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De Gaulle, consensus général ?

Ce numéro de la RPP se propose de « penser de Gaulle ».

« Bonjour, de Gaulle, Bonjour ! », Revue politique et parlementaire, n°1094-1095, trimestriel, janvier-juin 2020, 296 p, 25 €

Pour ce faire il diversifie les approches, textes de personnalités politiques, réflexions d’hommes de lettres et d’essayistes, articles d’historiens, d’économistes, de politologues sur les politiques intérieure et extérieure, études sur la mémoire. Le tout rend un jugement plus que favorable, comme le suggère le titre du numéro, en écho au À demain, de Gaulle, de Régis Debray en 1990. Certes quelques articles, celui de Jean Marie Rouart, à propos de l’Algérie, et celui de Georges-Marc Benamou, pour Mai 1968, rappellent des faiblesses et des fautes du « grand homme ». Et la rédaction de la revue a eu la bonne idée de livrer une synthèse des positions de cette vieille publication au fil des décennies depuis la Libération, qui ont pu être parfois franchement hostiles à la politique gaullienne, comme en 1962, contre le référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel, et critiques sur la politique européenne. 

Satisfecit
Mais, aujourd’hui, le satisfecit l’emporte largement sur la critique. Il est intéressant, de ce point de vue, de comparer les textes des personnalités politiques sollicitées. Chacune parle évidemment d’elle à propos de De Gaulle. La presse a déjà fait une large mention de l’article de Marine Le Pen qui livre un éloge dithyrambique du général, « génie politique », « génie militaire », « génie littéraire », et l’installe (oh ! Jean-Marie) quasiment comme la référence du Rassemblement national… Nicolas Dupont-Aignant procède de la même manière pour son mouvement Debout la France ! Valéry Giscard d’Estaing rappelle ses désaccords, mais souligne que de Gaulle a avalisé sa politique d’équilibre budgétaire quand il était ministre des Finances, et que, aujourd’hui, il serait un européen conséquent dans les nouvelles données du monde du XXIe siècle. Jean-Pierre Chevènement soutient, sans surprise, la thèse inverse et revendique une part de l’héritage. Jean-Luc Mélenchon félicite « L’insoumis » de 1940, et rejette les institutions monarchiques de la Ve République – comment aurait-il pu en être autrement lorsqu’on prône une VIe République. « Tout le monde sera gaulliste », a-t-on dit. Mais, à l’évidence, le prix à payer est une si forte instrumentalisation et différenciation politique que l’utilité de la référence ne s’impose plus guère. 

L’homme providentiel ?
Aussi, c’est l’intérêt de la deuxième partie du dossier de revenir sur les fondements, non du gaullisme au sens propre (car les mouvements et partis gaullistes sont quasiment ignorés), mais sur la pensée politique du général lui-même, la conception de la nation et de l’État tout particulièrement. Mais, il faut le signaler, certains articles sont à ce point partisans, ceux de Roland Hureaux, à propos de l’Europe, et de Guillaume Bigot, sur l’immigration et l’assimilation, notamment, qu’une discussion critique aurait dû être menée – le lecteur la fera pour sa part. D’une manière générale, ces textes – et c’est intention de la plupart – suscitent des réflexions pour l’avenir. Didier Mauss, notamment, pose très clairement les conditions d’une permanence de la Ve République et ce qui serait la seule réelle possibilité d’une réforme, l’adoption d’un mode de scrutin proportionnel pour les élections législatives. Jean Garrigues, enfin, replace de Gaulle dans une perspective plus large, celle de « l’homme providentiel », particulièrement vivace dans notre pays, mais problématique actuellement. C’est dire, finalement, qu’il y a beaucoup à prendre dans ce numéro de la RPP, pour notre information et pour notre réflexion. 

Alain Bergounioux

(Article paru dans L’OURS n°502, novembre 2020)

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