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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Breugnon/Eck, Savary/Lefebvre, Fuzier
Vies et voies vers le socialisme
Par PIERRE BREUGNON
a/s de Alain Eck, Alain Savary, Un socialiste dans la jungle
Denis Lefebvre, Claude Fuzier, Un socialiste de l’ombre
L’Encyclopédie du socialisme 7 et 8 2004 128 p 7,5 e chaque

Claude Fuzier et Alain Savary, deux hommes qui ont joué un rôle important dans les transformations du socialisme français, bénéficient chacun de biographies sensibles et documentées. Elles sont publiées dans l’Encyclopédie du socialisme, qui s’installe peu à peu dans le paysage éditorial socialiste.

Une forte silhouette ne cherchant pas à suivre les dernières exigences de la mode, un air d’abord bourru qui se transforme en sourire quand la glace est rompue, une écoute qui ne doit rien à la démagogie politicienne, Claude Fuzier (1924-1997) ne peut avoir de meilleure approche que celle de Denis Lefebvre.

Claude
Disciple, ami, confident de Claude Fuzier, Denis Lefebvre évite de glisser dans les marécages de l’hagiographie. Il sait bon sens garder pour évoquer la carrière de ce fils unique d’une directrice d’école et d’un commis des PTT revenu " brisé " de la Première Guerre mondiale.
Claude Fuzier avait imaginé suivre les cours de l’École française de Rome, être historien, universitaire. Il participe, à sa manière discrète, à faire avancer le socialisme hexagonal. Salarié aux NMPP (Nouvelles messageries de la presse parisienne), responsable des groupes socialistes d’entreprise, il devient journaliste au Populaire, secrétaire général de la fédération de la Seine, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Démocratie. Talentueux chroniqueur littéraire sous le pseudonyme de Georges Frameries, il est un des meilleurs critiques de l’œuvre de Louis Aragon. Fin 1961, Jean-Jacques Servan-Schreiber lui propose d’entrer à L’Express, flamboyant hebdomadaire. Il refuse.
Claude Fuzier, " socialiste de l’ombre ", comme le souligne, documents à l’appui, son biographe, a eu un rôle considérable pour renouer, dans la discrétion absolue, des fils avec un PCF à l’époque dominateur. Il signe des articles, s’entretient, écoute, propose. Son principal interlocuteur, Georges Gosnat, est comme Claude un gastronome. Quand il décède en 1982, André Wurmser relève dans L’Humanité : " Il serait dommage que le camarade socialiste avec qui il entretint longtemps des rapports officieux ne sache pas avec quelle amitié Georges parlait de lui. "
Sénateur, maire de Bondy, il aménage la ville en se souciant de ses habitants. Pas d’horreurs architecturales, mais le respect des volumes.
Président de l’OURS jusqu’à sa mort, Claude veille, avec bonheur, au développement de cet office dont le renom se développe au fil des années. " Claude Fuzier visionnaire, homme de l’ombre, est une figure centrale. Il est temps de le mettre à sa vraie place ", conclut, avec raison, Denis Lefebvre.

Alain
Une casquette de marin, debout dans la salle de commandement : on imagine Alain Savary sur un navire de guerre fonçant sur l’ennemi.
Né à Alger en 1918 d’un père breton et d’une mère corse, major de Sciences-Po (section diplomatique), Alain rejoint l’Angleterre le 18 juin 1940. Le 8 août, il est affecté à l’état-major de l’amiral Muselier. En décembre 1941, pour le réveillon, il s’empare avec Muselier, à la demande de Charles de Gaulle, de Saint-Pierre-et-Miquelon. À 23 ans, il se retrouve gouverneur de ces terres lointaines mais stratégiquement importantes. En juillet 1943, il obtient le commandement du 2e escadron du 1er régiment de fusiliers marins devenu un régiment blindé de reconnaissance : campagne d’Italie, campagne de France avec le débarquement à Cavalaire en Provence, compagnon de la Libération, commissaire de la République à Angers (il succède à Michel Debré), secrétaire général du commissariat aux affaires allemandes et autrichiennes, conseiller de l’Union française, député de Saint-Pierre-et-Miquelon, député de Haute-Garonne. Il connaît, aussi, des échecs électoraux.
Ministre, il démissionne du gouvernement Guy Mollet à la suite de l’arraisonnement de l’avion de Ben Bella et de plusieurs dirigeants nationalistes algériens.
Il quitte la SFIO, participe à la vie des clubs, revient à la " vielle maison " qui a lancé sa mutation. Premier secrétaire du " nouveau " Parti socialiste, né et mis en place en 1969 aux congrès d’Alfortville et d’Issy-les-Moulineaux, il est éliminé au congrès d’Epinay (1971) par François Mitterrand et ses alliés. Contrairement à une légende entretenue pas ses féaux, le congrès d’Épinay n’est pas le congrès fondateur du Parti socialiste et, avant le député de la Nièvre, il y a eu Alain Savary. Ministre de l’Éducation nationale en 1981, il démissionne en 1984, car ses projets ne sont pas acceptés. On n’oubliera pas qu’il a été, sans démagogie, un pionnier de la régionalisation,.
Alain Eck, bénéficiant de sources inédites, et faisant appel à ses souvenirs personnels (il a été un proche collaborateur de Savary), nous décrit tous ces événements, nous les resitue dans leur contexte. Il nous fait aussi revivre l’homme, qui n’a jamais manqué de courage. Il nous offre un livre chaleureux, rigoureux, un peu brouillon sans doute. C’est dommage.
Pierre Breugnon
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