BORIS VALLAUD, député des Landes, a piloté la rédaction du programme du Parti socialiste et de celui de sa candidate Anne Hidalgo. Il a publié récemment Un esprit de résistance, Flammarion, 2021 (voir L’ours 508). Il répond aux trois questions d’ISABELLE THIS-SAINT-JEAN
Comment s’est élaboré le projet d’Anne Hidalgo et quel est son lien avec celui du Parti socialiste présenté à la rentrée 2021 ?
La construction du programme présidentiel d’Anne Hidalgo est un processus itératif qui s’appuie d’abord sur le travail parlementaire des députés et des sénateurs socialistes ainsi que sur l’action de nos élus locaux dans les villes, les agglos, les départements et les régions que nous dirigeons. Ce programme se veut incarné et en prise avec le réel, c’est la raison pour laquelle il s’est aussi nourri des très nombreuses rencontres que la candidate a faites à l’occasion de chacun de ses déplacements partout en France. Il s’est ensuite appuyé sur de nombreuses consultations d’acteurs de la société civile, dont la parole compte mais qu’Emmanuel Macron, dans un quinquennat très vertical pour ne pas dire unilatéral, avait tenu à l’écart. Anne Hidalgo, c’est la méthode inverse, la seule qui permet de construire les grands compromis républicains. Elle a reçu, ainsi que son équipe, de nombreux chercheurs, de nombreuses ONG – je pense au Pacte du pouvoir de vivre – , ainsi que les syndicats. Enfin, il est en lien avec le travail très important conduit au Parti socialiste et, en particulier, sur le projet dont chacun des chapitres avait été construit et présenté il y a maintenant un an et dont la synthèse avait été rendue publique en août dernier à Blois puis approuvée à la quasi-unanimité des militants.
Il y a une grande continuité et une grande proximité entre le travail du PS, de ses élus et de ses militants et le programme présidentiel. Le projet a dessiné un horizon de société, le programme a arrêté des mesures s’inscrivant dans un quinquennat et dans ce projet.
Quels sont les grands axes du programme de la candidate du PS ?
Le programme d’Anne Hidalgo se saisit d’une triple urgence : sociale, écologique et démocratique. C’est un projet qui s’adresse d’abord aux classes populaires et aux classes moyennes. Non pas pour ne parler qu’à elles mais comme condition pour parler à tous. Face aux candidats des fractures et de la division, son projet vise à unir les Françaises et les Français dans la justice. Penser aux classes populaires, c’est pour elle le point de départ d’un projet plus global. L’émancipation des classes populaires est, par essence, celle de toute la société et c’est un projet politique en soi.
Anne Hidalgo a choisi de mettre au cœur de son programme la question sociale, dans ses différentes dimensions. Il y a d’abord la réaffirmation de la centralité du travail (nous sommes le parti du travail et des travailleurs) et de ses mutations. Du travail comme réalisation de soi, du travail qui émancipe avec une exigence, pour celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre, que le travail paye. Voilà pourquoi elle convoque une conférence salariale, propose d’augmenter le SMIC de 200 € nets par mois, de limiter les écarts de rémunération de 1 à 20 ou d’atteindre l’égalité salariale entre les femmes et les hommes en cinq ans. Il y a ensuite la question de la santé et de l’accès aux soins, car on sait que c’est là aussi que se niche le redoutable défi égalitaire : il y a 11 ans de différence d’espérance de vie entre les 5 % de Français les plus riches et les 5 % les plus pauvres. Voilà pourquoi notre candidate veut consolider l’hôpital public aujourd’hui au seuil de l’épuisement, régler la question des déserts médicaux ou faire de la prévention le pivot d’une politique globale de santé.
Enfin, il y a l’école à l’égard de laquelle Anne Hidalgo sait être en dette par son histoire personnelle. C’est là que l’avenir en commun s’écrit. Elle refuse les destins écrits d’avance. C’est pour cela qu’elle veut mettre toutes ses forces dans la revalorisation d’une école qu’en définitive Jean-Michel Blanquer n’aura ni servie, ni d’ailleurs aimée. C’est la revalorisation des enseignants d’abord et de l’institution scolaire, la défense de l’innovation pédagogique et la lutte acharnée contre les ghettos scolaires. Là où la droite veut « chacun à sa place », Anne Hidalgo veut « une place pour chacun ».
La question environnementale, impérieuse, incontournable, urgente, s’envisage comme une question sociale, d’abord parce que le programme présidentiel propose des odyssées industrielles destinées à construire l’industrie de demain avec les ouvriers d’aujourd’hui, mais aussi parce qu’elle veut une écologie populaire qui permette aux Françaises et aux Français de mieux vivre, de mieux se nourrir, de mieux se déplacer, de mieux se loger. Sur ce dernier point, elle prend l’engagement de sortir 12 millions de Français de la précarité énergétique en dix ans et de réduire d’autant les émissions de CO2.
Quelles sont les convergences et divergences avec d’autres offres programmatiques, notamment à gauche et chez les écologistes ?
Il y a à gauche à la fois des convergences nombreuses, fort heureusement, et des divergences. Pour Anne Hidalgo, la République ne sera écologique que si elle est sociale. C’est sans doute cette affirmation nette de la centralité de la question sociale et le refus d’une écologie « bourgeoise » qui la distingue d’autres offres. La question environnementale est dans son esprit un levier de transformation sociale et d’amélioration de la condition humaine dans une approche « One Health » (une seule santé humaine, animale et environnementale). Par ailleurs, ce qu’il y a de notable, c’est que son programme se nourrit du bilan de nos élus locaux partout en France dans des territoires urbains comme dans des territoires ruraux, en métropole comme Outre-mer : c’est l’écologie en acte fondée sur une écologie municipale éprouvée de longue date et reconnue s’agissant d’Anne Hidalgo dans le monde entier. Elle est prête et d’ailleurs nombre de nos propositions ont déjà leur loi écrite pour être opérationnelle aux premiers jours d’un quinquennat.
Propos recueillis par Isabelle This-Saint-Jean