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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Congrès socialiste 2
Frédéric Sawicki : Mais l’aspect de communication interne demeure très fort. C’est certainement un aspect moins connu et des travaux de recherche seraient ici utiles. Le congrès a une fonction de socialisation pour les délégués qui n’est pas tant réductible au fait que le congrès correspond à un moment de débat politique, mais au fait que c’est le moment où des gens issus de différentes fédérations, occupant différentes responsabilités hiérarchiques, se rencontrent. Le congrès fournit l’occasion de contacter et d’approcher des dirigeants importants, voire des élus, donnant sûrement à beaucoup de délégués l’impression d’appartenir à une même famille. On peut plus largement interpréter le déroulement d’un congrès du Parti socialiste comme un moment apparemment paradoxal de réaffirmation de l’unité du parti et en même temps de l’expression de ses clivages. Le fait que ces clivages puissent s’exprimer publiquement à cette occasion devant tout le parti fictivement rassemblé permet de gérer les tensions extrêmes qui pourraient résulter précisément de leur existence. Sauf cas exceptionnel. C’est ainsi que lors du congrès de Rennes l’incapacité de la commission des résolutions à parvenir à un accord a semé le désarroi chez énormément de militants qui, certes, avaient parfaitement connaissance de l’existence des clivages et s’y reconnaissaient pour beaucoup, mais qui, tout à coup, ne comprenaient plus pourquoi le parti était incapable de les sublimer.
Cette fonction de socialisation, cette occasion pour les délégués de se « ressourcer » est très importante. C’est ce qui m’autorise à dire que dans un congrès, ce n’est pas tant le contenu des motions qui compte que l’occasion d’être confronté à toute une série de symboles qui y sont réactivés comme les grands principes d’attachement au parti, l’égalité des chances, la défense des libertés publiques, les droits de l’homme, la démocratie... De ce point de vue, que les congrès soient parfaitement démocratiques n’est pas négligeable, car c’est aussi un moyen de réaffirmer pour les dirigeants et de ressentir pour les délégués et militants la singularité du Parti socialiste.
Un congrès est donc un objet extrêmement complexe qui est vécu d’une façon très différente selon les protagonistes : pour les dirigeants, entre autres, c’est l’occasion de mesurer leur popularité, de ressouder les soutiens et, éventuellement, de se compter ; pour les délégués, c’est un moment important de l’affirmation de l’attachement au Parti, etc.

Pierre Serne : C’est effectivement la multiplicité des approches que l’on peut avoir d’un congrès qui retient l’attention. Le congrès, qui se réunit maintenant tous les trois ans dans une ville de France, n’est que l’aboutissement d’un long processus ayant mobilisé les militants en section puis les délégués au niveau fédéral puis national pendant des mois.
Ce jeu d’échelle entre ces différents niveaux est un champ que Frédéric Sawicki a bien étudié. Pour la grande majorité des militants du Parti, la participation active se limite au niveau local, même s’il y a plus de délégués que par le passé dans les réunions des instances fédérales et nationales, ce ne sont au total qu’un demi-millier de délégués qui participent à toutes les phases d’un congrès. Et tandis qu’au niveau national se définissent théoriquement les grandes orientations et l’élection des responsables, au niveau local et fédéral les mêmes choix s’opèrent en suivant à peu près le même calendrier. C’est donc tout le Parti qui est concerné, la vie interne du PS s’accélère : à tous les niveaux « on se compte », on vote, on mesure l’évolution des rapports de force entre les tendances. C’est le seul moment aussi où les choses bougent éventuellement en terme de majorité et de direction dans les sections et les fédérations. Pour certains militants, c’est le moment de monter en grade, d’accéder à des responsabilités, ou d’être remis en question. Pour bien des socialistes, c’est l’aspect essentiel du congrès et c’est un des temps forts de leur vie militante. Ce qui se joue en section ne doit pas être négligé.
Il ne faut donc pas se tromper, même si les observateurs extérieurs ont parfois tendance à ne voir dans un congrès que la « communication externe », ce temps fort de la vie du Parti est aussi un moment important de l’investissement militant, avec parfois un enjeu interne crucial.
De ce point de vue les usages stratégiques internes du congrès sont probablement aussi importants que les usages stratégiques externes.
En interne, le congrès peut ainsi être le moment de restructuration des courants (même s’ils ont officiellement disparu). Par le biais des motions qui sont écrites, c’est l’occasion de créer une éventuelle nouvelle tendance, de réactiver un courant, de le cristalliser, etc. C’est donc le moment où les lignes de partage internes au parti peuvent bouger soit par création, scission ou fusion de tendances, soit par le passage de l’une à l’autre de personnalités, de fédérations, ou de groupes du parti.
Mais, selon les congrès, je rejoins ce qu’exprimaient Alain Bergounioux et Frédéric Sawicki, certains de ces aspects internes ou externes sont plus ou moins apparents et il ne faut pas perdre de vue les différentes dimensions. Le congrès sert également à réactiver la vie du parti, à faire exister formellement l’obligation démocratique en interne en donnant, en théorie, la parole à tous les militants sensés pouvoir rédiger, amender, contribuer à des textes jusqu’à l’échelon national.
Donc, le temps du congrès permet effectivement de réactiver un certain nombre de choses : du militantisme, des liens et des ciments internes, ce que l’on pourrait presque appeler la « foi ». Il y a besoin aussi dans le ronronnement d’une vie militante de redonner une bouffée de démocratie, de doctrine, d’aspect programmatique qui permet aux militants d’avoir l’impression de ne pas faire que de la cuisine interne ou du travail militant traditionnel (tractage, affichage, etc…).

Cette présentation générale d’un congrès socialiste nous a permis d’en voir les différentes dimensions, et d’en suivre quelques évolutions. Il est intéressant, à cette étape, de constater que si la question des types de congrès renvoie aux différentes dimensions qu’il peut revêtir, elle est inséparable du contexte. Ce qui devra presque nous amener à étudier chaque congrès afin de le classer dans telle ou telle catégorie : enjeu de communication interne, enjeu de communication externe, lieu de crise, d’apaisement, etc., ces catégories suggérées n’étant ni exhaustives, ni figées, et soumises au débat. Mais , il faut s’attarder sur deux modifications intervenues récemment : l’espacement de trois ans entre deux congrès, et l’élection du premier secrétaire par les militants.
Le congrès, lieu de la souveraineté partagée
 

 
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