ACTUALITE
L'OURS
PUBLICATIONS
DEBATS DE L'OURS
LIVRES DIFFUSÉS
SEMINAIRE OURS
ARCHIVES BIBLIOTHEQUE
TEXTES, IMAGES, DOCUMENTS
L'OURS Signale (colloque,
LIENS UTILES
NOUS ECRIRE
 
Nous joindre
L'OURS 12 Cité Malesherbes 75009 Paris
Tél. 01 45 55 08 60
Pour être informé de nos activités (réunions, parutions, séminaires…), laissez nous un message électronique :
e-mail : info@lours.org
 
L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Candar / Blum-Gide / L'OURS 413
Gide et Blum : les chemins d’une amitié,
par GILLES CANDAR

À propos de : André Gide et Léon Blum, Correspondance 1890-1950, nouvelle édition augmentée par Pierre Lachasse, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2011, 278 p, 20 €
Article paru dans L’OURS n°413, décembre 2011, page 1


L’amitié entre Léon Blum (1872-1950) et André Gide (1869-1951) est depuis longtemps connue. Les prémisses de cette amitié se situent à l’automne 1888, lorsqu’ils se rencontrent et échangent quelques paroles devant « un lever de soleil rose », place du Panthéon, avant d’entrer au lycée Henri IV où ils sont tous deux élèves de Philosophie [Terminale]. Elle s’achève avec leur mort respective, à un an d’intervalle, en mars 1950 et février 1951.

Cette amitié a dépassé la rencontre entre deux jeunes gens épris de littérature et d’art ; elle a été réelle et profonde, elle s’est construite aussi, elle a traversé des difficultés et son chemin n’a pas été linéaire, elle a été aussi, et continuera à l’être, diversement commentée. Seulement, maintenant, nous avons les pièces essentielles du dossier.

Grâce aux « archives de Moscou », nous disposons de 86 lettres (53 de Gide, 33 de Blum) qui n’avaient jamais été publiées, une trentaine de ces lettres, mal classées, n’ayant été redécouverte qu’en 2008. Et grâce au travail soigné, méticuleux même, de Pierre Lachasse, nous disposons de ce matériau expliqué et commenté tout du long, avec prudence, science et nuance (regrettons juste de légères approximations historico-politiques et, péché véniel, une confusion entre PSF et PSDF).

L’intensité d’une amitié
Cette édition devrait en tout cas ruiner définitivement les partis-pris trop hostiles à Gide qui veulent abusivement le présenter en antisémite. La page fameuse du Journal incriminée, datée de janvier 1914, replacée dans son contexte, n’autorise pas du tout ce reproche. Certes, sa publication, en 1936, peut plus légitimement être contestée. Politiquement, ce n’était vraiment pas à faire, ici et maintenant. Mais c’est alors toute la démarche d’écrivain de Gide et son choix d’écriture, d’ « instabilité » et de « danger » comme le dit très bien Pierre Lachasse qui doit être interrogée. Blum l’a compris, mais sans doute pas tout de suite, et il a pu d’autant plus douter alors de l’amitié de Gide que, depuis leurs débuts, il ne cessait de montrer son inquiétude sur la force et la qualité de celle-ci. Mais le plus étonnant, à la lecture de cette correspondance et de ses commentaires, est de voir au contraire le renforcement progressif d’une relation fragile et parfois malmenée. Gide regrette les compromis ou les concessions de Blum envers le monde, la presse, les milieux officiels et la politique, tout en cherchant aussi à en tirer parti à l’occasion, surtout en faveur de ses amis. L’éloignement le plus net se situe sans doute vers 1910-1914, lorsque Gide crée La NRF et partage les préventions de son ami Copeau à l’encontre des choix critiques et esthétiques de Blum.

Mais Gide sait aussi s’incliner comme le roseau et finalement comprendre la valeur de l’action propre de son ami, qui change à nouveau de vie avec la Guerre. Lui-même s’engage de plus en plus en politique. Il est un temps assez bref « compagnon de route » du communisme, on le sait, mais auparavant et ensuite celui assez constant du socialisme démocratique, en faveur d’une réconciliation avec l’Allemagne de Weimar, contre les crimes coloniaux au moment du Voyage au Congo, campagne que Blum soutient dans Le Populaire, contre le fascisme et pour la résistance…

Il approuve encore les grands articles de Blum sur le socialisme de l’été 1945 et souhaite s’abonner au Populaire. Ce n’est qu’un aspect de sa vie, mais un aspect qu’il ne faut pas négliger. De même que Blum découvre dans ses dernières années la richesse morale et littéraire de l’Ancien Testament et se plonge à nouveau dans Shakespeare et Montaigne.

Gilles Candar
 

 
© L'OURS - 12 cité Malesherbes 75009 Paris