Ce numéro s’inscrit dans une série régulière que nous avons voulu commencer l’année dernière. Son ambition est de rendre compte de l’actualité du socialisme en France et en Europe dans la période difficile que nous traversons depuis des années maintenant. Il publie notamment des entretiens avec Olivier Faure, Jérôme Guedj, et un article d’Hélène Geoffroy. Le sommaire complet est là.
Sommaire, L’OURS hors série 108-109, décembre2024
« Socialisme 2 »
Alain Bergounioux, Introduction : « La social-démocratie et ses ennemis », p. 5-7.
Actualité du socialisme en France
Pierre Martin, « La tripolarisation de la vie politique française et ses conséquences », p. 9-23.
Joël Le Deroff , « 2002-2024, les territoires perdus des gauches : le cas du Bassin parisien », p. 24-38.
Le Parti socialiste, « (2022-2024) : entre convalescence et résilience… et vers une reviviscence ?
Rémi Lefebvre », p. 39-50.
Michel Dreyfus, « Antisémitisme à gauche ? », 51-58.
Entretien avec Olivier Faure : « La social-démocratie à la française, c’est la construction de rapports de force pour bâtir des compromis », p. 59-70.
Hélène Geoffroy, « Perspectives socialistes. La France, République sociale, démocratique, laïque et métissée », p. 71-78.
Entretien avec Jérôme Guedj, « La compétition à gauche est saine, légitime, tant qu’elle est respectueuse », p. 79-89
Actualité du socialisme en Europe
Christophe Sente, « La social-démocratie et la gauche radicale en Europe », p. 91-100
David S Bell, « Le retour compliqué du Parti travailliste », p. 101-112
Enjeux critiques
« Changer la vie ? Partir du réel pour aller à l’idéal »,discussion entre Alain Bergounioux et Gilles Vergnon (auteur de Changer la vie. Le temps du socialisme en Europe de 1875 à nos jours, Inédit, Folio Histoire, 2024), p 113-125.
Histoires socialistes
Julien Chuzeville, « La commission d’unification socialiste de 1904-1905 », P. 127-141.
Gilles Candar, « Jaurès et la Turquie. Préface à Selman Saç », P. 142-155.
Jean-Louis Panné, « Mussolini et Lénine vus par Angelica Balabanova », p. 156-173
Figure socialiste
Milo Lévy-Bruhl, « Léon Blum en campagne en 2024. Revendications et controverses », p. 175-189.
Recherche(s)
Frédéric Cépède, « Bibliographie socialiste (2024) », p. 191-203
In memoriam
Robert Badinter, par Denis Lefebvre, p. 205 Michel Debout, par L’ours, p. 208 Roland Dumas, par Denis Lefebvre, p. 209 Louis Mermaz, par Arnaud Dupin, p. 212
AVANT PROPOS
Dans le numéro « Socialisme I » (L’ours hors-série Recherche socialiste 104-105, décembre 2023), nous avions défini des principes pour rappeler ce que l’on peut entendre, raisonnablement, par socialisme aujourd’hui, pour faire la part – en s’inspirant du titre d’une étude du philosophe polonais, Leszek Kolakowski, parue en 1982, « Ce qui est vivant (et ce qui est mort) dans l’idéal social-démocrate » dans la revue Commentaire (n°18(2), p. 289-296). Nous écrivions dans la conclusion de notre propos : « la social-démocratie ne se résume pas à des politiques conjoncturelles, nécessairement changeantes selon la nature des défis et des problèmes. Elle est, avant tout, une culture politique, qui doit actualiser et approfondir les potentialités de la démocratie pluraliste dans une recherche permanente des équilibres les plus justes. »
Si l’on s’accorde sur ce devoir, il ne faut pas (plus ?) tergiverser. La récente élection de Donald Trump, et les conditions qui y ont présidé, montrent ce qui peut être un péril majeur pour tout ce que nous croyons et avons porté. Le politologue américain Francis Fukuyama, démentant son optimisme des années 1990, dans un article récent du Financial Times, faisait part de sa crainte que cette élection ne marque « le rejet décisif des libertés, du respect de l’égale dignité des individus et de l’État de droit où l’État pose lui-même les limites de son propre pouvoir ». Tout comme, dans les années 1930, les socialistes ont été confrontés au fascisme et au communisme qui voulaient, chacun, leur disparition, aujourd’hui, nous affrontons des populismes autoritaires, pour le moins, ancrés à l’ extrême