|
|
Nous joindre | L'OURS 12 Cité Malesherbes 75009 Paris | Tél. 01 45 55 08 60 | Pour être informé de nos activités (réunions, parutions, séminaires…), laissez nous un message électronique : | e-mail : info@lours.org |
|
|
|
|
L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
|
PS, Histoire documentaire tome 4
|
France socialiste, puisque tu existes… par Frédéric Cépède
La France socialiste, Histoire documentaire du Parti socialiste Tome 4, 1969-2005 Textes réunis et présentés par Vincent Chambarlhac, Maxime Dury, Thierry Hohl, Jérôme Malois Éditions Universitaire de Dijon 2006 345 p 22 e
Après « L’Entreprise socialiste » (1905-1920) et « La Maison socialiste » (1921-1940), parus en 2005, puis en début d’année « Les Centres socialistes » (1940-1969)1, le quatrième cycle « La France socialiste » (1969-2005) clôt cette monumentale « Histoire documentaire du Parti socialiste », éditée en deux ans.
D’abord, levons notre chapeau pour saluer les maîtres-d’œuvre de cette « entreprise » et leur éditeur, et les féliciter d’avoir tenu le calendrier annoncé. Nous sommes aujourd’hui en présence d’une masse considérable de plus de 1300 pages de textes et documents, accompagnés de cartes électorales et de l’implantation militante, bibliographies, chronologies, et quelques biographies.
Une mine de textes Pour ce dernier volume, sans doute la période la plus difficile à traiter, 111 textes et quelques images ont été sélectionnés dans un immense corpus, tant les socialistes accordent d’importance aux textes. À l’époque de l’audiovisuel, de l’image-reine, de l’internet, ne fallait-il pas aussi s’interroger sur le besoin persistant (voire structurel) du PS d’inonder ses adhérents de tant de textes imprimés, comme à l’occasion du référendum interne ou du congrès du Mans en 2005 ? Comme pour les précédents volumes, les documents intégraux ou en extraits sont tirés de livres, brochures, articles de presse, revues, interventions en congrès, notes de réunions, motions de congrès, correspondances sélectionnées dans des fonds privés… les auteurs puisent aussi dans la presse quotidienne, dans L’Humanité, par exemple, avec cette interview de l’historien Steven L. Kaplan sur le bilan (décevant) des célébrations du bicentenaire de la Révolution française en 1989, ou Le Monde, avec un article signé P.J. racontant la rupture de Chevènement avec le PS et la création du Mouvement des citoyens en 1992. Ils ne publient donc pas que des socialistes : au chapitre « antiracisme », on trouve un extrait de l’intervention en mai 1990 de Jean-Claude Gayssot – communiste et futur ministre de Jospin – défendant – déjà – son projet de loi. Les textes sont répartis en quatre grands chapitres, divisés chacun en trois parties, se subdivisant chacune encore, qui éclairent le projet. Le premier, « La France socialiste », débute par une partie intitulée « l’évidence d’une figure » (où il s’agit de montrer que le PS se reconstruit à partir de 1971, dans sa nature, ses pratiques militantes, son occupation du terrain, et veut imposer son projet socialiste en rupture avec la SFIO), suivie de « Autres France(s) » (entendre comment les socialistes appréhendent le monde qui les entoure), puis « Faire la société civile » (répondre à toutes ses aspirations : école, laïcité, femmes, famille, minorités, loisirs, …). Le second chapitre, « L’interminable quête du pouvoir », enchaîne « L’Europe socialiste », « L’ère Mitterrand », et « les autres ». Le choix de textes sur l’Europe, du congrès de Bagnolet (1973) au référendum interne et ses suites au congrès du Mans en novembre 2005, en passant par Maastricht et les élections de 1992, donne bien le ton des débats internes des socialistes, sujet qui touche à l’identité « socialiste » et sur lequel se jouèrent de nombreuses ruptures. Le troisième chapitre, « De François Mitterrand à François Hollande », ordonne les textes autour de trois séquences chronologiques : « Les années mitterrandistes », « Un parti de gouvernement : les années mitterrandiennes », et se termine par « Avec Jospin, sous Jospin, sans Jospin ». Enfin un court dernier chapitre d’une vingtaine de pages revient sur les rapports des socialistes avec leurs « mémoires », se terminant logiquement sur la célébration du centenaire du Parti en 2005, avec le programme du colloque tenu à la Bibliothèque nationale de France et des extraits du discours de clôture de François Hollande. On l’aura compris, la mise en scène des textes n’est pas strictement chronologique. C’est la réalité de cette figure, la « France socialiste » que les auteurs veulent imposer d’entrée. Comme en France tout commence par une chanson, les paroles de Changer la vie, l’hymne socialiste, composé en 1977 par Herbert Pagani et mises en musique par Theodorakis, ouvrent le premier chapitre : « France socialiste puisque tu existes, tout devient possible ici et maintenant… », dit le refrain. Puis viennent des extraits de l’introduction du programme de 1972, et la liste de 94 mesures immédiates ou à termes envisagées pour effectivement « Changer la vie ». Ce n’est qu’avec la troisième partie que la chronologie de la vie du PS reprend vraiment ses droits, explicitant la césure de 1969 comme année du début de la reconstruction de cette France socialiste.
