Passionnantes sont les mémoires de Joe Jacobs (1913-1978), fils de migrants Juifs de la zone des confins de l’ancien Empire tsariste, venu se réfugier en Angleterre au début du XXe siècle. A propos de Joe Jacobs, Nouvelles du Ghetto. Combattre le fascisme à Londres (1925-1939), Syllepse, 2022, 442p, 25€)
Le jeune Joe fréquente le Parti communiste anglais dès ses douze ans dans les rues de l’East End, le quartier pauvre de Londres. Très vite, il se mêle aux activités du mouvement syndical. Il décrit à merveille les conflits sociaux qui traversent le monde juif londonien, la lutte des classes fait rage, mais la xénophobie ambiante permet à la défense des groupes minoritaires de prendre le pas sur les divisions sociales.
L’ennemi principal est ailleurs : l’Union nationale fasciste d’Oswald Mosley ressoude les liens dans le monde du travail et l’affrontement prend une autre forme. À partir de 1932, le jeune homme se lance à corps perdu dans la lutte antifasciste qu’il conjugue avec le combat pour le communisme. Il décrit à merveille et avec passion la contre-société communiste anglaise notamment dans le district de Stepney. Outre les activités sportives, la préparation des ventes du Daily Worker, l’organisation des réunions de l’Internationale ou l’accueil des réfugiés et des agents de l’IC, Joe Jacobs explicite la différence entre l’organisation des cellules de rue et des cellules d’entreprise. Il décrit également les affrontements de rue avec les fascistes, l’autodéfense face aux tentatives d’intrusion dans ce quartier populaire de Londres. Le récit des affrontements du 4 octobre 1936 à Trafalgar square en sont une illustration. Cette stratégie de confrontation directe puis de rapprochement avec les travaillistes permet au PCGB de progresser, comme partout dans le reste de l’Europe.
Rapidement, Joe Jacobs est aussi pris par les doutes quant à la réalité de l’Union soviétique et remet en cause la ligne du Parti, la parole d’Harry Politt, le Maurice Thorez britannique. C’est ce qui conduit à sa mise à l’écart des responsabilités puis à son exclusion dont son soutien au POUM sert de prétexte. La mise à l’écart se traduisant aussi par sa rupture amoureuse sa compagne qui choisit les intérêts du Parti. Joe Jacobs rejoint alors l’opposition trotskiste avant d’introduire l’œuvre de Castoriadis en Angleterre.
Sylvain Boulouque