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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Cépède/Verdier 352
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La mémoire fidèle de Robert Verdier, par FREDERIC CEPEDE
(a/s de Robert Verdier, Mémoires, Préface de Pascal Ory, L’Harmattan, 2005, 233 p, 22 €)
Au-delà du récit passionnant de plus d’un demi siècle d’histoires socialistes, les Mémoires de Robert Verdier sont un lumineux exposé de la voie tracée, obstinément, par la social-démocratie française et européenne.
La carte de visite socialiste de Robert Verdier a de quoi impressionner quiconque s’intéresse à l’histoire de la gauche depuis 1934 : en effet, militant de base (1934-1942), secrétaire général adjoint (1943-1946), député (1951-1958), de la SFIO au PSA, au PSU, avant le retour en 1969 au PS, il n’a raté aucun des grands rendez-vous – antifascisme, résistance, décolonisation, défense de la République en 1958, clubs et rénovation de la gauche de 1958 à 1971, droits de l’homme… – se situant en chaque occasion dans le camp des militants les plus lucides sur les événements. Né en 1910, il est élevé dans une famille protestante cévenole qui voue un culte à la Révolution émancipatrice, à la République, à l’école laïque. Son père, professeur d’espagnol, lui a raconté l’Affaire Dreyfus, les combats pour aboutir à la loi de Séparation en 1905, et Jaurès, écouté aux arène de Nimes… Milieu de gauche hanté par l’horreur de la guerre (dont son père est revenu amputé d’une jambe), l’étudiant qui intègre la khâgne de Louis-le-Grand en octobre 1928 a fait sien le mot d’ordre : plus jamais ça ! Cotisant des Étudiants socialistes, il ne se consacre en fait qu’à ses études. Professeur agrégé de lettres en 1932, nommé à Montpellier, ce sont les événements du 6 février 1934 qui l’incitent à franchir le pas de l’engagement politique. Robert Verdier évoque ses hésitations, ses craintes pour sa carrière, mais il se rassure vite. Ce sera la SFIO. Ce choix, au cœur de l’engagement d’une vie, Robert Verdier en trouve les racines dans sa culture familiale et sa formation littéraire qui le rendent hermétique à la prose exaltée d’un Lénine qui se caractérise par « l’usage quasi permanent d’un vocabulaire injurieux (laquais, canaille), par la délectation évidente que prend le pédant à manier certains termes comme “sycophantes” qui revient constamment sous sa plume, “écuries d’Augias du philistinisme…” Les procédés évoquaient pour moi les polémiques de Léon Daudet dans l’Action française… » S’interrogeant aujourd’hui, alors que nombre de ses condisciples ont été séduits par la mystique communiste, il explique : « Je n’ai jamais cru à ces billevesées. Éducation ? Disposition naturelles ? Sans doute les deux. Je suis imperméable au sentiment du sacré, aux inquiétudes de caractère religieux. Sans doute suis-je trop terre à terre pour me laisser tenter par ces exaltations […] Je restais donc social-démocrate. Je le suis encore. » Il s’arrête à chaque étape sur ce PC qui a produit autant d’ex, qui partent pour autant de bonnes raisons mais restent souvent perdus pour la cause qu’ils entendaient défendre dans un parti qu’ils s’imaginaient pouvoir transformer de l’intérieur. Il écrira deux livres sur ce sujet, l’un sur la scission de Tours, l’autre en 1977 sur les conditions de l’entente à gauche depuis 1920. Il est donc militant à Montpellier, adhère à la LDH, au CVIA, anime le syndicat des professeurs de lycée. Très attaché à cette ville et cette région, Robert Verdier reste attiré par Paris, et dès qu’il le peut, il postule pour un lycée de la capitale : en 1937, il arrive au lycée Carnot. Il découvre alors à travers la section du Ve arrondissement les batailles de tendance de la fédération de la Seine, entre pivertistes pacifistes, zyromskistes « sacs au dos », paulfauristes alliés aux blumistes. Antimunichois, conforté par les éditoriaux de Léon Blum, la lecture de Mein Kampf et les discours des travaillistes anglais, mobilisé loin du front, il est dès le départ hostile au régime de Vichy et prêt à s’y opposer.
Une source irremplaçable Ces Mémoires constituent une source irremplaçable sur la résistance socialiste avec de beaux hommages à ses compagnons martyrs, Brossolette, Malroux, Lebas…Il rend compte des positions de chacun, ce qui doit au hasard des rencontres dans l’entrée dans un réseau, à la chance et à la malchance dans la partie engagée avec l’occupant : la guerre bouleverse tout, et les récits en parallèle qu’il fait de ses deux visites, accompagné de Jaquet, à l’automne 1940, à Depreux, l’ancien pacifiste paulfaurise, et à Zyromski, le belliciste de la Bataille socialiste témoignent de la complexité des temps : le premier les rejoint dans la résistance quand le second les éconduit, se repliera dans l’attentisme, et adhèrera au PC à la Libération. Cette balance entre le récit, les portraits de ses amis (la liste et longue, et les hommages fréquents à la lucidité d’Alain Savary, Daniel Mayer, Édouard Depreux, Pierre Mendès France…), ou de ses adversaires (souvent Guy Mollet dont il dresse un portrait en nuance, où l’incompréhension mutuelle nourrit la méfiance), et les leçons pour le présent qui font tout le prix de ses Mémoires qui se lisent d’une traite. Au Panthéon, Blum bien sûr, son patron au Populaire, qui le choisit au grand dam de Daniel Mayer qu’il destine sans doute à d’autres missions ; Blum qu’il admire, dont il veut transmettre la leçon et la mémoire avec la société des Amis qu’il anime depuis les années 1950. Ces Mémoires sont précieuses à plus d’un titre : pour approcher la nature de la SFIO, la place du débat entre majoritaires et minoritaires qui respecte toujours le droit à s’exprimer, la discipline, le militant. Pour saisir les difficultés du Populaire dans les années 1945-1955. Pour comprendre le processus qui va mener à l’indépendance du Maroc et de la Tunisie, et le rôle de militants tels Charles-André Julien, Lucienne et Élie Cohen-Hadria. Le récit de sa première rencontre avec Habib Bourguiba intéressera les historiens de la décolonisations. Sans oublier la crise de la CED, la crise de 58, le gaullisme… Comme le note Pascal Ory dans sa belle préface, il y a une grande jeunesse de ton dans le récit de Robert Verdier, et un optimisme peu commun malgré la dureté des épreuves traversées. Et un souci constant de tirer quelques leçon de l’histoire. Comme cette question qu’il pose au lendemain du 21 avril 2002 dont il n’a lu nul part une analyse vraiment satisfaisante des causes : « Pourquoi la France est-elle le seul pays d’Europe occidentale où les voix de la gauche se dispersent sur un si grand nombre de candidats ? » Frédéric Cépède |
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