droite, le plus souvent, mais trouvant, aussi, leur place dans les extrêmes gauches. Certes les diversités nationales, avec leurs caractères propres, expliquent les différences dans l’intensité du phénomène et la force possible des résistances. Mais les tendances sont les mêmes et sont directement contradictoires avec ce que porte la social-démocratie. Les analyses de ces populismes mettent, toutes, en évidence, la volonté de « construire un peuple », réuni derrière un chef, qui concentre ou qui veut concentrer l’essentiel des pouvoirs. La démocratie, revendiquée contre les anciennes élites, ne s’entend, alors, principalement que par cette délégation électorale, de plus en plus « guidée » lorsque les populistes sont au pouvoir. Leur volonté est d’abaisser tous les contre- pouvoirs. Cela peut se faire dans une perspective ultra-libérale – comme le marque les intentions de Donald Trump et d’Elon Musk – en réduisant le plus possible les régulations étatiques et en établissant, de fait, la domination d’une « aristocratie financière », ou dans la perspective d’une société administrée, restreignant les libertés et, dans les deux cas, en tendant à assimiler les oppositions à des « ennemis de l’intérieur » – selon le modèle poutinien… C’est, évidemment, l’exact contraire de ce que nous voulons : prendre réellement en compte la pluralité de nos sociétés pour construire les « compromis » qui permettent de vivre et de progresser en commun durablement – comme nous l’avons explicité dans l’avant-dernier numéro de cette revue. Réaffirmer cette volonté doit, bien sûr, aller de pair avec la question majeure de savoir pourquoi nos avons perdu le soutien d’une forte part de l’électorat populaire – ce qui est, rappelons le, aussi le cas de la plupart des extrêmes gauches et des partis écologistes. C’est ce à quoi nous essayons de travailler dans nos publications et dans le dossier qui suit. Un point clef est, sans doute, de retrouver les instruments collectifs qui permettent de structurer une société pour mener les politiques nécessaires et justes. Nous avons repris le plan du précédent dossier pour établir une continuité dans nos réflexions. Dans l’actualité du socialisme français, Pierre Martin explicite clairement la nouvelle teneur du système politique, autour d’une « tripolarisation ». Joël Le Deroff examine les résultats électoraux récents dans le bassin parisien pour caractériser « les territoires perdus de la gauche ». Rémi Lefebvre analyse, précisément, les évolutions récentes du Parti socialiste et les choix qui sont devant lui. Michel Dreyfus revient sur la question de « l’antisémitisme de gauche », pour faire le point sur son actualité. Trois prises de position de personnalités du Parti socialiste, sous forme d’entretien ou de tribune, avec son premier secrétaire Olivier Faure, Jérôme Guedj et Hélène Geoffroy, permettent de comprendre les stratégies en présence. Dans la partie consacrée au socialisme européen, nous revenons sur les premiers pas des travaillistes au pouvoir, avec David S. Bell. Christophe Sente, intellectuel et chercheur belge, nous donne une étude sur les rapports de la social-démocratie européenne et de la gauche radicale. Quatre rubriques achèvent le dossier : une discussion autour d’un livre important, celui de Gilles Vergnon, sur l’histoire du socialisme européen; une analyse de l’usage qui est fait de la figure de Léon Blum dans les récentes campagnes électorales par Milo Lévy-Bruhl, un des meilleurs connaisseurs actuels du chef du Front populaire ; trois articles sur des questions d’histoire complètent la revue, sur la commission d’unification de la SFIO en 1904-1905, avec Julie Chuzeville, sur Jean Jaurès et la Turquie, avec Gilles Candar, et sur deux lettres de cette étonnante militante, socialiste, puis communiste, enfin social-démocrate, Angela Balabanova, avec Jean-Louis Panné. Enfin, avant de saluer quelques personnalités disparues, Frédéric Cépède fait le point sur les livres, articles, travaux, colloques, séminaires etc. consacrés au socialisme dans l’année écoulée.
Alain Bergounioux