Une sélection pour quel objet ? On pourra toujours faire aux auteurs le grief d’avoir recalé tel ou tel texte, forcément fondamental, comme les 110 propositions du candidat Mitterrand en 1981, ou le règlement intérieur pour l’expression des courants et sensibilités du parti de 1978, voire le discours de Quilès à Valence en 1981 pour en finir avec la légende… Exercice convenu, qui cache le plaisir pris à en redécouvrir tant d’autres, comme ces larges extraits du bilan de six mois d’exercice du pouvoir tiré par François Mitterrand (« les gens sont devenus des nomades »), interrogé par Michèle Cotta et Pierre Desgraupes le 9 décembre 1981 sur Antenne 2. Il faut prendre la sélection opérée comme un tout au regard de la structure retenue, qui lui donne sa pertinence. Mais en collant autant à l’actualité ils ont pris le risque que leurs choix soient discutables… et donc probablement discutés dans l’avenir. Nos auteurs, fort logiquement, ne tirent pas de bilan de ce siècle et laissent au lecteur le soin d’imaginer l’avenir. Les choix opérés et le plan proposé (ou est-ce mon propre tropisme ?) font cependant apparaître depuis 1969 un parti très éclaté, à la réalité mouvante, qui s’incarne dans des hommes et n’existe presqu’à l’aune de leurs succès ou de leurs échecs. On parle ici du Parti et non de la France socialiste qui continue à exister à travers ses élus, dans sa gestion des communes, des départements, des régions, et dans l’espace politique puisque le PS, c’est sa grande victoire de la période, représente presque à lui seul (c’est aussi sa limite) la gauche. À lire les textes réunis, le PS existe mais il est difficile à faire entrer dans des schémas. Et à relire les débats de ses leaders, les évolutions sur le dernier quart de siècle se comprennent moins dans l’affrontement entre les deux cultures présenté au congrès de Nantes en 1977 par Michel Rocard que dans les trois âges du socialisme soulignés en réponse par Fabius au congrès de Metz (1979), le PS s’incarnant successivement selon lui dans Jaurès, Blum puis Mitterrand. Dès lors, c’est depuis 1988 le problématique passage à un quatrième âge qui rend délicat tout grille d’analyse des vingt dernières années. Nous avons déjà dit, avec d’autres, dans ces colonnes l’intérêt de cette masse documentaire, très intelligemment présentée, parfois trop, et laissé aussi entendre notre perplexité. Sauf à ne voir dans cette entreprise éditoriale qu’un corpus dans lequel puiser pour sortir des textes convenus (aller au-delà des déclarations de principes, motions du congrès de Nantes, discours au congrès d’Épinay…) force est de constater que ces textes ne sont pleinement intelligibles, me semble-t-il, que pour des lecteurs déjà très au fait de l’histoire du PS. Ils fonctionnent alors comme des buttes témoins, et des incitations à aller plus loin, mais ne proposent pas de fait une « lecture » de l’histoire du Parti socialiste. C’est un PS dont la sociologie des militants est largement absente, dont les évolutions du mode de fonctionnement et son adaptation à la situation électorale ne peuvent se lire et de façon très impressionniste, qu’à travers la chronologie en fin de volume. Mais les usages qui seront faits de ces volumes démentiront peut-être notre vision. La question pour nous reste ouverte. Frédéric Cépède
1 Voir L’OURS 347, 353 et 358 | Revenir au sommaire |
|
|
|
|
© L'OURS - 12 cité Malesherbes 75009 Paris
|
|