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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Dupont Julliard la reine de l'opinion 377
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Faut-il opiner avec l’opinion ?
par Claude DUPONT (L’OURS 377, avril 2008)
a/s de Jacques Julliard, La Reine du monde. Essai sur la démocratie d’opinion, Flammarion 2008 125 p 12 €
La collection du Café Voltaire nous offre le dernier essai de Jacques Julliard qui, après Rosanvallon et quelques autres, revient sur le rôle essentiel de l’opinion publique dans le monde contemporain.
On peut distinguer trois plans dans ce court ouvrage. Celui, d’abord, d’un constat. Pour Julliard, la présidentielle de 2007 a vu, avec l’irruption de Ségolène Royal, un phénomène tout nouveau : une candidate pour la première fois imposée de l’extérieur à l’intérieur d’un grand parti. Venant après le référendum de 2005 sur l’Europe où une majorité du peuple s’était prononcée pour le non à l’encontre du choix de la plupart des organisations politiques, la présidentielle de 2007 est d’autant plus significative que les deux autres « grands » candidats, Nicolas Sarkozy et François Bayrou, ont, eux aussi, joué largement l’opinion publique contre la classe politique. Opinion publique et politique Le deuxième plan, c’est un aperçu historique assez brillant, tendant à souligner que le concept d’opinion est lié à l’existence même de la politique, depuis Machiavel qui incitait le Prince à tenir compte de l’opinion s’il voulait se maintenir au pouvoir, en continuant par Pascal pour qui la politique était une dialectique de la force et de l’opinion arbitrée par la coutume, jusqu’aux libéraux du xixe siècle, Guizot, Chateaubriand ou Benjamin Constant pour qui l’opinion était un moyen de gouvernement – l’opinion constituée bien sûr de gens bien nés, fortunés et cultivés.
Après le diagnostic et l’historique, on en arrive à la politique : la place de l’opinion publique aujourd’hui. Et là, le ton se fait véhément, voire polémique. En reconnaissant le suffrage comme seule expression de la volonté générale, la classe politique mépriserait les autres moyens d’expression : les médias, les sondages, les manifestations. Dès lors, le peuple n’est qu’un malheureux Caliban que l’on fait sortir de sa grotte tous les cinq ou six ans pour confier le pouvoir à une prétendue élite qui en confisque l’exercice. La démocratie représentative n’est plus en réalité qu’une démocratie substitutive et l’auteur lance contre les « doxophobes » une diatribe enflammée : « Chers parlementaristes ! Émouvantes figures d’un passé révolu ! »…
Seulement, c’est là qu’on reste sur sa faim. Que la technologie moderne accentue la puissance d’intervention de l’opinion sur la scène politique, soit. Mais quelle innovation institutionnelle nous propose l’auteur ? En dehors de l’évocation du référendum ou des « jurys populaires » chers à Ségolène Royal et dont les rares exemples que nous ont fourni les États-Unis sont loin d’être convaincants, on ne ne voit rien venir
En fait, loin d’avoir été trop tenue à distance, l’opinion publique a envahi un territoire quasi démesuré. Qu’une collectivité locale lance un projet d’équipement, il lui faudra franchir une multitude de procédures, de l’enquête publique au passage à diverses commissions pour rester, après avoir subi l’examen d’une trentaine de services ou chambres syndicales, à la merci de saisie d’un tribunal administratif par des associations de mieux en mieux organisées. Car l’opinion a maintenant un bras redoutable avec la progression très rapide de la judiciarisation.
À vrai dire, les techniques modernes d’information, l’omniprésence des médias confèrent à l’opinion une dimension émotionnelle ou passionnelle qui tendrait beaucoup plus à paralyser l’action, ou au moins à la ralentir, qu’à la favoriser. Jacques Julliard dit lui-même que l’opinion est souvent panique. C’est vrai que, face à l’innovation, les mouvements spontanément hostiles reçoivent une faveur particulière.
Laisser du temps à la politique Mettre sur le même plan toutes les formes d’expression populaire, suffrage, sondage, manifestations, n’aurait aucun sens. Une trop forte invasion de l’opinion publique dans l’espace public offre un inconvénient majeur : l’érosion de la notion de durée. La réaction de l’opinion doit entraîner des résultats immédiats. Or, les grands projets d’une nation requièrent du temps pour surmonter les préjugés, débusquer les faux arguments, évaluer l’intérêt pour l’avenir. La volonté dans la durée ne peut émaner que des élus du suffrage universel et la démocratie représentative est le meilleur gage de la cohérence d’une politique.
Par son essence même, la démocratie fait sa place à l’opinion publique. Mais l’évolution de toute démocratie, c’est que par la multiplication de ses formes, l’amplification de ses résonances, le poids de cette opinion va croissant jusqu’au moment où il est nécessaire avant qu’il ne soit trop tard de rappeler qu’il faut laisser sa place à la décision. À ce niveau, la représentation démocratique a un rôle à jouer qu’elle est seule à pouvoir assumer. Claude Dupont
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