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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Dreyfus/Timbur Aaronsohn 379
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La Palestine, de Bonaparte à Ben Gourion par Claude Dupont
à propos de Dominique Trimbur & Ran Aaronsohn (dir.), De Bonaparte à Balfour. La France, l’Europe occidentale et la Palestine, 1799 /1917, CNRS Éditions, 2008, 464 p, 35 e€ et Dominique Trimbur & Ran Aaronsohn (dir.), De Balfour à Ben Gourion. Les Puissances européennes et la Palestine, CNRS Éditions, 2008, 518 p, 35 €
Ce sont d’intéressants « mélanges » que publie le Centre de recherche français de Jérusalem qui a regroupé dans deux volumes une quarantaine d’articles d’auteurs de différentes origines. Sont ainsi passées en revue 150 années décisives pour cette ancienne portion de l’Empire ottoman qui, pour Bonaparte par exemple, n’offre aucun intérêt stratégique – même lors de l’expédition d’Egypte. Tandis qu’en 1945, les puissances européennes jouent un rôle de premier plan dans l’avènement de l’État d’Israël.
L’intérêt de l’Europe pour la Palestine va effectivement s’éveiller progressivement et ne deviendra tangible que dans la seconde moitié du XIXe siècle. L’Empire ottoman poursuit sa longue désintégration mais personne – sauf peut-être les Russes – ne semble pressé d’en hâter le cours. Il est plus facile en effet d’obtenir avantages et privilèges d’un pouvoir faiblissant que d’une puissance bien établie. La Palestine n’a pas de ressources particulières, sa population reste modeste, mais elle attire l’attention pour d’autres raisons. C’est que la Grande-Bretagne veille à s’assurer une garde rapprochée de la voie des Indes, la France s’est lancée dans la conquête d’un Empire méditerranéen – la Palestine est aux portes de la Syrie et du Liban – et la Russie entend que ce soit sous son égide que continue de s’affirmer l’hégémonie orthodoxe en Terre sainte.
La Palestine, terre des missions En tout cas, ce ne sont pas par les affaires ni par le commerce que la pénétration européenne s’opère. Le développement bancaire est lent, malgré la présence du Crédit lyonnais à Jérusalem depuis 1892.Ce n’est d’ailleurs qu’à la fin du XIXe siècle que la France commence à aider les entreprises françaises en Palestine, en vérité peu nombreuses. Les armes de l’influence seront la culture, la médecine et la religion.
Curieusement, ce sont les protestants qui lancent la compétition quand les anglicans et les luthériens prussiens s’unissent pour créer un Évêché commun pour Jérusalem ainsi qu’un hôpital important. Devant le « danger protestant », le Vatican ressuscite en1847 un Patriarcat de rite latin, renouvelant celui des croisades, et fonde un hôpital catholique. À partir des années 70, on assiste à un essor important des congrégations. Jusque là, on se contentait d’une « Custodie » en Terre sainte, confiée aux seuls Franciscains. La rivalité entre nations aura pour effet de multiplier les centres de santé, les hôpitaux, les écoles. À partir de 1870, ce sont six ou sept nouvelles familles religieuses qui arrivent par décennie, les Français fondant, pour leur part, une dizaine d’instituts, dont trois féminines. La France joue souvent de son rôle officiel de protecteur des catholiques en Palestine pour faire pression sur Constantinople afin d’obtenir des renforcements de privilèges – notamment fiscaux – en faveur des établissements français. Notons que les rudes querelles laïques que traversa notre pays au début du XXe siècle ne s’exportèrent pas sur les bords du Jourdain : républicains et cléricaux cultivèrent un art de vivre ensemble. La République n’hésita pas à aider financièrement les responsables des établissements et édifices religieux, tandis que les pères Assomptionnistes, si fanatiques en France, s’abstinrent d’endoctriner les nombreux pèlerins qu’ils encadraient. Il faut dire que la chrétienté ne formait pas en Palestine un ensemble consensuel et que chaque collectivité nationale marquait fortement son territoire.
La visite en 1898 de Guillaume II venu inaugurer en grande pompe l’église de la Rédemption fut presque ressenti, par les autres puissances, comme un casus belli. En tout cas, en matière de propagation missionnaire, les résultats furent maigres. Le Patriarcat de rite latin régentait 3 à 4000 catholiques latins et huit églises de villages. Le développement du catholicisme romain se fit surtout au détriment des Eglises orthodoxes ou catholiques orientales, mais ne mordit ni sur les musulmans ni sur les juifs.
Le mandat anglais Evidemment l’éclatement de l’Empire ottoman en 1919 change la donne. La Grande-Bretagne reçoit mandat de gérer la Palestine et s’y implique avec un certain succès dans plusieurs domaines. Les infrastructures ferroviaires se développent fortement, 900 kilomètres de routes existent en 1929. 65 écoles de village s’ouvrent chaque année. Les marais sont asséchés et Haïfa devient un port stratégique du Moyen-Orient. Mais il ne faut pas oublier l’apport de l’immigration juive qui offre compétences et capitaux. Pour l’hygiène et les soins, les structures proposées à la population arabe restent nettement insuffisantes. Depuis la Déclaration Balfour et avec la montée du nazisme, la poussée de l’immigration juive met au premier plan les problèmes de coexistence entre Arabes et juifs. La « politique arabe » de certaines grandes puissances, comme la France, s’infléchit progressivement – plus nettement à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Il faut dire que la situation est complexe et un exemple remarquable nous est donné avec l’histoire de l’université hébraïque de Jérusalem, dont la première pierre est posée en 1918. L’orientation est claire : le champ d’études se limite à l’Allemagne et le 11e congrès sioniste de Vienne en 1913 affirme que le schéma de départ, c’est l’adoption du modèle universitaire allemand. D’ailleurs, la collusion entre les juifs allemands et l’Allemagne était patente. En 1915, Weizmann, un des leaders du mouvement sioniste, proposait de refuser l’universalisme français et rappelait que les Français avaient toujours « essayé d’imposer l’esprit français » Et, parallèlement, la préoccupation allemande est de renouer les liens avec les milieux juifs, notamment au niveau économique, l’Allemagne étant, dans les années 1920, le premier partenaire économique de la Palestine. Et si la langue d’enseignement de l’université hébraïque est, en définitive, l’hébreu, l’allemand est consacré première langue étrangère d’enseignement. En fait, nombreux sont les juifs qui se méfient de la notion d’un « Foyer national » qui serait le seul représentant du judaïsme. Et beaucoup se sentent aptes à combiner loyauté allemande et solidarité juive. Mais l’Histoire tranchera et, à partir de 1934, ce sera l’inévitable prise de distance avec l’Allemagne hitlérienne .
Le tome II s’achève sur les efforts accomplis pour assurer une partition consensuelle. Les Européens s’en mêleront. Sans succès. Toutes les propositions s’effondreront. En 1948, les juifs trouvent en Palestine une patrie – mais pas les Arabes. Claude Dupont
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