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Les résistances de Tillon, par Denis Lefebvre

« RĂ©sistance »… c’est le mot qui dĂ©finit Charles Tillon, dĂ©cĂ©dĂ© en janvier 1993. Son petit-fils lui consacre une biographie, qui n’entend pas Ăªtre une hagiographie, malgrĂ© son admiration et son attachement filial. (Ă  propos de Fabien Tillon, Charles Tillon. Le chef des FTP trahi par les siens, Don Quichotte / Seuil, 2021, 301p, 22€)

Pour rĂ©diger son livre, qui bĂ©nĂ©ficie d’une prĂ©face d’Edgar Morin, l’auteur a fait appel Ă  une bibliographie consĂ©quente : les livres de Charles Tillon lui-mĂªme, et il y en a eu, et ceux Ă©crits sur la longue pĂ©riode qu’il a traversĂ©e, puisqu’il est mort presque centenaire. Il s’est aussi plongĂ© dans les documents conservĂ©s aux Archives dĂ©partementales de la Seine-Saint-Denis, ceux du PCF donc, et dans les archives personnelles de son grand-père, notamment des carnets qu’il a tenus de 1945 Ă  1987. Enfin, il a fait appel Ă  ses propres souvenirs, pour faire revivre un homme dans son intimitĂ© familiale.

Fabien Tillon déroule une vie de combat, d’engagements dans les eaux houleuses, voire démontées, du XXe siècle…

Sur tous les fronts
De la mutinerie du Guichen en 1919 Ă  l’entrĂ©e au gouvernement Ă  la LibĂ©ration, de l’entrĂ©e Ă  la Chambre des dĂ©putĂ©s en 1936 Ă  son exclusion de sa cellule communiste en 1970, rien ne manque ici pour faire vivre cet homme qui a Ă©tĂ© sur tous les fronts. La RĂ©sistance est une donnĂ©e essentielle… dès juin 40 pour lui, alors qu’au mĂªme moment Duclos fait nĂ©gocier la reparution de L’HumanitĂ©. Il sera ensuite lâ€™Ă¢me et le chef des FTP, Francs tireurs partisans. Dans les chapitres qu’il consacre Ă  cette pĂ©riode, Laurent Tillon ne se contente pas de dĂ©crire l’action de son grand-père : il consacre des dĂ©veloppements, disons engagĂ©s, sur les travaux actuels de certains historiens des annĂ©es sombres. Ces derniers y trouveront peut-Ăªtre Ă  redire, il y aura matière Ă  dĂ©bat, et c’est une bonne chose.

Les dĂ©cennies qui suivent la guerre sont-elles plus calmes ? Pas vraiment, c’est le moins qu’on puisse dire. Stalinisme, vie du PCF, mise en accusation de Tillon, son « procès Â» avec Marty en 1952, puis son « dĂ©part Â» du parti communiste en 1970, Georges Marchais regnante : toutes ces annĂ©es sont intenses, et mĂªme tragiques. Tout est dĂ©crit dans cette biographie, au prisme de Charles bien sĂ»r, mais le contexte de chaque Ă©poque est bien mis en scène, et on note de nombreux portraits de ses contemporains. On regrette parfois l’absence de certains documents. Ainsi, pour la crise de 1952, l’auteur aurait dĂ», disons pu, reproduire la « confession Â» de Tillon, la rĂ©ponse de Jacques Duclos, et les autres Ă©changes qui ont suivi.

Le temps de l’Ă©criture
Dès 1952, pour s’en sortir y compris moralement, retrouver un peu de calme et de joie de vivre, Tillon part dans le Lubéron, un « exil » pour son petit-fils. Suivra le temps de l’écriture, puis Mai 1968, la Tchécoslovaquie et la cassure de 1970, le retour en Bretagne, d’autres livres encore, dont On chantait rouge, ses Mémoires parus en 1977. Jusqu’à sa mort, il reste à gauche, et salue en 1981 la victoire de François Mitterrand et le succès aux législatives qui suivent : « Le PS bénéficie, écrit-il, de ce qu’on appelle un raz-de-marée, mais la victoire se complète de la défaite totale du parti communiste de Marchais. C’est le plus beau jour de ma vie depuis 1952… » Tillon avait encore la dent dure ! À partir du début des années 1990, il s’enfonce tout doucement.

Que penser, au final, de cette biographie ? Elle n’est pas une hagiographie, c’est un fait. Un livre engagĂ©, certes, conforme Ă  ce qu’était Tillon : un rĂ©sistant, un militant, c’est une Ă©vidence, un hĂ©rĂ©tique, sans doute, mais jamais un renĂ©gat.

Denis Lefebvre

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