AccueilNon classรฉAux origines de la naissance du PSA puis du PSU, par CLAUDE...

Aux origines de la naissance du PSA puis du PSU, par CLAUDE DUPONT

Cโ€™est cette crise que nous retrace Gilles Morin en publiant sa thรจse de doctorat soutenue voici plus de trente ans, dans laquelle il avait accumulรฉ un nombre impressionnant de tรฉmoignages de premier plan, tout en dรฉpouillant une quantitรฉ astronomique de documents. Une vรฉritable somme. Un ouvrage dont lโ€™intรฉrรชt ne se dรฉment jamais, dโ€™une grande utilitรฉ pour qui veut dรฉcouvrir โ€“ ou redรฉcouvrir โ€“ ce que fut la gauche socialiste ร  cette รฉpoque dรฉcisive.

Avouons-le : sur le long terme, les socialistes ne furent guรจre ร  lโ€™aise dans la politique de dรฉcolonisation. En bons hรฉritiers des Lumiรจres, ils estimaient de leur devoir de transmettre les bienfaits du progrรจs ร  des populations dรฉshรฉritรฉes, et souvent affreusement exploitรฉes par leurs fรฉodaux. La finalitรฉ, cโ€™รฉtait lโ€™รฉmancipation des individus, plus que celles des peuples ; lโ€™objectif รฉtait lโ€™assimilation, plus que lโ€™indรฉpendance. Ils se dรฉfiaient des tentations dโ€™un nationalisme porteur de plus de pรฉril que dโ€™espรฉrance. Pour les dirigeants de la SFIO, les promesses faites aux Algรฉriens en 1936 et 1947 nโ€™avaient pas รฉtรฉ tenues, et il suffirait sans doute dโ€™appliquer dโ€™importantes rรฉformes dโ€™ordre รฉconomique et social en assurant la loyautรฉ des scrutins, pour rรฉtablir lโ€™ordre. Dโ€™oรน le triptyque proposรฉ par le gouvernement Mollet : cessez le feu-รฉlections-nรฉgociations.

Mais trรจs vite, des craquements se firent entendre. Sur le terrain, cโ€™est lโ€™Armรฉe qui imposait sa loi, et il courait de dรฉtestables rumeurs dโ€™exรฉcutions sommaires et de tortures. Cโ€™est sur ce refus de cautionner lโ€™inadmissible quโ€™une minoritรฉ se constitua, exigeant que la lumiรจre soit faite, que la lutte soit menรฉe sur deux fronts, contre les ยซ fellaghas ยป certes, mais aussi contre les ultras europรฉens, et que soit entamรฉe dรจs maintenant une nรฉgociation ยซ sans exclusive ยป. Au conseil national de juin 1956, le texte de ces minoritaires recueillit 7 % des mandats.

ร€ premiรจre vue, ces derniers auraient dรป progresser rapidement. Dโ€™abord, compte tenu de la qualitรฉ de leurs reprรฉsentants : Daniel Mayer, Alain Savary, Robert Verdier, Oreste Rosenfeld, Andrรฉ Philipโ€ฆ Dโ€™autre part, lโ€™environnement รฉtait favorable. La puissante Fรฉdรฉration de lโ€™ร‰ducation nationale โ€“ plus proche des messalistes que du FLN โ€“, la Ligue des Droits de lโ€™homme, lโ€™UNEF, trรจs implantรฉe alors chez les รฉtudiants et vent debout contre la prรฉtendue ยซ pacification ยป, รฉtaient sur la mรชme longueur dโ€™onde que les minoritaires socialistes. Et des fautes majeures, comme la campagne dโ€™ร‰gypte ou le dรฉtournement de lโ€™avion transportant les leaders du FLN, accentuaient les fractures.

Pourtant, jamais les minoritaires ne purent sโ€™imposer. Ils ne dรฉpassรจrent que rarement le tiers des suffrages Le problรจme, cโ€™est que, voulant รฉviter lโ€™accusation de fractionnisme, ils en restรจrent essentiellement au niveau parlementaire, et ne surent pas rallier cette masse dโ€™inorganisรฉs, qui refusaient ร  la fois la politique algรฉrienne de la SFIO et le soutien des communistes ร  lโ€™รฉcrasement de la Rรฉvolution hongroise. Et puis, ils formaient un ensemble trรจs hรฉtรฉrogรจne, les uns ayant une approche plus marxiste, alors que dโ€™autres avaient plutรดt une rรฉaction ยซ dreyfusarde ยป, condamnant surtout les excรจs de la rรฉpression. En fait, les minoritaires nโ€™apportaient pas une solution de rechange, et nโ€™auraient pu le faire tant quโ€™il nโ€™รฉtait pas question de rรฉaliser lโ€™union de la gauche. En face, Guy Mollet savait fort bien faire vibrer la corde du ยซ patriotisme de parti ยป, de la camaraderie socialiste, lui, le militant viscรฉral, restant trรจs proche du terreau des adhรฉrents de base, bรฉnรฉficiant de la persistance dโ€™une solidaritรฉ sentimentale, forgรฉe, pour certains, dans les รฉpreuves de la Rรฉsistance.

En mai 1958, le ralliement de Guy Mollet ร  de Gaulle provoqua la scission. On remarquera que les affrontements รฉtaient nรฉs du problรจme algรฉrien, mais que cโ€™est sur une question institutionnelle et une divergence de stratรฉgie de politique intรฉrieure que sโ€™effectua le divorce.

Le PSA ne vรฉcut quโ€™une vingtaine de mois, avant la fusion avec lโ€™UGS pour aboutir au PSU. Dans un premier temps, les rรฉsultats de lโ€™opรฉration purent paraitre dรฉcevants. Les effectifs du nouveau parti ne reprรฉsentaient que quelques milliers de militants, essentiellement des cadres et des fonctionnaires venant surtout dโ€™รŽle-de-France. Mais une deuxiรจme vague scissionniste vint un peu grossir les rangs, dโ€™autant plus quโ€™elle fut accompagnรฉe par la venue de Pierre Mendรจs France. Avec 10 000 adhรฉrents, le PSU compta le plus fort effectif que put rรฉunir un parti se rรฉclamant du socialisme dans une gauche traditionnellement structurรฉe par le PC et la SFIO.

Durant cette courte pรฉriode, le PSA marqua une รฉvolution. Il se mit ร  accepter, pas ร  pas, lโ€™idรฉe dโ€™une indรฉpendance inรฉvitable, mais resta intransigeant sur lโ€™exigence dโ€™obtenir des garanties pour les Europรฉens et les minoritรฉs algรฉriennes. Il sโ€™engagea rรฉsolument dans la bataille suscitรฉe par les lois Debrรฉ et ne cessa dโ€™affirmer son opposition ร  toute notion de pouvoir personnel. Face ร  une SFIO ankylosรฉe, il sut amorcer, mรชme timidement, une rรฉflexion sur lโ€™adaptation du socialisme ร  la modernitรฉ, attirer des jeunes, et contribua, par sa fusion avec lโ€™UGS, ร  ouvrir lโ€™entrรฉe du socialisme ร  un certain nombre de militants chrรฉtiens. Il fut, en tout cas, un ferment actif de ce Parti socialiste qui devait naitre, une dรฉcennie plus tard, ร  ร‰pinay.

Claude Dupont
L’ours 539, janvier-fรฉvrier 2025

RELATED ARTICLES

Most Popular

Recent Comments