Difficile de faire la part des choses en matière d’intelligence artificielle (IA). Entre récit de science-fiction, propagande mercantiliste et réalité, l’ouvrage dirigé par Christian Byk pour l’UNESCO et qui contient de nombreuses contributions de chercheurs permet d’y voir plus clair. (a/s de Christian Byk (sous la dir. de), Intelligence artificielle. Vivre avec. Vers une nouvelle architecture du monde, MA éditions, 2023, 332p, 35,90€)
L’IA est au cœur de l’actualité. On ne compte plus les contributions à ce sujet qui, dans le contexte de l’époque, se veulent anxiogènes. Selon les prévisions les plus catastrophiques, l’être humain serait voué à l’inutilité car remplacé par des robots plus performants que lui.
Loin de ce qu’on pourrait qualifier de fantasmes, les contributeurs de l’ouvrage ont pour leur part suivi une démarche scientifique permettant de remettre l’IA à sa juste place, tout en pointant les questions qu’elle conduit à nous poser.
Une intelligence artificielle ?
L’ouvrage nous enseigne que ce qui est dénommé intelligence artificielle n’a en fait rien d’intelligent. En effet, malgré les progrès considérables de l’informatique, une machine reste une machine et est incapable d’avoir une conscience ou de nourrir une réflexion propre.
Ainsi, contrairement à une croyance répandue, l’IA n’est pas si révolutionnaire que cela et constitue seulement une évolution importante des systèmes informatiques existants.
On peut en déduire que les superlatifs utilisés à son égard peuvent s’analyser comme ayant un but mercantile, afin d’inciter les investisseurs privés ou publics à miser dans les sociétés qui portent des projets de développements dans le domaine de l’IA.
Ce procédé, illustré en son temps dans le roman d’Émile Zola L’Argent, a encore été utilisé récemment dans le domaine des transports où la supercherie du projet Hyperloop, mode de transport prétendument « révolutionnaire », a été divulguée par son instigateur, le fantasque Elon Musk.
Pour autant, tant pour la Banque universelle de Saccard que pour l’Hyperloop, il n’était nul besoin d’être un spécialiste pour douter de la faisabilité de ces projets.
Ainsi remise à sa place, il ne faut cependant pas nier que l’IA constitue une évolution importante de l’informatique qui recèle des potentialités devant être encadrées.
Les potentialités de l’IA
De la même manière qu’un logiciel de traitement de texte a avantageusement remplacé la machine à écrire, l’IA permettra de faciliter le travail de l’être humain.
Si les différents contributeurs indiquent que l’IA n’est pas en capacité de se substituer à un juge ni à un médecin, l’IA peut être un atout pour aider à prendre une décision, qu’elle se matérialise dans la forme d’un jugement ou d’un diagnostic médical.
Si des dispositifs informatiques existent déjà pour effectuer des recherches juridiques ou analyser de l’imagerie médicale, l’IA leur permettra d’être plus performants.
En effet, elle permet de traiter une base de donnée considérable (data) au moyen d’un algorithme censé donner la réponse pertinente par rapport à la recherche demandée, ce qui n’est toutefois pas sans danger.
Les dangers de l’IA
Ici aussi, plus que de nouveaux dangers créés par l’IA, les contributeurs évoquent une aggravation des dangers existants liés à l’utilisation de l’informatique.
Le premier danger concerne la base de données utilisée par l’IA et qui est sélectionnée par son concepteur. Par exemple, on peut craindre qu’en matière politique, certains ouvrages soient écartés de la base de données, altérant ainsi l’objectivité de la recherche sollicitée et condamnant des auteurs à l’oubli.
Le second danger concerne l’algorithme dont la programmation est secrète. Toujours en matière politique, des auteurs pourraient être ainsi dévalorisés car ne partageant pas les opinions de son concepteur.
Ces dangers doivent être pris au sérieux quand on sait que les développeurs de l’IA sont quasi exclusivement les plus grandes firmes qui, si elles ne sont pas régulées, chercheront à utiliser l’IA exclusivement comme un moyen d’augmenter leurs profits.
Ainsi, la lecture de cet ouvrage nous invite à réfléchir à un cadre juridique et éthique de l’Intelligence artificielle afin qu’elle soit un facteur de progrès pour le genre humain.
Nicolas Ciron
L’Ours 529 juin 2023