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| Actu des bulles : Anahide, L'OURS 397
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 | L’actu des bulles
HISTOIRE COMMUNE
par Vincent Duclert
a/s de Giroud & Courtois, Anahide. Les Fleury-Nadal, T.4, Glénat, coll. Grafica, 2009, 56 p., 13 € |
| Article paru dans L�OURS n�397, avril 2010, p. 2
Anahide, album de la s�rie Fleury-Nadal qui s�int�gre dans le D�calogue du sc�nariste Frank Giroud est paru en novembre 2009. Avec Didier Courtois pour le dessin, il exprime d�une mani�re tout � fait remarquable l�histoire en train de s��crire � entre m�moire arm�nienne et conscience turque.
En ce mois d�avril 2010, le 95e anniversaire du d�clenchement, � Constantinople, du g�nocide perp�tr� par les responsables du parti Union et Progr�s contre la grande minorit� arm�nienne, justifie aussi de consacrer notre chronique � cet album. Rappelons que pourtant r�put�e fid�le, la minorit� arm�nienne avait �t� d�sign�e par les ultra-nationalistes turco-ottomans comme tra�tre et mena�ante. En 1915, plus d�un million d�Arm�niens furent arrach�s � leurs foyers, d�port�s sur les routes d�Anatolie, massacr�s en chemin ou pr�cipit�s dans les grottes du d�sert syrien, leur ultime destination. Aujourd�hui encore, et par une incompr�hensible solidarit� avec les g�nocidaires que le p�re de la Turquie moderne avait commenc� de combattre, les responsables politiques turcs nient une quelconque intention g�nocidaire, banalisent les massacres, invoquent m�me, comme les n�gationnistes rwandais, le fait d�un double g�nocide. Pourtant, en Turquie m�me, parmi des franges �duqu�es de la soci�t�, un retour salutaire s�op�re sur ce pass� terrifiant et refoul�.
� l�instar de l�avocate Fethiye Cetin qui a d�couvert la v�rit� sur sa grand-m�re, une orpheline arm�nienne enlev�e par une famille musulmane au moment du g�nocide et du massacre de ses parents, de nombreux Turcs se penchent sur leur histoire pour apprendre le r�cit du destin de ces enfants ou jeunes filles arm�niennes devenues parties-prenantes de la soci�t� nationale. Alors que les Arm�niens ne sont plus aujourd�hui que quelques dizaines de milliers, leur importance soudain �clate puisque 100 000 enfants au moins ont �t� enlev�s � leurs familles martyris�es pour servir d�esclaves dans le pire des cas, ou pour �tre adopt�es dans le meilleur tout en perdant leur identit�, leur pass�, leur nom.
C�est cette double histoire que raconte Anahide. Les premi�res pages d�crivent le d�part de sa famille brutalement chass�e par les gendarmes ottomans de leur demeure de Trebizonde, la marche de la mort et le massacre des siens, son enl�vement par un cavalier kurde, sa mise en esclavage y compris sexuel, sa fuite. Soudain, l�album change de temps, les couleurs sont d�aujourd�hui. Esma, une jeune femme entre dans le commissariat de Ba�burt � la recherche de sa grand-m�re. La police finit par la retrouver : � elle �tait partie voir la mer noire �. Quittant la ville, les deux femmes croisent une manifestation nationaliste. L�Union europ�enne vient de reconna�tre le g�nocide arm�nien. Elles s�arr�tent sur une route. La vieille dame vacille. Elle reconna�t l�endroit o� tous, � Alice� Soghomon� Eva� Mme Parseghian� la m�re d�Aram� c�est ici que les Turcs les ont tu�s avec tous les autres �. Elle r�v�le alors � sa petite fille qu�elle est une � gavour �, une infid�le, qu�elle n�est pas Filiz Okyar, qu�elle n�est pas n�e � Kefkir o� son p�re �tait officier : elle s�appelle en r�alit� Anahide Zakarian et elle est n�e � Trebizonde. � Il est vrai que pendant longtemps, ajoute-t-elle, je n�ai eu aucune conscience de ce que signifiait �tre arm�nienne [...], jusqu�� ce matin de printemps au d�but de la guerre �. Apr�s sa fuite loin des Kurdes, elle a �t� captur�e par le capitaine Okyar qui l�a adopt�e, sa femme ne pouvant avoir d�enfants. � dix-sept ans, elle a �pous� le receveur des postes de Kefkir. Puis la famille est partie en Allemagne.
La derni�re partie de l�album raconte l�arriv�e des deux femmes devant l�ancienne maison de Trebizonde, et la r�action pleine de dignit� du couple turc qui l�habite : pr�par� � cet instant, l�homme qui les re�oit avoue � ses h�tes que � lorsqu�un pays refuse de regarder son histoire en face, ce n�est jamais un signe de tr�s bonne sant� d�mocratique ! � C�est aujourd�hui le contraire qui se passe dans la soci�t� turque, en t�moigne l�exceptionnelle p�tition de demande de pardon du 15 d�cembre 2008 adress�e aux � s�urs et fr�res arm�niens � et sign�e par 30 000 Turcs, au grand dam des nationalistes et du gouvernement criant � la trahison. Retour vers la fiction si proche de ce nouveau pr�sent : �puis�e par l��v�nement, mais heureuse et apais�e, Filiz Okyar meurt le lendemain. Sa petite fille, accompagn�e de l�h�te turc de la maison arm�nienne, d�clare sa mort aux autorit�s en lui redonnant son identit� arm�nienne, son nom perdu dans le g�nocide.
Un album exceptionnel donc, esth�tiquement et politiquement, soulignant la possible r�conciliation des peuples par la v�rit� de l�histoire.
Vincent Duclert |
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© L'OURS - 12 cit� Malesherbes 75009 Paris
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