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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Fau-Vincenti / Rennes / Femmes en métiers d'hommes
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« Qui va garder les enfants ? » par VERONIQUE FAU-VINCENTI
À propos du livre de Juliette Rennes, Femmes en métiers d’hommes. Cartes postales 1890-1930, Préface de Michelle Perrot, Éditions Bleu autour, nov. 2013, 229 p, 29 €
Article paru dans L’OURS n°440, juillet-août 2014, page 1.
En 1927, dans Une Chambre à soi, Virginia Woolf constatait non sans ironie que la seule chose qui qualifiait les hommes pour parler des femmes était qu’ils n’en sont pas. Elle rappelait également comment le Dr Johnson raillait les femmes écrivains en les comparant à « un chien marchant sur ses jambes de derrière : ce n’est pas bien fait mais c’est étonnant ! » Les cartes postales présentées et analysées par Juliette Rennes illustrent en grande partie cette circonspection partagée entre scepticisme et persiflage de voir émerger sur la scène publique des femmes « en métiers d’hommes ».
L’industrie florissante de la carte postale s’est emparée avec malice du genre qui consistait à donner à voir des pratiques professionnelles réelles au féminin tout en laissant poindre une inquiétude quant au fait que les femmes puissent déborder du cadre et annexer des territoires traditionnellement pensés masculins. De fait, ce seront les métiers considérés comme faisant appel à la réflexion ou à « l’intellect » (avocat, médecin, politicien, écrivain, etc.) ou requérant des qualités pensées comme liées à la vigueur ou la force physique (cocher, militaire, colleur d’affiche) qui seront les plus brocardés et caricaturés. Métiers qui n’ont pas de féminin lexical et qui risqueraient de ridiculiser les femmes qui souhaiteraient les embrasser.
Un reportage ethnographique Pour autant, à côté des pauses qui offrent des moues coquines ou des postures faussement sérieuses pour des séries de cartes postales titrées « les femmes de l’avenir » ou « la femme émancipée », d’autres lots se déclinent à la façon d’un reportage ethnographique et présentent des femmes au travail dont l’activité professionnelle oblige à porter des vêtements qui les masculinisent.
Et, entre la bergère corse en braies et fusil, les parqueuses d’huitres ou les résinières du bassin d’Arcachon, elles aussi en pantalon, et les représentations photogéniques des femmes en robe d’avocat ou l’ironie saillante à propos des femmes cochers qui conduisent les hommes, se déploie tout un éventail qui révèle le réel et dévoile le symbolique.
S’ajoutent également des cartes postales de femmes qui ont « un nom » ou un prénom : femmes de lettres, femmes artistes ou scientifiques présentées comme figures de l’exception dont la célébrité leur vaut d’être acceptées comme telles.
La circulation de ces cartes, parfois annotées par les expéditeurs, draine dans son sillage postal une interrogation quant à la capacité des femmes – qui rappelons-le ne sont pas citoyennes – à se conduire, de part leurs activités professionnelles, indépendamment des hommes.
Fantasmes masculins L’aptitude des femmes y est gaussée tout comme est dénudée l’inquiétude d’une transgression qui menacerait l’ordre des sexes – le tout véhiculant des fantasmes mâtinés de gauloiseries, plus particulièrement avant le premier conflit mondial. De fait, les « remplaçantes » de guerre qui occupent les places vacantes démontrent que les femmes peuvent être aussi bien sur le front laborieux où elles se substituent aux hommes qu’en première ligne comme soignantes ou médecins tout en restant aussi à l’arrière comme mères et épouses. Les années de guerre passées, les femmes en métiers d’hommes, certes toujours regardées comme singulières, seront aussi peu à peu consacrées comme objet de curiosité avant-gardiste.
Les quelques 350 images ou cartes postales collectées par Juliette Rennes qui a travaillé à regrouper un large corpus nous permettent, grâce à leur diversité, de voyager dans le temps et l’espace afin d’arpenter une topographie instructive des représentations des femmes au tournant du vingtième siècle.
Véronique Fau-Vincenti
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