Paru à point nommé avant le premier tour du 15 mars 2020, cet ouvrage avait tout pour être le livre de chevet des nouveaux élus qui souhaitaient prendre du recul sur leurs fonctions fin mars. Las ! Ceux-ci auront dû patienter…
(a/s de Rémi Lefebvre, Municipales : quels enjeux démocratiques, Doc’ en poche, La Documentation française, 2020, 193p, 7,90€)
L’ouvrage de Rémi Lefebvre est un condensé de science politique tout aussi pédagogique que son titre : il s’agit de balayer les principaux enjeux de la démocratie communale. L’ouvrage fonctionne en entonnoir inversé : il part de celui qui est au cœur du pouvoir municipal, le maire, pour finir par un chapitre consacré à ceux qui en sont, a priori, les plus éloignés parce qu’ils ne votent pas.
La vaste étendue des pouvoirs du maire fait que l’on peut parler d’un véritable « président municipal », animant à la fois l’exécutif municipal, présidant l’assemblée délibérative, chef de l’administration et agent de l’État sur sa commune. Cette hyperconcentration des pouvoirs et la longévité des maires ne peuvent qu’encourager ce que l’auteur appelle la « pente notabiliaire » : face à eux, les contre-pouvoirs sont faibles. Si certains peuvent ressentir ce qu’Éric Kerrouche a appelé le « blues des maires » et dénoncer la dégradation de leur statut – qui peut être dus aux « pièges de la proximité », en générant des attentes des électeurs que les moyens en baisse des communes ne permettent pas de satisfaire – Rémi Lefebvre rappelle que le sujet « crise des vocations » est un marronnier.
Le portrait sociologique de ces maires montre qu’ils sont de plus en plus professionalisés, issus d’un milieu socialement plus favorisé et de plus en plus âgés. En dépit des lois sur la parité, la féminisation de la fonction reste modérée puisqu’entre 2008 et 2019, la proportion de femmes maires n’est passé que de 13,9 à 16,9 %.
Les enjeux politiques locaux
Si les partis politiques sont de plus en plus mis à distance par des maires qui cherchent à s’autonomiser en gommant les étiquettes politiques, revendiquant le consensus et la défense de l’intérêt général, les partis continuent de jouer un rôle, notamment dans les processus de sélection des candidats. Cependant, les politiques municipales tendent effectivement à s’uniformiser, notamment en raison des contraintes gestionnaires qui pèsent sur les collectivités locales et avec la diffusion d’une culture managériale. La construction des intercommunalités incarne ces tentatives de rationalisation, mais elle s’est effectuée au détriment de la légitimité démocratique et de la transparence pour les citoyens.
Rémi Lefebvre s’interroge sur la possibilité pour la démocratie participative de redynaÂmiser cette vie politique locale : il s’agit néanmoins trop souvent d’une sorte de faire-valoir qui contribue par ailleurs à renforcer les inégalités sociales en donnant plus de pouvoirs à ceux qui sont déjà intégrés.
Il s’intéresse enfin à la progression de l’abstention, dont la hausse est continue depuis les années 1980. Le politiste était loin de prévoir qu’elle augmenterait de près de 50 % entre 2014 et 2019… Il s’en est d’ailleurs insurgé au lendemain du premier tour en soulignant, dans une tribune publiée dans Libération1, que la faible participation entachait d’illégitimité l’ensemble des résultats.
Arthur Delaporte
(1) « Le 1er tour des municipales n’a pas eu lieu », Libération, 18 mars 2020. https://www.liberation.fr/ debats/