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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Radicaux Socialistes R Krakovitch
Radicaux et socialistes en tension
par RAYMOND KRAKOVITCH

Noëlline Castagnez et Gilles Morin (dir.), Socialistes et radicaux . Querelles de familleL’OURS 2008 188 p 16 €

Le Centre d’histoire de Sciences-Po a organisé en 2005 une journée d’études destinée à comparer les deux grands partis démocratiques de la gauche sur tout le XXe siècle.

À la chronique d’une relation douloureuse a été préférée une approche thématique. Si chacune des formations a vu le jour presque au même moment, 1901 pour le Parti radical, 1905 pour la SFIO, il faut remonter à la fin du XIXe, selon Gilles Candar, pour repérer le moment charnière où se situe la démarcation entre elles. C’est vers 1885 que « socialiste » se caractériserait comme un terme plus politique qu’intellectuel, la suppression de la propriété capitaliste prenant le pas sur le « solidarisme » qu’incarnera surtout Léon Bourgeois. Notons toutefois que Jean Jaurès est à l’époque éloigné de ce choix qui ne s’imposera véritablement à lui qu’au tournant du siècle. La logique d’affrontements entre les deux forces n’apparaît pleinement que vers 1907, lors du gouvernement Clemenceau.

Parti de gouvernement contre
parti révolutionnaire

Le Parti radical se situe de plus en plus comme un parti de gouvernement souhaitant améliorer les choses, alors que la SFIO tient à conserver sa pureté doctrinale, marxiste et révolutionnaire et s’abstient d’intégrer toute combinaison gouvernementale tout en facilitant des majorités de gauche, qui naissent grâce à la pratique électorale de la « discipline républicaine ». Alors que le radical plaide pour l’adaptation aux conditions du réel, pour le socialiste la science est la prolongation intérieure de ce réel et impose une révolution.
Les deux partis ne gouvernent ensemble qu’à partir du Front populaire mais l’état de grâce entre eux ne règnera, selon Sabine Jensen, que pendant les trois premiers mois. On peut même réduire cette durée en rappelant que la guerre d’Espagne commence six semaines après l’arrivée au pouvoir du cabinet dirigé par Léon Blum et qu’elle cristallise immédiatement une discordance entre les socialistes partisans d’une intervention auprès des républicains et les radicaux, hostiles pour la plupart.
Les échecs économiques du Front populaire et la déception rapide des classes moyennes, auxquelles sont liés les radicaux, aggravent en peu de temps leurs relations. Si le Front populaire existe officiellement jusqu’en novembre 1938, en fait les socialistes quittent le gouvernement, et les communistes la majorité, dès la constitution du cabinet Daladier en avril. Les deux partis gouverneront de nouveau dans des coalitions sous la IVe République, mais plus jamais seuls ensemble.
Des études intéressantes sont présentées sur les liens noués par les socialistes et les radicaux avec les grandes ligues entre les deux guerres, Ligue des droits de l’homme et Ligue française de l’enseignement. On notera également une comparaison précise des positions respectives sur les problèmes agricoles et sur les pratiques des élus sur le terrain où sont évalués les comportements, entre autres, de Caillaux, Defferre et Rocard.
La position de Pierre Mendès France dans le panthéon socialiste est l’objet d’une intéressante communication de Noëlline Castagnez, qui rappelle une enquête menée en 1997 auprès d’élus et de militants socialistes, d’où il ressort que PMF incarne mieux l’idéal socialiste que François Mitterrand, alors que l’essentiel de sa carrière a été réalisé sous l’égide du Parti radical…

Qui mange l’autre ?
L’analyse des positions électorales des deux partis montre que les suffrages de la SFIO dépassent ceux du Parti radical dès 1928. Celui-ci décline progressivement après la Seconde Guerre mondiale, d’abord parce qu’il n’est pas identifié en tant que tel à la Résistance, à l’inverse du Parti socialiste clandestin dirigé par Daniel Mayer, ensuite parce que le système électoral majoritaire de la Ve République précipite son effondrement, accru par sa cassure en deux moignons se situant, conséquence de la bipolarisation, de chaque côté de l’échiquier politique.
Serge Berstein a conclu cette riche journée, qui n’épuise pas le sujet, en distribuant de manière chronologique les différents âges des deux formations des points de vue de la doctrine, de l’organisation, du comportement électoral et parlementaire et des modalités d’action. Un tableau magistral de l’histoire centenaire de deux familles, dont une seule poursuit véritablement sa route au début du XXIe siècle.
Raymond Krakovitch
 

 
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