Deux ouvrages s’attèlent à la question nouvelle au programme des concours de l’enseignement du second degré publié en avril 2019, question d’histoire contemporaine, portant sur « les relations qu’entretiennent la culture dans sa diversité, les médias et les formes de pouvoirs (le pluriel est à noter) entre défaite nazie et dislocation de l’URSS », soit pendant la Guerre froide. S’ils présentent des similitudes, leurs différences en font des outils complémentaires.(à propos de : Culture, médias, pouvoirs aux États-Unis et en Europe occidentale de 1945 à 1991, Textes et documents, Philippe Poirrier (dir.), Dijon, EUD, 2019, 300p, 15€ et « Idem », n° spécial concours, commentaires de documents, Parlement[s], n°29, Rennes, PUR, 290p, 25€(article paru dans L’OURS 490, juillet-août 2019)
Dans sa présentation de l’ouvrage qu’il dirige, Philippe Poirrier rappelle que les programmes reflètent les mutations de la discipline. Enseignée en terminale depuis 2013, l’histoire de la culture et des médias n’est plus la nouveauté qui, il y a trente ans, jetait les agrégatifs dans l’émoi. La bibliographie abonde, notamment celle des manuels universitaires. La nouveauté réside ici dans l’élargissement de la question. La culture qui déborde les limites de la culture savante et humaniste pour embrasser l’énorme diversité de la culture de masse, et les médias (fort heureusement, les bornes chronologiques de la question dispensent les préparateurs d’aborder la révolution de l’Internet !) seront étudiés au travers de leurs acteurs, de leurs supports aussi bien que de leurs contenus. Quant aux pouvoirs, le pluriel montre clairement que l’étude porte sur l’ensemble des pouvoirs, politique, certes et à diverses échelles, mais aussi économique et spirituel. Et si tous s’imbriquent, c’est encore mieux.
Textes et contextes
« Vaste programme » dont la complexité a excité la sollicitude des universitaires. Ils ont retroussé leurs manches pour offrir à leurs ouailles deux instruments de travail bâtis sur le même modèle : un ou plusieurs documents (les deux partageant un même effort pour sortir des sentiers battus) assortis d’un texte de contextualisation. L’équipe de Philippe Poirrier propose un florilège plus abondant, assorti pour chaque objet d’étude d’une courte bibliographie, alors que Parlement[s]mise sur un travail contextuel plus étoffé.
Philippe Poirrier propose une « esquisse de périodisation » dont il reconnaît d’emblée qu’elle se heurte à « la temporalité propre » de l’histoire culturelle qui ne suit pas les grandes étapes de la Guerre froide. En ouverture de Parlement[s], Noëlline Castagnez annonce un découpage de la question plus thématique, articulé par la confrontation Est-Ouest : une culture de Guerre, les effets du modèle américain sur une Europe occidentale, et du contre-modèle, et enfin une dernière partie un peu fourre-tout qui rend compte des difficultés de présenter une synthèse de la question ne serait-ce qu’au travers de documents. La remarque vaut aussi pour l’autre ouvrage dont la troisième partie tient du pot-pourri évasivement intitulé « Libéralisation, patrimonialisation et mondialisation ». Les auteurs ont été attentifs à traiter des cultures et des médias dans leur multiplicité. En revanche, ils semblent avoir oublié le pluriel de « pouvoirs » et ont borné leur étude au pouvoir politique, l’étendant au soft powerculturel.
Des comics à Goldorak
Peu de doublons : L’Archipel du goulag, le document par excellence, impossible de le laisser de côté, et, notons-les, les contributions de Sylvain Lesage, mêmement consacrées à la bande dessinée d’après-guerre, accusée de démoraliser la jeunesse et d’aggraver la violence juvénile consécutive au conflit. Conformément à ce qui distingue les deux ouvrages, S. Lesage développe davantage le travail livré à Parlement[s], dans lequel il analyse longuement la loi de 1949, loi de censure censée protéger la jeunesse française de l’influence délétère des comics américains, ce qui, soit dit en passant, a permis l’essor des BD belge et française. Son autre contribution, qui classe quelques articles de la loi dans un bref dossier documentaire, rappelle opportunément que dans les années 1980, les mangas japonais, Goldorak en tête, prirent le relais descomicscomme « objet de panique morale ». C’eût pu être l’occasion de mettre en relation pouvoir économique avec culture et médias. Elle n’a pas été saisie.
Quoi qu’il en soit, par l’originalité et la variété des objets proposés, ces deux ouvrages seront, ensemble, des instruments précieux pour les candidats aux concours. Et gageons que les enseignants du second degré sauront aussi y trouver leur miel.
Françoise Gour