentes de la Liberté, de la représentation virile du peuple en Hercule, ou encore de la Fraternité.
Puis Maurice Agulhon rappelle que la Semeuse sème, non pas du blé, mais du progrès, de la vérité et de la justice et qu’il ne s’agit pas d’une symbolique ruraliste. Ceci posé, l’ouvrage passe en revue différents « enjeux politiques » de l’usage des symboles, de l’iconoclasme contre-révolutionnaire (1799-1852) (E. Fureix) à la guerre des signes dans la Résistance (G. Krivopissko et A. Porin). Signalons, au passage, l’étude de Frédéric Cépède et de Gilles Morin sur les socialistes et la symbolique républicaine. À travers l’évolution des signes en vigueur au Parti socialiste, du soleil levant aux trois flèches, puis à partir de 1971, au poing et à la rose, ils analysent comment les militants ont su acclimater des symboles de la République sociale, comme la Marianne rouge au bonnet phrygien.
Une troisième partie est consacrée aux « Temps et territoires » et propose des focus originaux et précis sur des symboles et des lieux moins connus : le « Christ républicain » où, dans les années qui précèdent 1848, les anges au côté du Christ sont coiffés de bonnets phrygiens (I. Saint-Martin) ; le coq qui, d’emblème de la royauté, devient un volatile républicain au côté des Insurgents américains (E. Caude), le timbre colonial (A. Chatriot), le décor municipal (Y. Boude), ou encore le portrait présidentiel comme exercice de recyclage de la théorie des deux « corps du roi » (V. Flauraud), et quelques monographies, telles le 2 décembre 1851 dans l’Hérault (F. Nicolas) ou la récente salle des mariages à Bobigny confiée à l’artiste Hervé di Rosa (D. Tartakowsky). La quatrième partie s’intéresse aux architectures monumentales, de la présence du signe RF dans les dessins d’architectures du musée d’Orsay (I. Loutrel), aux hôtels de région (A. Brochard), en passant par les frontons et le monumentalisme de leurs inscriptions RF qui veulent égaler le drapeau (G. Monnier). Enfin, la dernière partie étudie les « arts graphiques et arts appliqués » dans les ornements de la République (S. Laurent), « le Camembert de la République » (P. Boisard), une commande du mobilier national, à la Libération, qui est l’occasion de définir la nouvelle République comme protectrice des Arts et des Lettres (V. Glomet), ou la manufacture de Sèvres (S. Guilmin).
Politique et spectacle On l’aura compris : la pluralité des approches fait tout le sel de cet ouvrage innovant, abondamment et pertinemment illustré – bien sûr, on peut regretter que toutes les figures ne soient pas en couleurs –, et muni d’un précieux index des noms de lieux. Il montre la sensibilité des formes symboliques aux bouleversements politiques, ainsi que la récurrence de procédés rhétoriques ou iconographiques et de rituels, dans un éternel recyclage, mais dont le sens varie. Pascal Ory peut ainsi conclure que chaque époque propose son « spectacle politique », en fonction des techniques de communication de son temps et des valeurs qu’elle entend promouvoir et que la « politique spectacle » n’est pas la nouveauté que l’on croit. Noëlline Castagnez
(1) Marianne au combat. L’imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880, 1979 ; Marianne au pouvoir. L’imagerie et la symbolique républicaines de 1880 à 1914, 1989 ; et Les Métamorphoses de Marianne. L’imagerie et la symbolique républicaines de 1914 à nos jours, 2001.
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